Par Pierre Builly.
Réflexions à la suite de l’article de Mathieu Bock-Côté : « Patrick Buisson, historien de la décadence de l’Occident ».
En lisant « La Cause du peuple » je jubilais de découvrir un exercice pratique et fascinant d’empirisme organisateur.
Connaissant un peu mieux que beaucoup les rouages internes de notre État je lisais à livre ouvert dans les récits, les orientations, les révélations, même les anecdotes toutes les déceptions et aussi les souffrances que Buisson avait dû essuyer. Il a cru – pouvait-on lui donner vraiment tort ? – que Sarkozy pouvait être du bois qu’il nous faudrait. Et de fait, lorsque le candidat a dit qu’il voulait avant tout démolir l’héritage de Mai 68, nous avons pu croire qu’il y avait une possibilité à nos portes.
Sans doute Buisson s’est-il trompé, ou plutôt a été déçu par un homme dynamique, énergique mais sans véritable structure : simplement doté de bons réflexes, mais trop contraint par mille choses de se soumettre à la doxa et à ses femmes. Au moins a-t-il tenté ; nous qui avons les mains propres mais n’avons pas de mains, comment lui reprocher d’avoir tenté le coup ?
Et pour le reste, bien sûr qu’il a lu Ariès et bien d’autres, beaucoup plus que vous et moi aurions pu lire et – surtout – comprendre. « La fin d’un monde » et « La Décadanse » formaient un effet d’optique d’exploration chirurgical, d’une complexité et d’un intérêt exceptionnels.
Restait à paraître un troisième tome : celui de l’Espérance. Buisson a dû jeter quelques pages, mais la faucheuse l’a cueilli avant.
Nous perdons quelqu’un de très grand. ■