Par Philippe Mesnard.
Le totalitarisme est mou. On avait cru qu’il ne pouvait se passer d’horreurs grandioses, façon génocide républicain, massacres communistes et exterminations allemandes, mais non. Le totalitarisme 2.0 est mou, enveloppant, cauteleux, diffus et insinuant. Il étouffe les nations comme une végétation reprend ses droits, comme le sable recouvre les villes antiques.
Il se passe de défilés martiaux – mais pas d’une armée de scrutateurs vigilants. Il se passe de discours haineux – mais dénonce avec force les discours de haine. Il se passe d’uniformes – mais uniformise la pensée. Sa plus grande force est qu’il se passe d’être splendidement visible : il ne se présente que comme un discours raisonnable, comme l’expression du cercle de la raison, comme l’exercice normal du pouvoir. Alors qu’il restreint tout, et commence à vanter la pauvreté comme une vertu, il se présente comme la générosité même, et alors même qu’il indique tous ceux qu’il faut exclure, il se définit comme l’inclusivité faite politique.
On peut repérer ce totalitarisme intransigeant des honnêtes crétins dans toutes ses manifestations si médiatiquement prisées, l’éloge des moustiques gravides et des écritures illisibles, l’exaltation de l’abaya et la vitupération du steak : cette pensée est si fumeuse, si pleine de contradictions, si déterminée par le passé qu’elle prétend abolir qu’elle ne peut se manifester qu’à travers des engouements et des détestations très concrètes, telle victime mais pas celle-ci, tel achat mais pas celui-là, tel objet et tel plat. Le totalitarisme mou s’incarne dans des fétiches.
Le totalitarisme mou extrêmedroitise tout ce qui s’oppose à lui
On peut aussi le repérer, chez ceux qui nous gouvernent – en France, dans l’Union européenne, dans les instances mondiales –, dans l’éloge systématique du modèle contre les faits, du global contre le local, du nomade contre le sédentaire, de l’avenir contre la tradition. En fait, dans la promotion d’une utopie dont nous sommes sommés de croire qu’elle est déjà en partie réalisée, qu’elle produit déjà d’heureux effets, et que son accomplissement total sera l’avènement de jours merveilleux. Évidemment, les Français appauvris par l’Union européenne, traumatisés par le terrorisme, moqués par France Inter et éborgnés par Macron ont du mal à croire au caractère proto-utopique de ce qu’ils vivent. C’est qu’il sont d’extrême-droite et le totalitarisme mou s’attache à extrêmedroitiser tout ce qui s’oppose à lui, ressuscitant l’ennemi intérieur cher aux révolutionnaires, appelant à la vigilance contre le voisin, voire le parent.
Certains, ailleurs, en Autriche, par exemple, au nom de la tradition, des royaumes constitués et de la foi catholique, ont tenté de résister au totalitarisme d’alors, qui était assez mol, assez en tout cas pour que les adeptes du cercle de la raison préfèrent bannir les digues royalistes, catholiques et traditionnelles plutôt que de lutter efficacement contre le nazisme. Ce sont les mêmes, aujourd’hui, qui expliquent à quel point leur utopie nécessite de dépasser frontières et religions. C’est un indice. ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.
Merci, magnifique analyse.
Adieu liberté, égalité, il nous reste peut être la fraternité. Seulement si vous regardez l’histoire lointaine, les gaulois se battaient en fonçant sur l’ennemie, les Grecs et les Romain étaient organisés en tortue. Voici la différence, nous crions mais nous acceptons; que le sédentaire paie des taxes exorbitantes ;de ne plus maîtriser les moyens de nos déplacements; d’être maternaliser.
L’allusion à l’Autriche mériterait d’être précisée au moins chronologiquement. .
Bonjour
Certes l’allusion à l’Autriche devrait être plus explicite, il y a beaucoup de gens qui comprennent… Le saviez-vous ?
De plus une correction orthographique ne peut se faire avec des logiciels étrangers, ceux qui écrivent savent certainement dénombrer et corriger les fautes !
Bonne journée.