Par Hilaire de Crémiers.
Il était une fois… En ce temps-là, celui qui exerçait la fonction de chef de l’État en France, était un homme calme et mesuré, plein en toute circonstance d’une dignité souveraine. Grave quand il assumait ce qu’il considérait comme son devoir d’état, enjoué et amène dans la vie courante, sans jamais rien d’excité ni de précipité.
Quand il répondait aux journalistes ou aux citoyens qui l’interrogeaient, il ne prétendait pas leur faire la leçon, ne cherchait pas à les dominer par un flot de paroles plus ou moins incongrues, débitées à toute allure et de fort haut, comme jaillies d’un ciel jupitérien et dont l’infaillible élocution ne saurait être contestée ; non, il écoutait poliment et attentivement et quand il ne savait pas, il affirmait tout bonnement qu’il étudierait la question à tête reposée et ne se lançait pas dans des logorrhées incompréhensibles, aussi péremptoires que vaniteuses. Bref, un homme vraiment homme, intelligent et instruit, mais ne jouant pas au monsieur qui sait tout et qui répond à tout. C’était, bien sûr, en ce temps-là qui était devenu, comme chacun le devine, le plus heureux des temps dont on souhaiterait qu’il fût effectivement là et pour le plus long temps possible. Oui, en ce temps-là…
Ce chef de l’État français respecté et aimé avait une épouse plus jeune que lui, comme il convient, et les enfants de sa femme étaient ses enfants à lui. Il avait une vie de famille en public et en privé ; il n’avait rien à cacher, mais il menait cette vie familiale avec la pudeur requise, laissant à son épouse tout son rôle et, dans les cérémonies officielles, lui donnant toute la place qui revient de droit à l’épouse légitime d’un chef de l’État, reconnu comme tel et traité en successeur de la longue lignée de ceux qui, avant lui, avaient exercé la même haute fonction : chef de l’État de la France, le plus vieux royaume d’Europe, dans la suite des quarante rois qui ont fait la France. Lui savait ce que cet énoncé représentait.
Il avait un entourage politique, amical aussi, où certains détenaient des charges ministérielles, où d’autres s’impliquaient dans des fonctions de conseillers. Là, les messieurs étaient des messieurs et les dames des dames, ce qui était naturel et rassurant, et non pas l’inverse, ce qui ne laisse pas d’inquiéter, non pas tant en tant que tel, mais du fait que, dès lors, se trouve affichée ostensiblement comme une règle de comportement une manière d’être intime et qui doit rester personnelle. Il n’était pas dit dans cet entourage qu’il fallait absolument un nombre équivalent dans chaque sexe, quel que fût le mérite des détenteurs des différents portefeuilles. La compétence était la norme, si bien que chacun savait les vraies raisons qui l’avaient fait choisir ; la confiance du chef de l’État reposait sur le principe de vérité. Pas de calculs sordides ni d’équilibre de façade, d’autant plus que les choix n’étaient inspirés que par l’intérêt du pays.
Le chef de l’État aimait la France
Et, en effet, pour étonnant, voire pour stupéfiant, qu’une telle assertion puisse paraître, quand l’historien se souvient de ce qui a précédé, en ce temps-là le chef de l’État était un homme qui d’abord aimait la France et même la France seule, d’un amour singulier et à part, ce qui ne l’empêchait nullement de porter son intérêt ailleurs et, bien sûr, en priorité, sur les pays traditionnellement amis de la France, avec qui de vieilles alliances avaient été nouées lors de longues et cruelles guerres où tant de services réciproques avaient été rendus.
L’affection du chef de l’État pour les Français, le peuple en général, mais chaque Français en particulier, se sentait dans chacun de ses propos : jamais une injure, une invective pour condamner, vilipender, rejeter, mépriser, écraser ses compatriotes quels qu’ils fussent. Pas du tout du genre à dire : « je les emmerde » ou « je n’ai rien à en foutre de ces réfractaires idiots », propos invraisemblables dans sa bouche, littéralement impossibles à sortir de son esprit, totalement inexistants dans son cœur. D’une vulgarité dégoûtante qui lui aurait spontanément répugné, mais qui, pourtant avaient été tenus avant lui.
C’était l’inverse de tels sentiments qui animait la pensée et l’action de ce chef de l’État. En ce temps-là… Oui, l’inverse. Il louait la France d’exister, de continuer malgré les épreuves et les difficultés ; il exaltait son passé héroïque, ses vertus dont son œuvre à travers les âges rendait compte, son intelligence, son goût, son raffinement, sa politesse légendaire et il lui arrivait même de comprendre, peut-être même d’apprécier ses défauts. « La sotte vanité nous est particulière », dit le fabuliste avec justesse. Raison de plus pour la ménager !
