Par Georges Michel.
Cet article est paru hier 6 janvier, dans Boulevard Voltaires. Qu’y ajouter, sinon deux choses simples ? La première est que c’est la reine Margrethe II* qui a déterminé la réorientation que l’on sait de la politique d’immigration du Danemark aujourd’hui en place et objet d’un large consensus. La seconde est que, si affaiblie soient-elles, comme d’ailleurs tous les Pouvoirs en « Occident », les monarchies en place continuent d’être, selon l’expression gaullienne – aujourd’hui en échec en France – en charge de l’essentiel », en charge de l’unité et de la pérennité de leur pays. Plutôt que de les critiquer de façon assez inintelligente, les royalistes français, qui n’ont pas réussi à restaurer la leur, feraient mieux de prendre la mesure des bienfaits que les monarchies régnantes apportent encore à leur pays comme de leur contribution à ce qui subsiste de l’équilibre européen, et même de l’Europe elle-même à la fois post-nationale et post-européenne, à bien considérer l’idéologie à tous égards déconstructiviste des institutions bruxelloises.
Après 52 ans de bons et loyaux services, la reine Margrethe II de Danemark tire sa révérence. Comme elle l’a annoncé lors de ses vœux du Nouvel An, elle abdiquera le 14 janvier prochain, à la date anniversaire de son accession au trône. C’est un petit événement qui n’est pas sans importance dans le petit monde du Gotha. En effet, depuis la mort de sa collègue et cousine Élisabeth II de Grande-Bretagne, elle était la seule reine à régner dans le monde et détenait le titre de doyenne des têtes couronnées européennes en fonction. Avec son renoncement, Margrethe II laisse donc ce titre à son cousin, le roi Charles XVI Gustave de Suède, qui a fêté son demi-siècle de règne le 13 septembre 2023. Plus une seule reine dans ce vaste monde, à part celles de beauté ou d’un jour avec les rois que l’on va bientôt tirer. Il faudra attendre la prochaine vague, qui sera une véritable déferlante, avec Victoria de Suède (43 ans), Élisabeth de Belgique (22 ans), Catharina-Amalia des Pays-Bas (20 ans) et Leonor d’Espagne (18 ans), pour que la profession se féminise de nouveau. Ça, c’est pour la question essentielle de la parité.
La fin d’une dynastie six fois centenaire
Au plan historique, cette abdication est cependant un événement dynastique majeur. Margrethe II est l’héritière d’une lignée allemande très ancienne, celle des Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, elle-même branche de la maison d’Oldenbourg, qui régnait sur le Danemark depuis 1448. De cette famille d’Oldenbourg aux mille ramifications sont issues, en ligne patrilinéaire, les actuelles familles royales de Norvège, de Grèce, de Grande-Bretagne (par son père, le prince Philip, le roi Charles est stricto sensu un Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg) et même de Russie, les Romanov, eux aussi, stricto sensu, étant des Schleswig-Holstein-Gottorp. En effet, la dernière Romanov, Anne (1708-1728), était la fille légitimée de Pierre le Grand, empereur de Russie. Elle épousa en 1721 Charles-Frédéric de Schleswig-Holstein-Gottorp (1700-1739), dont descendent aujourd’hui tous les Romanov. C’est donc, au Danemark, la fin d’une dynastie de près de 600 ans, ce qui n’est tout de même pas rien : à titre de comparaison, aucune dynastie anglaise n’a tenu aussi longtemps sur le trône de Saint-Édouard.
Une deuxième famille béarnaise sur un trône scandinave
Avec l’abdication de la reine Margrethe II, c’est son fils Frederik, né en 1968, qui prend la suite, et c’est donc une famille française qui accède au trône de Danemark, puisque Frederik est le fils du prince Henrik de Danemark, né Henri de Laborde de Montpezat en 1934 à Talence (Gironde) et mort en 2018. Issu d’une vieille famille béarnaise, il était jeune diplomate à l’ambassade de France à Londres au milieu des années 60 lorsqu’il rencontra à… Paris sa future fiancée qui étudiait, elle, à… Londres. Le mariage fut célébré en 1967. Un mariage « inégal », comme on disait autrefois, mais la princesse héritière avait su l’imposer à son père, le roi Frederik IX, et à sa mère, Ingrid de Suède (une Bernadotte et, donc, descendante d’un Français, lui aussi béarnais !). Henri de Montpezat renonça à la religion catholique, se fit luthérien pour épouser sa princesse et dut se contenter toute sa vie, une fois son épouse devenue reine, du titre de prince consort, car si les épouses de rois deviennent reines consorts, les époux de reines ne deviennent jamais rois consorts. C’est comme ça, et puis c’est tout. À la différence des Windsor, qui renièrent leurs origines allemandes en abandonnant leur nom de Saxe-Cobourg-Gotha, pour cause de Première Guerre mondiale, la famille royale de Danemark n’a aucune raison de tourner le dos à ses origines françaises. Certes, c’est au Danemark qu’Emmanuel Macron qualifia ses compatriotes de Gaulois réfractaires (ce qui n’aurait sans doute pas déplu au prince Henrik), mais le Danemark doit être un des rares pays d’Europe avec qui la France n’a jamais été en guerre.
L’attachement à la France de la famille royale de Danemark est d’autant plus grand que la reine Margrethe passe depuis bientôt cinquante ans ses vacances dans son château de Cayx, dans le Lot qu’elle avait acquis avec son mari en 1974 : un domaine de 24 hectares où l’on produit un vin de Cahors. Dont la cuvée Majesté : bon vin ne saurait mentir !
Georges Michel
* À lire dans JSF…
Quand le ministre danois de l’Immigration donne une leçon à Quotidien
Panique au royaume de Danemark, après que la Reine a déclaré refuser le modèle multiculturel
Chronique d’une Saint Sylvestre au royaume du Danemark
Ils ont de la chance d’être représentés par quelqu’un de digne.
Les Français sont doués pour « faire » un Roi à l’étranger, et si , maintenant, ils essayaient avec la volonté de réussir de « faire » un ROI CHEZ EUX, en FRAN CE
Victoria de Suède est aussi princesse d’origine française (Bernadotte)
L’accession au trône du Danemark d’un prince issu d’une famille française donnera l’occasion de rapprocher, au sein des associations européennes transnationales, des organisations professionnelles européennes ou des assemblées, les sections française et danoise. Cela devrait donner lieu à un colloque franco danois en 2024.