Après des mois de préparation, de communication et de tractations, la loi immigration de Gérald Darmanin a finalement fait l’objet d’une motion de rejet et ne sera pas même débattue à l’Assemblée. Pour le ministre de l’Intérieur, qui est aussi le ministre des Émeutes, des interdictions de manifester et des dissolutions, c’est assurément un revers, un camouflet. Mais c’est encore bien davantage.
C’est aussi la prise de conscience, peut être ponctuelle mais salvatrice, de ce que nous a appris Bainville : « en politique ce qui est inutile est souvent nuisible ». Le texte de Darmanin n’était pas à la hauteur de l’enjeu de l’immigration, ce que les Français expriment de manière de plus en plus claire à travers de nombreux sondages : 2/3 d’entre eux estiment qu’il y a trop d’immigrés extra-européens en France (CSA, novembre 2023), 65 % considèrent qu’accueillir des immigrés supplémentaires n’est pas souhaitable (Ifop, juin 2023) et ils seraient 71 % à être favorables à une forte réduction du flux d’immigration (CSA, juillet 2022).
Paradoxalement – elle a surtout été adoptée par une union sacrée des députés RN, LR et LFI – la motion de rejet exprime surtout l’échec et le rejet de la politique de la méthode Macron. L’en même temps a fait son temps, et l’expression de ce ras-le-bol ne fait que conforter le message de la récente tribune du Comte de Paris qui appelle à « une nouvelle façon de gouverner ».
Ce revers est peut-être aussi historique, dans la mesure où, pour une fois, l’Assemblée nationale a un peu mieux reflété la volonté du peuple. Les Français veulent en effet de vraies mesures, mais ils veulent surtout une véritable volonté politique pour rompre avec l’immigration anarchique et avec le communautarisme qu’elle a engendré, avec la délinquance et la criminalité dont elle a été le terreau, avec l’islamisation croissante qui ronge le pays et avec le terrorisme qu’elle nourrit chez nous.
Ce que veulent les Français, en somme, c’est rendre les Français à la France et reprendre le contrôle. Leur message est clair : immigration zéro, tolérance zéro. La « République une et indivisible » en est-elle capable ? ■
Communiqué.
«Ce que veulent les Français»… Cette formule est désormais le mantra le plus répandu dans les «prises de parole», par les médias, par les politiques, par les «analystes», bref, partout, par tous, c’est une orgie de la même chose dite textuellement sous forme de quasi partouze des chroniques…
Le roi dit «nous voulons» !!! Un point c’est tout.
Quant aux Français, que «voudraient»-ils donc, réellement ; le leur a-t-on demandé, effectivement ? Eh bien, non. Pour cette bonne et simple raison que, à partir de 1789 et selon la déclaration de Mirabeau, l’État se «constitue» par la grâce du ramassis qui a envahi le Jeu de Paume : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous ne sortirons que par la force des baïonnettes» ; et ce ramassis de par «la volonté du peuple», s’assemble NA-TIO-NA-LE-MENT, afin de «faire société», comme on formule stupidement aujourd’hui… De telle manière que les cyniques ont alors toute licence de bâtir toutes sortes de systèmes sociologiques, à prétention «philosophique» et au gré de leurs fantaisies dialectiques. Cyniques et violents se permettent de réduire à plus petit dénominateur tout ce qui tombe sous le couperet des sophistiques astuces, dont ils resserrent les baillons. Ainsi donc, le «premier» d’entre ces réducteurs, le Hegel totalitaire se régalant de pouvoir enfin dresser le phénoménologique échafaud sur lequel il entend caractériser l’«Esprit», pour la découpe en morceaux des ressorts qu’il théorise. Et, quant à ce «peuple», pour très bientôt universalisé dans la quantité des suffrages, il prévoit que en tant que «partie de l’État», il constitue le fragment social qui «ne sait pas ce qu’il veut» – car il doit bien falloir à la raison que l’on détermine un, sans doute.
À partir de quoi, naturellement, toute espèce de sophistique politique peut se permettre de déclarer ce que le peuple «veut», mais qu’il ne sait pas définir, raison pour laquelle des quidams réfléchis s’en vont aller «faire de la pédagogie», pour le leur expliquer le plus précisément possible… Seulement, voilà, il arrive que cette gent d’humanistes patentés se met à «savoir» mieux, mieux – de mieux en mieux, d’ailleurs – comment établir le lieu commun selon lequel, dialectiquement, «le mieux est l’ennemi du bien».
C’est par les lieux communs, distribués en dragées lors de la grande communion du suffrage universel, afin de borner le langage par «un très petit nombre de formules» dont, dans son «Exégèse des lieux communs» («Œuvres complètes», VIII, Mercure de France, 1968) Léon Bloy dresse le répertoire «extrêmement exigu et [qui] ne va guère au-delà de quelques centaines», dont chacun d’eux, finalement, «a le pouvoir de faire osciller les mondes et de déchaîner des catastrophes sans merci», car, enfin, «les abimes de la Lumière sont immédiatement invoqués par les gouffres de [la] Sottise» exprimée par ces «inanes bourgeois». Et Léon Bloy, au chapitre III :
«Je prends ma tête à deux mains et je me donne à moi-même des noms très doux : — Voyons ! encore une fois, mon cher ami, mon trésor, mon petit lapin bleu ! un peu de calme, nous retrouverons peut-être le fil. Nous avons dit ou entendu dire que le Mieux est l’ennemi du Bien, n’est-ce pas ? Or qu’est-ce que l’ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc le Mieux et le Mal sont identiques. […]Oui, mais si le Mieux est vraiment le Mal, nous allons être forcés de reconnaître que le Bien, à son tour, est aussi le Mal, d’une façon très incontestable, puisque tous les hommes avouient qu’il est lui-même “mieux” que le Mal qui est le Mieux et que, par conséquent, il est mieux que le Mieux qui serait alors le Pire !!!!!!???? Zut ! Ariane me lâche et j’entends mugir le Minotaure.» (p. 23-24.)
Par quelle lumière s’éclaire alors ce que «peuple veut» puisque, au fond, ce qui le caractérise philosophiquement est de ne justement pas le savoir ? Ma foi, il existe une norme secourable : l’bull’tin d’vote ! … Celui-ci établissant que la majorité de ce qui ne sait pas ce qu’il veut dégage un SENTIMENT de volonté consensuelle, «sentiment» raisonnable scientifiquement pondéré, de surcroît, par les «deux tours». Ernst Jünger observe quelque part l’exercice du suffrage ; il l’interprète comme une procédure statistique à grande échelle… Il ne restait plus qu’à lui substituer l’enquête d’opinion, par laquelle les questions posées à une «toute petite minorité» permettent de dégager l’ensemble des aspirations. On se demande ce qu’est le bien du mieux et on le comprendrait mal s’il n’y avait la grande culture distribuée, dans laquelle on peut glaner la sentence d’«Un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras» et, comme dit au carpillon le populiste pêcheur de la fable : «Dès ce soir on vous fera frire.»
Le camouflet subi par l’exécutif ne changera rien. Une loi passera en force com’dab.
Comme en terrain conquis et brûlant la séparation des pouvoirs, Mme Borne a le culot de faire la leçon de morale aux groupes de l’Assemblée nationale. Et nul ne lui répond : « nous sommes ici chez nous ».