PAR RÉMI HUGUES.
Publié en juin dernier dans les circonstances du moment, cet article reflète, fondamentalement, l’actuelle condition, vassalisée, ou captive, de notre pays. Elle se pare néanmoins de cette sorte de morgue encore affichée par le Chef de l’État dans ses vœux irréels du 31 décembre.
Malgré la décision de Standards & Poor de ne pas abaisser la note de la France, pour Rémi Hugues l’impuissance de l’État avec Macron est arrivée à son paroxysme. La soumission de l’État à la pression de ses créanciers atteint en effet, désormais, un niveau sans précédent.
« La décision était particulièrement attendue par le gouvernement. L’agence de notation S&P Global Ratings a maintenu ce vendredi la note de crédit de la France à ‟AA/A-1 +”. Elle a néanmoins conservé sa perspective ‟négative”, ce qui signifie que le pays n’est pas à l’abri d’un abaissement. Ce maintien ‟est principalement dû à la révision de la stratégie de consolidation budgétaire du gouvernement”, écrit l’agence de notation, en citant comme faits positifs, outre la réforme des retraites, la fin programmée des aides énergétiques à la faveur de la baisse des prix des hydrocarbures. »
C’est ainsi que l’Agence France Presse rapporte dans une dépêche du vendredi 2 juin 2023 la décision de Standards & Poor de ne pas suivre Fitch, qui le vendredi 28 avril dernier, a abaissé la note de la France d’un cran, à AA-.
Bercy s’en est immédiatement félicité, tel un élève studieux enchanté que son travail soit récompensé par une bonne note de la part de son professeur : le gouvernement est à la vérité réduit à prendre des mesures non pour améliorer les conditions de vie de ses compatriotes, mais pour convaincre ses prêteurs habituels de la capacité à rembourser les obligations émises pour ramener le volume des recettes à celui des dépenses. Cela est palpable lorsque dans son communiqué de presse S&P loue l’exécutif d’avoir mené la réforme des retraites, de ne pas avoir lâché face à la pression de la rue.
Depuis 1974 tous les budgets de l’État ont été déficitaires, et sous la présidence de Macron la situation s’est aggravée, eu égard notamment au « Quoi qu’il en coûte » de la pandémie de Covid-19. L’État macronien s’avère l’illusion de la puissance, par des coups de com’ lancés à intervalles réguliers il crée un mirage, celui d’une présidence omniprésente, omnipotente et omnisciente au service des Français, qui devraient, plutôt que de se plaindre, être reconnaissants que la Providence leur ait donné Jupiter comme chef.
Avec Macron l’impuissance de l’État est arrivée à son paroxysme : depuis de Gaulle la fonction présidentielle a perdu de sa superbe, il est par conséquent indispensable de ruser, de laisser croire que vaste est son pouvoir, en occupant le terrain médiatique par des gesticulations qui doivent être autant vues par les jeunes que les seniors. Pour les premiers ce sera TikTok et Instagram, pour les seconds le journal télévisé de TF1, le « 13 heures » de préférence.
Mais tout ceci n’est que vaines palabres pour mieux tromper son monde. Le monarque républicain est nu, les traités internationaux, les institutions de l’Union européenne et surtout les créanciers de la France, principalement des firmes anglo-saxonnes, lui dictent une conduite qu’il sait parfois contraire aux aspirations profondes du peuple, les seules qui in fine décident dans un système démocratique, même si les puissances financières peuvent savamment les orienter en faveur de leurs intérêts propres.
Dans La France contre les robots, Georges Bernanos soulignait que « les Puissances de l’Argent savent utiliser à merveille le suffrage universel, mais cet instrument ressemble aux autres, il s’use à force de servir. »
Au fond, peu importe le candidat ou parti choisi par les citoyens qui prennent encore la peine de déplacer aux urnes, il devra, dans tous les cas, quel qu’ait été son programme et ses promesses de campagne, appliquer une feuille de route qui s’impose à lui.
