Front Populaire du 31 décembre 2023.
Par Régis de Castelnau.
COMMENTAIRE – Sur l’aspect diversion des grands lynchages médiatiques lancés par « la presse-système française » contre telle ou telle personnalité si possible parmi les plus connues et reconnues, Régis de Castelnau a évidemment raison Faut-il, par ailleurs, discuter sa digression sur « la dialectique Ordre et Justice » ? Sur la primauté (ou plutôt la priorité ?) de l’une sur l’autre ? Le débat est éternel. Il nous souvient que Maurras disait (en substance) : « On a vu des sociétés sans justice, on n’a pas vu de justice sans société ». Ce qui nous paraît peu contestable et d’ailleurs ne contredit pas forcément cette « primauté » de la Justice sur l’Ordre qu’invoque Castelnau. Au demeurant, lorsque, disciple de Comte, Maurras traite de « l’immense question de l’Ordre », c’est à coup sûr en un sens d’une autre richesse et dimension que lorsqu’on parle d’ordre moral, ordre bourgeois, ordre dans la rue ou autre acception vulgaire de l’ordre, lequel, pour les Grecs, comme pour Maurras, renvoyait au Cosmos et à son harmonie supérieure. Laissons cela qui est fort différent des paradigmes de l’affaire Depardieu dont, au demeurant, Régis de Castelnau nous semble parler excellemment. D’ailleurs, comme un clou chasse l’autre, cette affaire est en partie d’ores et déjà dépassée par les déchirements de la famille Delon, eux aussi montés en épingle par le Système et dont CNews et Pascal Praud soi-même font – non sans une certaine finesse, mais en surabondance – leur choux très gras assez navrants.
CONTRIBUTION / ANALYSE. L’affaire Depardieu a fourni au système médiatique l’occasion de détourner l’attention de sujets plus pressants. Selon l’avocat Régis de Castelnau, quoi que l’on pense de l’affaire sur le fond, elle est un signe qui ne trompe pas : celui de la mise au placard de la justice au motif de la sauvegarde de l’ordre.
« L’aspect diversion visant à détourner l’attention des véritables problèmes qui accablent notre pays est une évidence. »
La presse-système française aux mains de l’oligarchie, se fait désormais une spécialité de lancer de plus en plus fréquemment des lynchages médiatiques géants. L’aspect diversion visant à détourner l’attention des véritables problèmes qui accablent notre pays est une évidence. Il vaut mieux en effet clouer Gérard Depardieu au pilori plutôt que d’informer sur l’effondrement politique, économique et sécuritaire de notre pays, et sur la guerre mondiale qui se profile.
Le journal Libération s’est fait désormais une spécialité quasiment quotidienne de ces grands spectacles. Après avoir apporté son écot au lynchage Depardieu avec une affaire obscure vieille de 41 ans (!), voilà qu’il vient de réouvrir le procès de Louis Althusser, meurtrier de sa femme il y a 42 ans ! Tout le monde a oublié Althusser, qui effectivement avait étranglé sa femme, permettant aux petits malins de l’appeler « aïe tu sers ». Il avait été jugé pour ce crime mais reconnu en état de démence au moment des faits, ce qui avait abouti à un non-lieu. Quel intérêt de déterrer aujourd’hui ce fait divers ? Ah mais si, il y avait urgence, quatre décennies plus tard, à qualifier le meurtre de la femme d’Althusser de « féminicide » !
Je me désintéresse de l’affaire Depardieu, sûr que ses péripéties ne font rien d’autre que dévoiler les tares médiatico-juridiques de l’époque. Si ce n’est qu’en réaction à la pétition (que je n’ai pas lue) des artistes (que je ne connais pas) venant à son soutien, je suis tombé sur plusieurs interventions présentant cette initiative en défense de l’acteur, comme le choix réactionnaire de l’Ordre contre le primat de la Justice. Tout le contraire, donc, de ce qui devrait être normalement le cas dans une société civilisée.
Passé le premier rire, et devant l’énormité de l’inversion, j’ai cependant souhaité revenir sur quelques éléments et donner un avis sur cette façon de présenter cette dialectique « Ordre et Justice ». En général, on passe subrepticement d’une revendication de Justice à une revendication Éthique. Désolé mais ce n’est pas la même chose. Et l’éthique ici convoquée, permet de s’affranchir justement des principes et des règles de la Justice. C’est ce nouvel ordre que l’on cherche à imposer à base d’abandon de ces principes qui organisent précisément la primauté de la Justice sur l’Ordre. Alors bien sûr, en toute bonne conscience on va le faire au nom de la meilleure des causes. Quoi qu’on pense de Gérard Depardieu (je n’ai pas d’avis) force est de constater qu’il est l’objet d’un lynchage médiatique. Lequel obéit aux mêmes règles qu’un lynchage physique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de règles ! Cela s’appelle l’arbitraire.
Et c’est justement ce à quoi la Justice s’oppose. Procédure, présomption d’innocence, débat contradictoire, droits de la défense, mon Dieu que tout cela est encombrant ! Alors que le nouvel ordre « éthique » du « on vous croit » est tellement plus commode, tellement plus confortable et surtout tellement plus gratifiant à s’en réclamer.
Malheureusement un lynchage est toujours un lynchage, mais il présente finalement un avantage, c’est de recycler la formule de Tuco dans le film « Le bon la brute et le truand » : « à chaque lynchage, le monde est partagé en deux : il y a ceux qui se sentent au chaud dans la meute, et ceux qui préfèrent se mettre en face ».
C’est comme ça, mais hurler avec les loups au nom « de la Justice contre l’Ordre », c’est quand même un peu gonflé. ■
Source
La mauvais goût ne tombe pas sous le coup de la loi. Heureusement pour certains.