PAR RÉMI HUGUES.
Il était en effet d’extraction noble. « Son arrière-grand’père, Émery Le Plestre, était notaire dans un un bourg morvandiau […]. En 1555, Émery Le Plestre achète pour partie le petit fief de Champignolles et la maison de Vauban dans la paroisse de Bazoches […]. Ainsi le notaire accède à la noblesse. Il prend le titre d’écuyer et, selon la tradition locale, vit comme un gentilhomme avec les autres gentilshommes du pays ; vie assurément toute simple et rustique. » (p. 4)
À la fois « fantassin, artilleur, architecte, contremaître, ingénieur des poudres et salpêtres, des mines, des ponts et chaussées, hydrographe et topographe » (p. 119), Vauban commença sa carrière en 1651. Il était alors âgé de 17 ans, et se mit au service de Condé, parti en guerre contre le parti de Mazarin. Puis ce dernier le repère après ses hauts faits lors du siège de Saint-Ménehould (Aisne) et le convainc de passer dans le camp du Roi.
En 1655 il obtient le titre d’ingénieur ordinaire du Roi. C’est-à-dire technicien d’armée, appelé aussi « maître artisan », et, au préalable, « artilleur ».
Ainsi commençait une vie entièrement sacrifiée à une carrière de serviteur de l’État, — à l’image de Du Guesclin, qui ne voyait jamais ou presque son épouse Tiphaine Raguenel.
Le grand amour de Vauban, lui aussi marié, à Jeanne d’Osnay, fille d’un baron du pays, ce fut la France, à qui tous ses efforts intellectuels, moraux et physiques étaient intégralement consacrés.
« Vauban avait une passion, et c’était son métier, son pays et son Roi », écrit Halévy page 171. Une sorte de servitude volontaire, pour reprendre les mots de son contemporain La Boétie. « Le pauvre est esclave, le puissant aussi. Il n’y a de bon temps au monde que pour l’imbécile et le sauvage » (p. 31), note intelligemment Halévy, ce qui n’est pas sans rappeler, chez Platon, le paradoxe du tyran, qui, maître absolu, subordonne son empire sur les autres hommes à la satisfaction de ses désirs, et ainsi s’avère esclave de ceux-ci.
Pour Vauban, les désirs de Louis XIV, qu’il recevait dans la plupart des cas par l’intermédiaire de son ministre Louvois, étaient des ordres. Cela pouvait être assiéger une ville, édifier une place-forte défensive ou aménager un nouveau port. Sans oublier quantité de mémoires rédigés, de sa propre initiative ou sur commande. Et il parvint si bien à répondre aux attentes de son Maître qu’il atteignit le sommet de la hiérarchie administrative. En avril 1691, lors du siège de Mons, il partage au repas avec le Roi pour la première fois. Ensuite en juillet 1691 Louvois décède. Par conséquent Vauban devient « l’homme que Louis XIV […] va choisir d’écouter […]. Il a soixante ans, toute sa force encore et déjà toute son autorité. » (p. 97)
Voici comment Saint-Simon le dépeignait, alors qu’il venait d’atteindre l’échelon suprême au sein de la Cour, celui des conseillers proches du roi : « Un homme de taille médiocre, assez trapu, qui avait fort l’air de guerre, mais en même temps un extérieur rustre et grossier, pour ne pas dire brutal et féroce. Il n’était rien moins ; jamais homme ne fut plus doux, plus compatissant, plus obligeant, plus respectueux, sous mille politesses, et le plus avare ménager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenait tout parfois et donnait tout aux autres… » (cité p. 98)
La trace la plus durable qu’il a laissée dans l’armée française concerne l’infanterie. Il a fait en sorte que la baïonnette remplace la hallebarde et le mousquet. Celle-là est trop lourde et celui-ci est hors d’usage dès que sa mèche est mouillée. Une baïonnette pouvait être fournie au fantassin jusqu’à la Grande Guerre.
De nos jours une personnalité aussi grande serait vouée aux gémonies, accusée des pires turpitudes. Voyez son zèle patriotique : « Tel est le grand et très noble Royaume de France, le mieux situé de l’univers, eu égard à tout ce que l’on voudra. […] C’est enfin le plus beau royaume du monde et rempli des meilleurs sujets. » (cité p. 63) Ces lignes, composées dans le contexte de la guerre contre les nations protestantes, consécutive à la révocation de l’édit de Nantes, seraient condamnées, et son auteur traité de « fasciste » et « xénophobe ».
Voyez ses lucides prescriptions adressées à son neveu, citées page 167 : « Rien ne fait tant de torts à un homme que de se régler par les sentiments de sa femme dans les fonctions de sa charge. » La « rien-pensance », actuellement à l’œuvre dans les médias de masse, se lèverait contre cet odieux machisme, cette misogynie la plus abjecte, et serait vent debout contre ce « fourrier de la culture du féminicide », lui qui ose soutenir que les femmes « sont des animaux difficiles à contenter et qui ne pardonne pas » !
Pour les fanatiques du politiquement correct, de telles assertions ne méritent qu’une seule chose : que les rues et bâtiments publics qui portent son nom soient débaptisés sur-le-champ !
Son nom ne figure presque plus dans les programmes scolaires, alors que sa vie devrait être érigée en modèle à imiter auprès des jeunes générations, en leur disant qu’elles aussi, si elles le veulent et qu’elles en mettent les moyens, peuvent laisser à la postérité une empreinte comparable. ■ [À suivre]
En juillet 1691 c’est Louis XIV que Vauban a écouté…nous étions encore loin de la faute de frappe de ce récit qui nous propulse sous Louis XVI….tout le monde aura rectifié sans peine et apprécie l’exposé sur cet excellent serviteur du roi et de la France. Il a malheureusement fini en disgrâce suite à la malheureuse affaire de la dîme royale mais il nous laisse ses œuvres qui ont traversé les siècles pour notre plus grande admiration.