Plus question de salir le drapeau français
Jamais, au grand jamais, il n’eût soutenu qu’il n’y avait pas de culture française et qu’il ne l’avait pour sa part jamais rencontrée. C’était pour lui plus qu’une culture, une civilisation et qu’il chérissait par-dessus tout, son architecture incomparable depuis les cathédrales, ses arts, ses villes, ses villages, ses paysages, ses jardins, sa littérature unique en son genre, son art de vivre, sa cuisine, sa conversation, sa langue… Il aimait tout ce qui était français, ce qui était marqué du sceau du génie français. Il n’aurait jamais imaginé qu’il fût possible de prétendre que tout ce patrimoine reçu comme un héritage béni pût être critiqué ou de concevoir d’en réviser les lignes directrices, l’esprit, les normes que l’usage des siècles avait consacrées. Par exemple de chambouler le langage « françois », façonné par tant d’histoire, pour émettre d’innommables borborygmes, sous prétexte de féminisation qui, loin de relever de l’éternel féminin, le souille d’abominables contrefaçons : « celles zé ceux » ou autres prétendues formules inclusives. Toute cette barbarie qui avait essayé d’envahir le pays jadis ou naguère, il la rejetait résolument, s’en tenant au bon sens qui doit régir en France les rapports humains.
Surtout, il ne supportait même pas l’idée qu’il puisse être admissible que la France fût coupable. Et encore moins de crime contre l’humanité. Comme l’avait claironné un imposteur de prédécesseur, publiquement et face à de fausses autorités prises comme juges et devant lesquelles il avait cru bon de dénoncer, d’accuser et de condamner la France. Ce salopard, au nom de la France, avait osé faire cette démarche, puis avait eu le culot de maintenir ses accusations pour la honte de la France. C’était au point qu’il était permis de se demander comment le peuple français avait pu accepter une telle insulte et quelle compensation avait pu recevoir celui qui avait commis un tel sacrilège dont la seule énonciation convenait si bien aux intérêts de ceux qui profitaient de cette rente de situation établie sur le déshonneur français.
Alors, la résolution avait été prise par le nouveau chef de l’État : plus question de salir le drapeau français, de conchier l’œuvre de la France qui fut ce qu’elle fut avec toutes ses grandeurs et même ses faiblesses humaines.
Immigration jugulée et trafics bannis
En ce temps-là, donc, le chef de l’État français, à la différence des prédécesseurs, se préoccupait de la France et des Français. Le gouvernement n’était plus un réseau de parvenus qui cherchaient le pouvoir pour les avantages, les honneurs et la gloriole qui s’y attachaient, ni un panier de crabes où chacun se poussait pour gagner une place plus prépondérante. Le ministère avait été réduit à l’essentiel, les fonctions régaliennes ramenées à leur véritable finalité : justice, ordre intérieur, autrement dit sécurité, défense, diplomatie, monnaie et finances, économie générale dans ses grands axes. Il y avait suffisamment de grands fonctionnaires et de serviteurs de l’État pour assurer une excellente répartition des tâches. La justice était simplifiée, les juges étant cantonnés dans leur strict devoir, sans empiètement sur la politique ; les codes et les lois étaient revus à la baisse ; leurs rédactions étaient clarifiées ; l’esprit des légistes du XVIIIe siècle était retrouvé et continué. Pas question non plus de soumettre le droit français à quelque subordination étrangère, anglo-saxonne ou germanique, ou prétendument européenne ou mondiale. Le droit français, selon son ancienne habitude, se construit par lui-même dans sa logique nationale sans directives contraignantes qui le dominent. Les hautes juridictions françaises étaient redevenues souveraines. Et le chef de l’État était le garant de l’ordre juridique et juridictionnel, la justice étant, par principe, déléguée selon l’antique adage : les juges ne possèdent pas la justice.
ll en était de même de l’ordre intérieur. Être ministre de l’Intérieur ne consistait pas à s’agiter pour se donner de l’importance et briguer les plus hauts postes. Les mesures les plus précises étaient prises pour assurer l’ordre sur tout le territoire sans exception ; l’immigration était jugulée par les décisions les plus simples ; les trafics en tous genres bannis, punis des peines les plus sévères. Inutile de faire lois sur lois qui ne résolvent jamais rien. Le chef de l’État avait démontré sa détermination et ça suffisait.
