Par Mathieu Bock-Côté.
COMMENTAIRE – Mathieu Bock-Côté conduit en ce moment sur les antennes et dans la presse une réflexion de fond sur la question européenne. Il en donne une version très résumée dans cette chronique du Figaro de ce samedi matin 3 février. Une version non caricaturale de ce que devrait être, en la matière, la position des Français attachés à leurs racines propres et à la Tradition. Qu’ils partagent en grande partie, sans toutefois former une unité politique constituée, avec les divers peuples européens. Des peuples attachés non pas à des formes datées nécessairement évolutives des dites traditions, mais plutôt à « l’éternelle Tradition ». Cette dernière sous les formes diverses qui leur viennent de la nature et de l’Histoire. Niées et combattues par la technostructure et par l’idéologie européiste. Ajoutons qu’il n’y a pas de « Politique d’abord » qui tienne, sans une ambition civilisationnelle. C’est ainsi qu’avant de forger sa doctrine politique, Maurras accomplit d’abord le voyage d’Athènes qui passe par Rome et Florence. Il ne les a jamais abandonnées… Ne paraphrasons pas Bock-Côté. Mieux vaut lire et débattre.
« Les révoltes populaires, depuis plus de deux siècles, sont souvent des révoltes antiprogressistes, et des révoltes de l’enracinement »
CHRONIQUE – Le mouvement des agriculteurs peut se lire comme une révolte contre l’européisme, une idéologie empruntant à l’Europe son nom tout en ayant peu à voir avec elle.
Il n’était pas faux de voir dans le mouvement des agriculteurs un mouvement social européen, comme on l’a souvent entendu, mais il fallait surtout y reconnaître une révolte antieuropéiste généralisée. Les événements sont venus confirmer cette impression : c’est à Bruxelles que le gouvernement français a dû se rendre pour négocier des concessions pour ses agriculteurs, comme s’il n’était plus qu’un syndicat des intérêts nationaux dans le cadre européen, sur lequel il fallait faire pression. Le vrai pouvoir, pour une fois, s’exposait, et s’exposait même fièrement, surplombant les peuples, les nations, les États.
« L’européisme n’est pas la civilisation européenne, ni même la construction européenne, mais une idéologie empruntant à l’Europe son nom tout en ayant peu à voir avec elle. »
Il faut toutefois définir correctement l’européisme. L’européisme n’est pas la civilisation européenne, ni même la construction européenne, mais une idéologie empruntant à l’Europe son nom tout en ayant peu à voir avec elle. L’européisme est d’abord un intégrationnisme continental sans fin, dans la mesure où la construction européenne ne doit jamais cesser, et s’étendre sans cesse, comme en témoigne la tentation toujours renaissante d’y associer de nouveaux États, comme en témoigne aussi le désir de multiplier les accords de libre-échange à la grandeur du monde, l’européisme semblant ici se confondre avec un mondialisme ne disant pas son nom, comme en témoigne aussi son immigrationnisme forcené.
L’UE se présente comme le moteur de l’unification mondiale, et doit broyer les nations particulières qui ne consentent pas à s’y dissoudre – elles sont alors accusées de verser dans l’égoïsme national. Elles ne trouveront une certaine grandeur morale qu’en abdiquant leur souveraineté – généralement en renonçant à la règle de l’unanimité au niveau communautaire.
La technostructure européenne
« L’européisme réactive le mythe de l’homme nouveau, qu’on rêve de désincarner, en lui promettant une rédemption angélique. »
L’européisme est aussi un néosocialisme – bien davantage qu’un libéralisme, d’ailleurs – qui fonctionne à la multiplication des normes et des règles, souvent biscornues, quand elles ne sont pas tout simplement absurdes dans la mesure où elles permettent d’arraisonner chaque pays, en les intégrant dans un dispositif technocratique plus vaste, qui se substitue aux pouvoirs démocratiques et nationaux, jugés dépassés par l’histoire. Cette technocratie croit justement trouver sa grandeur dans son indifférence revendiquée aux humeurs populaires.
La bureaucratisation de l’existence dont les agriculteurs font particulièrement les frais n’est pas une dérive de la construction européenne. Elle est dans sa nature même, car c’est seulement ainsi que l’UE parvient à faire sentir sa présence dans l’existence concrète des sociétés. Elle s’accompagne de subventions massives visant à assujettir structurellement les économies nationales, pour les rendre dépendantes de la technostructure européenne.
L’européisme est aussi un néosocialisme. On le constate avec son adhésion à l’écologisme autoritaire, qui réactive le fantasme de l’économie planifiée, sous le signe d’une décroissance vertueuse se réclamant de la transition écologique, comme si les peuples européens étaient les premiers et même les seuls responsables du dérèglement climatique de notre temps.
L’écologisme européiste est aussi paradoxalement une machine à broyer les cultures – pour sauver l’humanité, il faudrait l’arracher à ses traditions, qui ne sont plus jugées écologiquement durables. L’humanité devrait se mettre à rêver de viande de synthèse, de poudre d’insectes, et cela généralement sous le signe d’un véganisme militant qui flirte avec le transhumanisme. L’européisme réactive le mythe de l’homme nouveau, qu’on rêve de désincarner, en lui promettant une rédemption angélique.
Une relative autonomie
« La révolte des agriculteurs a quelque chose d’une jacquerie, mais évoque aussi le souvenir de l’insurrection vendéenne – celle d’un peuple ne consentant pas à se laisser détruire au nom des promesses de la modernité. »
Mais les peuples n’aiment pas se laisser aspirer dans une utopie qui vampirise leur existence. Ce pour quoi de temps en temps, l’européisme doit faire une pause. Comme en son temps, Lénine avait dû miser sur la NEP, et réinjecter une part de capitalisme dans l’URSS naissante, pour redonner de l’oxygène au socialisme, l’européisme doit à l’occasion, surtout quand la contestation populaire est très forte, redonner un peu de liberté aux nations, pour leur donner l’illusion d’une relative autonomie dans l’ensemble européen, pour éviter que la révolte contre lui ne se radicalise. Ces concessions sont autant d’accommodements raisonnables consentis aux nations qui ne sont pas encore convaincues des vertus de leur disparition. Elles ne sont jamais durables.
La révolte des agriculteurs, dans ce contexte, a quelque chose d’une jacquerie, mais évoque aussi le souvenir de l’insurrection vendéenne – celle d’un peuple ne consentant pas à se laisser détruire au nom des promesses de la modernité. On l’a oublié, mais les révoltes populaires, depuis plus de deux siècles, sont souvent des révoltes antiprogressistes, et des révoltes de l’enracinement, ce qui nous rappelle pourquoi le progressisme ne parvient jamais vraiment à se convaincre au fond de lui-même des vertus de la démocratie et de la souveraineté des peuples. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Les deux catastrophes de la France, la révolution et l’union européenne. Deux entités qui ne pensent qu’à détruire et à ne construire que du vent et la guerre. Français, réveille toi avant qu’il ne soit trop tard.
Les agriculteurs travaillent 24 H/24, ne disposant nullement comme la plupart des Français salariés de week=ends et de congés et ces agriculteurs méritent plus que quiconque le respect. L’agriculture française n’a rien à voir avec une agriculture dite européenne étant donné ses spécificités. IL FAUT LAISSER NOS AGRICULTEURS EN PAIX et les laisser vivre comme ils l’ont toujours fait. JE LES SOUTIENS DE TOUT MON COEUR !