Par Jean-Christophe Buisson*.
HUMEUR – Alors qu’une pétition malveillante circule pour empêcher l’auteur de La Panthère des neiges de parrainer le printemps des poètes 2024, Jean-Christophe Buisson revient sur la dimension poétique de l’œuvre de Tesson.
Une pseudo-pléiade de 600 poètes autoproclamés et inconnus sinon de leurs familles conteste à Sylvain Tesson la présidence du Printemps des poètes (9-25 mars). Il serait trop réactionnaire, pas assez poète… À ces rimailleurs à l’esprit étroit, l’écrivain a d’une certaine manière répondu par avance. D’abord dans son livre Avec les fées (éditions des Equateurs), périple mi-maritime mi-terrestre le long du littoral atlantique entre la Galice et les Shetland, ayant pour objectif de trouver les interstices où se niche encore aujourd’hui le merveilleux. Deux cents pages où jaillit en permanence une poésie des mots et des situations.
Dans le dernier «Club Le Figaro Culture» où je le recevais, entouré d’Eugénie Bastié et Vincent Trémolet de Villers, l’auteur d’Un été avec Rimbaud (ouvrage incontestablement consacré à un poète et coédité par la fort peu réactionnaire radio préférée des 600 bardes tessonophobes, France Inter) est allé encore plus loin: injecter dans une émission de télévision de la poésie à chacune de ses interventions.
Car de même que ce baroudeur fuyant la laideur du monde contemporain techno-cybernétique s’applique, lors de ses voyages, à se mettre, à l’instar de Novalis, «en état de poésie», il parvient, par sa langue suggestive, sa capacité à dériver à voix haute dans un état de rêve, à plonger le téléspectateur dans le même état que lui. En l’écoutant, on est soi-même transporté sur ce bateau depuis lequel il ne fait rien d’autre qu’admirer la beauté des promontoires bretons, anglais, écossais ou irlandais. On est invité à visiter des églises aux noms aussi évocateurs que Notre-Dame des flocons, Notre-Dame des vagues ou Notre-Dame des falaises.
On est incité à relire Byron, Hugo (qui «a mis des korrigans dans ses alexandrins et des lutins dans ses Contemplations») ou Aragon, dont Sylvain Tesson a lu et relu son poème Brocéliande durant son périple. Et dont il restitue quelques-uns des vers les plus merveilleux: «Ma Mémoire est un champ sans appogiatures/Un manège qui tourne avec ses chevaliers/Et le refrain qu’il moud vient du cycle d’Arthur»; «La vie est une avoine et le vent la traverse», etc. Aragon, ce poète réactionnaire bien connu… ■
Source : Le Figaro du 19.01.2024.
* Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Ses livres récents, 1917, l’année qui a changé le monde, et Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, (2019) sont parus aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.
C’était courru d’avance un esprit libre comme Sylvain qui cite Hugo et Aragon en plus de bien d’autres mais qui n’a pas sa carte de la bienpensance allait se trouver la cible des foies-jaunes. Ne pouvant l’attaquer sur son attitude envers les femmes comme Gérard (il semble être soumis à leur charme et à la galanterie française) il fallait vite lancer une attaque quel qu’en soit le prétexte car il devenait trop célèbre. Alors « icône réactionnaire » faute de mieux !
Moi cela me convient parfaitement j’ai toujours été réactionnaire,la réaction c’est la vie
Probablement aussi, un « coup de pied de l’âne » à son père, le journaliste Philippe Tesson…