Connaissant mon intérêt pour les réalisations exotiques de l’architecte franco-suisse Le Corbusier (1887-1965), un de nos lecteurs érudits m’a fait parvenir la photo d’un curieux bâtiment moderne inconnu de moi, avec une colle. Après maintes recherches, j’ai donné ma langue au chat.
C’était donc cette vaste villa en béton au toit incurvé que vous pouvez voir sur cet écran. Ladite villa est un gymnase polyvalent sis près d’un stade, en Irak, à Bagdad, villa conçue a la fin des années 50 par Le Corbusier (Photo de droite), suite a une commande personnelle en 1956 du jeune roi d’Irak, Fayçal II (1935-1958, chef d’Etat de 1939 à 1958, suite au décès prématuré de son père le roi Ghazi). Ce gymnase devait s’insérer dans un village olympique servant d’écrin à des jeux sportifs attendus sur les bords du Tigre en 1960.
Une dynastie mahométane
Réputés descendre du prophète de l’islam, les princes hachémites sont « chérifs », comme leurs parents de Jordanie, Maroc, Brunei et comme les Aga-Khans. Longtemps les aïeux de Fayçal II régnèrent à La Mecque où ils furent supplantés au XXe siècle par la lignée non chérifienne des Séoudites. La toujours perfide Albion, mais ayant au moins le sentiment monarchiste chevillé à l’âme, après avoir échoué à imposer à la France dans son mandat syrien le roi Fayçal Ier, aïeul de Fayçal II, suite à la Grande Guerre, créa opportunément à Amman et Bagdad deux trônes pour les Hachémites ; une lignée où, notons-le, la francophilie était présente en dépit de ses inévitables liens politiques avec les Anglais. Il semble même que le tout jeune et ardent Fayçal II ait contracté en Suisse, avec une honnête roturière française, un mariage morganatique. Ce qui ne devait pas l’empêcher peu après – polygamie musulmane l’y autorisant – de préparer ses fiançailles officielles avec la princesse égypto-ottomane francophone Fazileh, destinée à devenir reine d’Irak.
Un carnage shakespearien
C’est alors que se produisit à Bagdad un putsch d’officiers dits ultranationalistes arabes, en fait surtout désireux de prendre le pouvoir à leur profit. Impitoyables, ils envahirent par surprise le 14 juillet 1958 le palais royal de Bagdad, poussèrent dans les roseraies le roi, plusieurs membres masculins ou féminins de sa famille, sans compter leurs domestiques, parmi lesquels des Pakistanais, et ils mitraillèrent à mort tous ces pauvres gens. (Photo : Le jeune roi Fayçal II avec son oncle le régent Abdul-Ilah, dans les jardins du palais royal de Bagdad, 1942).
Le gymnase imaginé par Le Corbusier fut quand même édifié et inauguré par l’un des successeurs de Fayçal II, un certain dictateur nommé … Saddam Hussein ; il donna un temps son nom a cet édifice, lequel sert toujours à présent pour toutes sortes de manifestations sportives, culturelles ou autres. Certains disciples de Le Corbusier viennent encore à Bagdad admirer ce bâtiment exemplaire de leur maitre.
Ayons quand même une pensée pour le redoutable Saddam Hussein qui certes ne fit rien pour effacer le régicide de 1958 mais prit soin quand même de faire édifier un tombeau digne de recevoir les restes de Fayçal II et d’autres membres de la dynastie éradiquée (À droite : Tombeau des Hachémites à Bagdad) ; tombeau où on dit que le nouveau Sargon allait parfois se recueillir solitairement avant de finir lui aussi dans une tragédie digne des plus terribles pages de l’Ancien Testament …
En lisant un livre oublié mais indispensable, « l’Irak des révoltes » du royaliste français Pierre Rossi, paru en 1962, on comprend comment un peuple peut être à la fois sympathique et … sanguinaire. ■
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Retrouvez les publications sous ce titre…
Sur le « le sentiment monarchiste chevillé à l’âme » des Britanniques, il faut tout de même observer qu’il s’évapore en un instant dès lors que les intérêts de la City sont en jeu. Rappelons que le propre prédécesseur du roi Fayçal II objet de cet article, le roi Ghazi, monté sur le trône en septembre 1933, fut proprement assassiné par les agents anglais le 4 avril 1939. Les Anglais soutiennent les dynasties à la condition qu’elles leur soient entièrement soumises. Et les rejettent dès lors qu’elles ne sont plus utiles. Citons à cet égard la dynastie d’Aden, créée de toutes pièces par l’Angleterre au XIX° siècle comme il en fut pour le Koweit. Quand le Foreign Office décida de larguer tous ses engagements, en 1963, le sultan reçut l’assurance d’être récompensé de ses bons et loyaux services. Puis en 1967, le sultanat fut aboli, et la famille Mahri fut « rapatriée » à Londres avec un passeport britannique, qui lui fut retiré ainsi que sa nationalité dans les années 90. Ils furent expulsés peu après. Malheur à celui qui croit à la parole des Anglais.
Je connais bien l’oeuvre de Corbu et je n’ai jamais trouvé trace de cet édifice nulle part. D’autre part, ce ne semble pas être son architecture….
Depuis sa mort, déja ancienne, des observateurs peu sagaces lui attribuent des réalisations » modernes » dont ils ne s’embarassent pas
de trouver les auteurs, souvent imitateurs maladroits…
Alors je suis parfaitement sceptique devant ce prétendu « Corbu »
ML Architecte ( génération Corbu….. )