Par Eric de Mascureau.
Cet article, qui nous a été signalé par un très fidèle et très royaliste lecteur lozérien, est paru hier 21 janvier, dans Boulevard Voltaires. S’il y a toujours des enseignements à tirer de l’Histoire, comme le pense, bien sûr à juste titre, l’auteur, ce serait en l’espèce, très probablement , de l’ordre du Sic transit gloria Mundi applicable à Gabriel Attal. Après tout, un brin d’humilité ne fait de mal à personne.
« … D’une gloire et une ambition précoce advint une disgrâce fatale ».
Si tout le monde s’exalte devant la nomination de Gabriel Attal comme le plus jeune Premier ministre de la République – certains ont même dit de l’Histoire de France -, on oublie cependant que l’Histoire de France ne se limite pas au régime républicain. Ainsi, si l’on parcourt notre chronologie et que l’on revient à l’Ancien Régime, nous pouvons trouver le seul et vrai plus jeune Premier ministre de la France : Louis IV Henri de Bourbon, septième prince de Condé.
C’est le 18 août 1692 que le jeune Louis vit le jour au sein de la majestueuse demeure royale des souverains Bourbons : le château de Versailles, un palais tout à la mesure du rang et du sang du nouveau-né. En effet, ce jeune garçon a de qui tenir. Fils de la maison de Condé, il compte parmi ses ancêtres un grand personnage de l’Histoire de France : le Grand Condé. Cet arrière-grand-père s’était illustré lors de la bataille de Rocroi en 1643 contre l’Espagne avant de se retourner contre Mazarin lors de la Fronde des princes. Le futur Louis IV de Bourbon profite aussi d’une prestigieuse ascendance du côté de sa mère, Louise de Bourbon, surnommée « Mademoiselle de Nantes », qui n’est autre que l’une des filles légitimées de Louis XIV, issue de sa relation avec Françoise-Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan.
À la mort du Roi-Soleil en 1715, le testament du défunt monarque garantit au prince de Condé une place au Conseil de régence afin d’aider le duc d’Orléans à gouverner le royaume de France jusqu’à la majorité du jeune Louis XV. Ce dernier, devenu pleinement roi en 1723, accepte la demande du duc de Bourbon d’être choisi comme Premier ministre de France. Cette nomination fait ainsi de notre principal intéressé, alors âgé de 31 ans, la plus jeune personne à recevoir une telle charge. Malheureusement, la jeunesse ne fait ni le talent ni la réussite. Ainsi, certains regrettent une telle situation, comme le cardinal de Bernis qui commente, dans ses mémoires : « Si la probité et les bonnes intentions avaient suffi pour remplir ce poste important, M. le Duc aurait pu espérer d’y réussir : mais les grands talents lui manquaient, et souvent les bons conseils. »
Soumis à l’influence de sa maîtresse, Madame de Prie, le septième prince de Condé préfère profiter de son immense richesse pour mener grand train en son château de Chantilly. Il y invite régulièrement le jeune roi Louis XV à venir chasser dans l’espoir de rester dans ses bonnes grâces. Néanmoins, Louis IV, surnommé le Cyclope en raison d’une blessure à l’œil l’ayant éborgné, ne se détourne pas entièrement des affaires politiques, et notamment celle de la succession. En effet, Louis XV doit impérativement se marier afin de donner un héritier à la France pour que la dynastie des Bourbons puisse se perpétuer, mais aussi pour ainsi évincer la maison d’Orléans de toute prétention au trône. Commence alors une chasse particulière, une chasse à celle qui sera la future reine de France. Une liste des princesses d’Europe est dressée et compte alors plus d’une centaine de noms. On décide d’évincer les prétendantes trop âgées, trop jeunes (dont la jeune infante d’Espagne née en 1718, promise à Louis XV et résidant à Versailles depuis 1721) et celles qui ne sont pas catholiques. En fin de compte, il ne reste plus qu’un seul choix possible : la fille du roi de Pologne en exil, la douce Marie Leszczyńska.
Malheureusement pour le prince de Condé, ce bon service rendu à la couronne de France n’empêche pas son impopularité et son incapacité à régler le déficit de l’État en raison de la banqueroute due à l’échec du système de Law. Louis de Bourbon finit même par perdre les grâces du roi, qui le déchoit de son poste de Premier ministre d’État en juin 1726 et l’exile en son domaine de Chantilly où il mourra en 1740. Ainsi, d’une gloire et une ambition précoce advint une disgrâce fatale pour celui qui aura été le plus jeune de nos Premiers ministres en France. Il y a toujours des enseignements à tirer de l’Histoire. ■
Eric de Mascureau
Ne vaut il pas mieux être Henri de la Rochejacquelin généralissime de l’armée royale à 21 ans, que Premier ministre de la République ?