Par Hilaire de Crémiers.
Philippe de Villiers n’a peur de rien. La hardiesse est dans son tempérament. Vivre dans la peau, dans l’esprit, dans l’âme du Roi-Soleil et parler avec sa bouche, sa langue, ses mots, ses pensées et ses humeurs relève d’une gageure qui suppose une violente amour du Roi.
De ce Roi par excellence que fut Louis XIV, et à travers sa personne de la France qu’il incarne dans toute sa majesté et jusque dans ses faiblesses qui furent royales, elles aussi, dans leur façon de sublimer la misère de l’humanité. C’est, à n’en pas douter, ce qui a tenté et, du coup, ce qu’a tenté Philippe de Villiers, tout dévoué à l’idée maîtresse qui domine sa vie : la France, faire vivre et revivre la France, la nation bien-aimée, celle qu’on croit et qu’on veut croire immortelle, celle qui ne doit pas et ne peut pas mourir, car elle porte à l’intime de son histoire un mystère de vie qui est un secret divin. Ce qui était la conviction la plus absolue de Louis XIV.
Au surplus, Philippe de Villiers ne se livre pas à un coup d’essai. Il a déjà pratiqué l‘exercice, en particulier avec saint Louis. Il connaît son XVIIe de cœur et d’esprit ; il s’y promène avec assurance et il sait s’entourer des plus sûres garanties de la science et du jugement, en l’occurrence un Franck Ferrand, un Michel De Jaeghere. Et c’est muni de toutes les ressources de la compréhension la plus complète possible qu’il s’est lancé dans le récit, de forme autobiographique, mais qu’il intitule pudiquement roman, qui lui tenait tant à cœur, de la vie du roi qui fut le plus roi de tous les rois, le plus français aussi, celui qui fit corps avec son peuple et en exprime la conscience la plus élevée.
L’intérêt de la nation, l’avenir du pays, la gloire de la France
Chapitre après chapitre, défilent tous les moments cruciaux du règne, avec leurs dialogues véritables, leurs décisions, leurs circonstances exposées du point de vue de celui qui parle et qui s’explique, leurs discours appropriés, surtout les considérations et réflexions personnelles qui déterminent les objectifs politiques poursuivis et définissent cette éthique royalement vécue en esthétique supérieure dont il est permis de penser, avec cette certitude singulière de l’histoire, toute nimbée d’intuition psychologique, qu’elle fut effectivement celle de cet homme dont le seul souci, soutenu par les événements, fut d’appréhender en chaque occasion ce que requéraient l’intérêt de la nation, l’avenir du pays, la gloire de la France. Même quand il se trompait ou qu’on le trompait. Inutile de souligner qu’on ne peut s’empêcher de faire des comparaisons. Singulièrement dans la conception même du pouvoir, surtout face aux prétentions des judicatures dévoyées !
Tout y passe : de l’enfance perturbée sous la houlette profitable de Mazarin jusqu’à la prise effective du pouvoir dans le rayonnement de ses vingt-deux ans, de la leçon administrée dans l’affaire Fouquet jusqu’aux splendeurs du règne victorieux et glorieux où l’art royal parfait le style français, des premières difficultés aux déboires accumulés quand l’envie coagule toutes les inimitiés – et même le climat ! –, jusqu’aux sublimes sursauts finaux au milieu des terribles épreuves du royaume et des tristesses infinies dont la mort enserre le monarque valétudinaire, et cependant toujours roi, superbement et humblement roi, abordant sa propre mort avec toute la modestie requise mais dans une mise en scène parfaitement réglée, à qui cet artiste incomparable de la politique sait donner la signification la plus catholique et la plus nationale, en un mot la plus royale. ■
Philippe de Villiers, Le roman du Roi-Soleil, Plon ; 484 p. , 23€