Feuille de route élaborée par un consortium de bancocrates, de haut-fonctionnaires internationaux, des décideurs économiques – grands actionnaires ou entrepreneurs de génie – et de chancelleries étrangères… feuille de route concoctée depuis Bruxelles, New-York, Berlin, Londres et Washington.
Définie comme le « pouvoir suprême à l’intérieur et indépendant vis-à-vis de l’extérieur »[1], la souveraineté est aussi étrangère à l’État macronien que le peuple français est étranger à la personne du président de la République.
Macron, désormais systématiquement taxé d’homme hors-sol par ses opposants, fait l’objet d’une haine sans précédent de la part de Français. Son arrogance, sa morgue, irritent au plus haut point. L’on peut se permettre de crâner quand son action porte ses fruits ; et quand cela n’est pas le cas, il vaut mieux s’écraser, se faire modeste. Or il est absolument incapable de cela.
Mettre sa morgue à la morgue, aux oubliettes, impossible… enorgueilli qu’il est par la prodigieuse trajectoire que lui a offert la République, de son succès au baccalauréat jusqu’à ses victoires en 2017 et 2022, en passant par ses réussites aux concours de Sciences Po Paris puis de l’ENA.
Il y a du Paul Nikolaïevitch chez l’actuel locataire de l’Élysée, ce personnage du roman d’Alexandre Soljenitsyne Le pavillon des cancéreux qui est le pur produit du système soviétique, qui sait se conformer aux exigences qu’il lui impose.
Ainsi la docilité dont fait preuve Nikolaïevitch à l’égard du « Parti » a pour décalque la soumission de Macron à la République, dont le projet révolutionnaire se fond aujourd’hui dans celui, non moins porteur du méphistophélique idéal des droits de l’homme, de l’Union européenne.
Plus les années avancent, plus les Français perçoivent leur président comme un polichinelle[2], qui ne manœuvre nullement mais est totalement manœuvré, par des structures très influentes telles que la franc-maçonnerie, le lobby LGBTIA+ et le monde de la finance, ces trois instances s’additionnant plutôt que s’excluant.
L’impuissance du public en ces temps de Macronie résulte de la puissance du privé, de ces fonds d’investissement qui vivent pour partie de l’argent des contribuables via l’achat massif d’obligations d’État.
Mettre un terme au système du Crédit reviendrait à poser l’Acte de Souveraineté le plus fort qui soit. Car, si la souveraineté consiste à produire du droit de façon originaire, il s’agit de s’assurer que le corps chargé d’une telle production normative soit maître de lui-même, c’est-à-dire hors de portée de la pression pouvant être exercée par un tiers, au titre de son statut de créancier de ce corps par exemple.
« Grâce à ces feintes, ces discours qui charment et flattent le malheureux, l’usurier l’enchaîne par ses contrats, et ravit encore la liberté à celui que la misère écrase déjà de travail. »[3] Ces sages paroles du IVe siècle, nous les devons à saint Basile. Elles décrivent hélas parfaitement notre sort, à nous Français : nous sommes devenus un peuple de malheureux contractuellement liés à l’usurier.
Bientôt le Prince chrétien tel que l’a théorisé Pierre Boutang viendra délivrer les Français de leurs chaînes, et abolir cet ordre dont le hautain Macron est l’incarnation chimiquement pure. ■
[1]Olivier Beaud, La puissance de l’État, Paris, PUF, 1994, p. 22.
[2]Le Bouteiller du baron Joseph Reinach : il se convainc de se mettre à son service après qu’il ait fait sienne cette maxime : « Si vous voulez jouer un rôle politique, attachez-vous aux questions de finance : c’est là le centre de l’influence et du gouvernement. » (Maurice Barrès, Les Déracinés, Marseille, Belle-de-Mai Éditions, p. 215).
[3]Cité par David Graeber, Dette : 5 000 ans d’histoire, Paris, Les liens qui libèrent, 2013, p. 348.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
Publié le 6 juin 2023 – Actualisé le 2 janvier 2024.
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