PAR RÉMI HUGUES.
Il y a cent ans l’éditeur Grasset publiait une biographie consacrée à Vauban signée Daniel Halévy. Son succès fut tel que dès l’année suivante une réimpression de l’ouvrage fut réalisée.
Ce volume revient sur une époque où loyauté à sa nation ne faisait qu’un avec la loyauté à son souverain. Rien à voir avec notre époque où les chefs d’État traitent les nationalistes en ennemis, le vocable « nationaliste » faisant office d’anathème.
Halévy (1872-1962), issu de l’intelligentsia parisienne, d’une mère protestante et d’un père juif, loue dans cet ouvrage autant ce grand commis d’État que fut Sébastien Le Plestre, marquis de Vauban, que le régime qui l’a vu naître et s’épanouir. Page 23 ce dernier est présenté comme « un serviteur du Roi, c’est-à-dire de la France. Au XVIIe siècle, les deux mots se disaient l’un pour l’autre, ils avaient un même sens. […] Terre et peuple ne sont pas séparables. La terre, ôtée, que peut le peuple ? Le peuple ôté, que vaut la terre ? »
Questionnement aux accents barrésiens, qui met en évidence dans quel sillage idéologique se place l’essayiste. Proche aussi est-il de la pensée de Charles Maurras, quand il se fait apologète de la monarchie héréditaire : « La France du XVIIe siècle n’était pas la prébende d’une bureaucratie ; elle était la propriété d’une famille qui l’avait faite, le bien d’un maître qui l’aimait et qui avait su s’entourer de serviteurs passionnés comme lui-même. » (p. 49)
Or en ce temps-là un grand changement était en train de s’opérer : durant le siècle de Louis XIV, nous indique-t-il à la page 102, la noblesse traditionnelle est supplantée par « [u]ne caste différente, gâtée par les intrigues de cour et les alliances d’argent ; une caste qui mêle au sang guerrier le sang des laquais enrichis, s’est élevée au-dessus d’elle. »
Avec la modernisation de la société française, les bellatores – ceux qui combattent – sont en train de commencer à être remplacés par la « bancocratie », des lois du Sang on est en train de passer aux lois de l’Or . Telle est la vision historique d’ensemble sous-jacente à cet essai.
« Le gentilhomme d’arme […] observe avec jalousie les prompts avancements que la faveur et l’or assurent » (idem) : voilà quel sentiment général caractérisait l’époque selon lui, comme l’atteste le pamphlet du dramaturge et économiste Pierre Le Pesant de Boisguilbert contre les financiers, Détail de la France (1695). Et, manifestation antérieure, et plus artistique, de cette évolution, un personnage de l’œuvre de Molière : M. de Pourceaugnac, dans la pièce de théâtre éponyme qui fut jouée la première fois en 1665.
Ce mouvement, soutient Halévy, s’accentua lors du siècle suivant, dit des Lumières. Pour lui « l’impossible égalité dont la mode s’introduit dans les salons parisiens » constitue un élément majeur du « délire idéologique dont s’enchantera [c]e siècle » (p. 145), qui vit Vauban y vivre ses ultimes années, puisqu’il mourut le 30 mars 1707, au grand désarroi de son roi, qui dit lorsqu’il apprit son décès : « Je perds un homme fort affectionné à ma personne et à l’État. » (cité p. 200)
Il naquit 74 ans auparavant, le 1er mai 1633. Être né un jour qui deviendra la fête du Travail est riche de sens le concernant : sa fibre sociale est particulièrement signalée par son biographe. Par exemple, il remarque que Vauban avait conscience « que la vraie matière d’un royaume et sa solidité consistent dans les hommes qui le peuplent, et qu’en dernier ressort la puissance des Rois réside dans la vigueur et l’affection des hommes dont ils ont reçu la charge en même temps que l’appui. » (p. 141)
Il avait un amour sincère de son peuple, que seul celui qu’il éprouvait pour son roi égalait. Sa défense du repos dominical atteste de son souci pour la condition laborieuse, qu’un Jordan Bardella ou un Fabien Roussel pourraient tout à fait reprendre dans leurs interventions sans que cela paraisse anachronique :
« Je vois une chose qui les fatigue et nous profite de peu, c’est le travail du dimanche, qui est un jour destiné au repos par Dieu même. Et en effet, il n’est pas possible que des corps qui ont travaillé avec vigueur six jours durant n’avaient pas besoin de repos le septième, et ne soient bien aise d’avoir ce jour-là pour se recréer, puisque ce n’est que pour cela qu’ils travaillaient. Cette contrainte les chagrine et diminue leur courage. Pour moi, je suis persuadé qui si on abandonne les dimanches, ils en furent tout autant en six jours qu’en sept… De plus, il y en a beaucoup qui perdent la messe et qui, de rage et de chagrin, n’y veulent pas aller. » (p. 45)
Préoccupé par le sort des travailleurs, Vauban ne l’était pas moins du sort de l’Église. Il « était […] peu dévot ; pourtant il était chrétien comme tous les honnêtes hommes de son temps. » (p. 198) À une époque où dans les hautes sphères l’irréligiosité faisait florès, il ne délaissa pas la foi catholique. C’est sans doute ce qui explique son attachement à la question sociale, car n’étant pas roturier, il aurait pu verser dans la morgue d’ordre, ou, pour utiliser un expression plus contemporaine, « l’arrogance de classe ». ■ [À suivre]
Jordan BARDELLA ne représente t-il pas votre idéal politique puisque vous insérez sa photo? Vous savez mieux que moi, citoyen lambda quelconque, que le R.N. a beaucoup plus de chances de gagner que l’idéal royaliste démocratique que vous ne représentez d’ailleurs pas. Que MLP devienne présidente de la république ne vous chagrinerait guère, à mon humble avis…
N’attendons pas le rétablissement du pays des partis politiques quels qu’ils soient, mais suscitons le dévouement à la France par l’enseignement de son histoire et l’amour de son peuple comme Vauban, esprit universel. Voila notre mission en attendant que la Providence suscite ceux qui rétabliront son souverain,
Vous croyez vraiment que le fait d’insérer la photo de quelqu’un dans un article quelconque signifie qu’il incarne l’idéal politique de celui qui l’insère ? Ce serait parfaitement stupide, ‘est-ce pas ?
Notre idéal politique c’est ce que Pierre Boutang appelait le Principe (royal) et le Prince. Même si l’on doit savoir que tout régime a ses défauts, ses points faibles, ses défaillances. Le Politique est une « science » du réel où la perfection n’existe pas.
Donc si nous considérons telle ou telle personnalité politique plus capable que d’autres de servir ponctuellement et partiellement la France, aucune – par manque de transcendance et de pérennité – ne nous paraît répondre vraiment au besoin profond de notre Pays qui est au-delà des personnes.
Ces précisions nous paraissent une réponse suffisante à votre interrogation.