Intégration, assimilation, le vrai problème était de faire respecter la France, d’en faire la règle suprême, d’obliger à s’y rallier, sauf à la quitter sur le champ. Même pas besoin d’OQTF, l’État de droit n’était plus rien d’autre que la France dans toute sa réalité, ses lois, son passé, son avenir. Ne pas vouloir entrer dans ses normes, même progressivement, c’était s’en exclure. « Les valeurs de la République », la « laïcité » et autres calembredaines d’une vaine rhétorique avaient suffisamment montré précisément leur insuffisance.
Dans l’intérêt de la France
L’esprit militaire typiquement français avait été remis à l’honneur. Les lois de la Défense n’étaient plus des marchandages et des chiffres jetés pour cacher une misère profonde. Le chef de l’État, chef des Armées, lui-même formé militairement dans la grande tradition nationale, avait tenu à restaurer dans ce domaine essentiel l’intégrale souveraineté française en lui donnant tous les moyens appropriés et surtout le souffle spirituel qui doit l’animer. Enfin parti le jeune freluquet qui occupait la place précédemment, qui ne savait même pas tenir un fusil, qui n’avait jamais pris d’autre risque dans sa vie que financier, qui ne connaissait d’aventure que politicienne et qui se permettait de jouer au chef en répétant comme un gamin immature : « c’est moi le chef » !
L’industrie d’armement française avait été heureusement relancée et, cette fois-ci, dans l’intérêt de la France ; les accords avec les autres puissances s’établissaient en fonction des besoins supérieurs de la nation. Pas question de se laisser avoir par un prétendu couple franco-allemand qui n’a jamais existé que pour brider l’indépendance française. Car, auparavant, dans l’État français, c’était perpétuellement à la limite de la trahison.
La trahison au sommet de l’État, le chef de l’État y avait mis fin, en assumant lui-même les directions nécessaires et les grandes options, dans la visée stratégique de remettre la France à niveau dans les domaines financiers, économiques, militaires. L’industrialisation n’était plus laissée au seul argent du capitalisme international, principalement étranger, invité comme c’était le cas jadis à Versailles pour répondre aux charmes d’un faiseur sans consistance. Il s’agissait de renouer avec une séculaire tradition française et d’arrêter de jouer au « startuper » d’une nation sans histoire et sans avenir.
C’en était fini des partis de gouvernement
La diplomatie française s’inscrivait à nouveau dans l’esprit de la France de toujours, cette France qu’avaient attendue vainement, pendant tant d’années, des peuples qui l’aimaient et qui, du coup, se sentant abandonnés, s’étaient tous éloignés. Comment croire en effet en une France représentée en ces mauvais temps par un agité qui ne connaissait rien à rien, qui méprisait ses interlocuteurs, qui faisait son malin avec son « en même temps » dont ne sortait aucune solution, ni la moindre ligne directrice. Avec le nouveau chef de l’État, la France avait retrouvé son rang international. D’ailleurs, il avait rétabli le corps diplomatique dans toutes se prérogatives, comme aussi le corps des préfets.
Tout le reste de l’administration, en grande partie inutile ou complètement démantibulé, fut révisé selon le principe que l’État n’était pas chargé de mener les Français du berceau au cercueil, de manier l’aiguille de l’avortement et la seringue de l’euthanasie, de s’occuper de la formation de tous les esprits selon des normes concoctées dans des bureaux fermés. En outre, les résultats de l’État éducateur et moralisateur et docteur et « socialisateur » étaient si catastrophiques qu’il n’était pas besoin de longs discours pour définitivement le disqualifier : le nombre de professeurs assassinés ou déprimés ou démissionnaires était suffisamment éloquent pour justifier la réforme. Elle se fit simplement et chacun y gagna en liberté à commencer par les familles, les institutions et les établissements. Faut-il préciser que toutes les agences, autorités, instituts qui offraient mille prébendes aux caciques de la République, furent supprimés sans inconvénient.
Restait à restaurer la représentation française tellement mise à mal par les jeux imbéciles et destructeurs d’un exécutif transformé en machine à tout faire et pratiquement à tout détruire, mais aussi bien par les inconvénients d’un système qui par lui-même annihile et ridiculise le Parlement. De multiples scènes grotesques avaient scandé les rapports chaotiques d’un exécutif manipulateur et d’un législatif sans envergure. Tout le monde avait compris que c’en était fini des partis de gouvernement, ce dont avait profité l’énergumène qui s’était à l’époque emparé du pouvoir et de tout le pouvoir.
La France se retrouvait comme à la veille de 1789. Cinq républiques successives – sans compter quatorze constitutions – n’avaient pas su régler la question de la direction de l’État ni celle de la représentation. Représentation non pas d’un peuple fictif – dit légal – tel que le définit la conception rousseauiste et constitutionnaliste, mais vraie représentation d’un peuple réel.
Comment cet incroyable retournement put-il s’accomplir ?
À cet effet, il fallait fonder la représentation nationale sur la base solide de ce qu’on appelle les territoires, à la condition que de mauvais découpages et de fausses lois de décentralisation ne pervertissent pas la réalité sociale. Le chef de l’État s’était attelé à cette œuvre, reprenant l’idée originaire du Sénat qui redevenait ainsi ce qu’il aurait toujours dû être, l’assemblée représentative des intérêts français dans leur diversité territoriale, sociale, économique, culturelle, à partir de représentations locales, non plus partisanes, mais en symbiose avec les populations concernées. Pour quelles raisons, s’il vous plaît, une ville, une région, un territoire, appartiendraient-ils à un parti ? Il est évident que c’est un non-sens. Voilà pourquoi les républicains pur jus ont toujours voulu abolir le Sénat et les tyranneaux de passage à l’Élysée avec leurs affidés l’ont toujours considéré comme leur ennemi.
Si les partis veulent être représentés, avait déclaré le chef de l’État, fermement assis sur son fauteuil de représentant permanent de la France, libre à eux de former une chambre à leur convenance pour continuer leurs disputes et leurs chamailleries indéfinies. Il y aura toujours des rhéteurs pour s’époumoner derrière des micros, en s’illusionnant sur leur importance de prétendu député du peuple qui n’est jamais qu’un ridicule hochet de vanité que le peuple français, dans son ensemble, a toujours profondément méprisé.
Et alors ? Comment cet incroyable retournement put-il s’accomplir ? À ce jour, nul ne le sait vraiment. Une sorte de grâce descendue d’En-Haut qui ouvrit les yeux des Français au milieu des ténèbres de leur nuit et qui illumina d’un coup le ciel du plus beau royaume qui fut jamais sur la terre. Il est ainsi des mystères qui ne s’expliquent pas. Les chimères qui encombraient et obscurcissaient l’intelligence des Français, trompés depuis si longtemps, ont laissé place aux clartés musicales d’un ciel de vérité. Ils ont été heureux d’avoir été apostrophés pour se rendre eux-mêmes à la rencontre de leur Salut. Car, oui, maintenant, ils ont le droit de se rendre à la Crèche, de la voir et de la contempler : elle n’est plus interdite. Et le chef de l’État lui-même, avec toute sa famille, s’y rend, lui aussi, en tête de son peuple.
Alléluia, alléluia ! Noël, Noël !
Tant on crie Noël qu’à la fin il s’en vient. ■
Encore un peu de nostalgie :
Mme Aude Lancelin fut en 2016 honorée du prix Renaudot pour son ironique essai « Le Monde Libre » ; Elle y narre son ascension rapide comme journaliste de la presse dite de gauche puis sa défaveur et son éviction. Portraits cruels des dirigeants, actionnaires et grandes plumes de ladite presse alternent avec des analyses sans concessions de ses dérives : conformisme, cupidité, vacuité, servilité, ignorance, chasses aux mal-pensants ,,, Comme on s’en doute, son point de vue, quoique archaïque en un sens, n’est pas « conservateur », sauf quand elle rappelle le journalisme d’un passé pas si ancien : indépendance d’esprit, originalité, courage, convictions sincères, talent, culture, amour des mots des idées et des faits, respect des lecteurs… Il y eut des « trente glorieuses » pour le journalisme aussi.
Une des dérives les plus remarquables de cette presse est la montée en puissance de « managers ». Non pas de vrais managers si l’on considère la fuite des lecteurs et l’accumulation des déficits, mais des cerveaux asservis, prisonniers du vocabulaire du « management ».
Le monde politique n’y échappe pas non plus ; nous le ressentons tous les jours. Les grandes idées, l’âme des peuples et des nations, leurs magies, leurs mystères, l’histoire, les religions, les philosophies, plus ou moins réduites à des slogans creux et des chiffres éphémères. La boîte à outils des managers ambitieux mais sans génie
Aude Lancelin nous rappelle avec beaucoup d’à-propos le fameux « principe de Peter » énoncé il ya quelques dizaines d’années au sujet des « managers », justement :
« Le Principe de Peter énonce que, lorsqu’un dirigeant … atteint son niveau d’incompétence, il se met spontanément à inventer des substitutions à l’activité qu’il ne parvient pas à assumer pour ne pas avoir à affronter l’odieuse vérité. »
L’article éponyme de Wikipédia vaut le détour. Il s’achève ainsi :
« «Le principe de Peter connaît une extension a posteriori, le Principe de Dilbert (du nom d’un personnage de bande dessinée), qui affirme de façon humoristique : « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_Peter#Analyse_par_simulation
« I have a dream ! »