BREF COMMENTAIRE – Aussi averti qu’on peut l’être de la ligne éditoriale traditionnelle libéralo droitière, européiste, atlantiste même, du grand quotidien du matin, reconnaissons à l’éditorial du Figaro de ce matin, signé Vincent Trémolet de Villers, d’aller assez loin dans la contestation nette des options politiques ci-dessus énumérées à titre non exhaustif, auxquelles nous-mêmes sommes depuis toujours opposés. s’agit-il simplement de s’incliner devant le mur des réalités inexorables et menaçantes ? Ou d’une sensibilité et d’une raison politiques nouvelles et, somme toute tournées vers une vision plus traditionnelle du monde, des nations et des sociétés, au fil des changements générationnels, y compris au Figaro ? Il n’est pas, nous semble-t-il, illégitime de le penser.
L’ÉDITORIAL DU FIGARO – Au Salon de l’agriculture, la France a vu, en direct, un chef de l’État barricadé, séparé par un cordon de forces de l’ordre de ses citoyens.
« Tant que l’on sacrifiera la souveraineté française et une large partie de la population à des ensembles présentés comme premiers, l’Union européenne en tête, nous sommes condamnés au dialogue de sourds. Le rêve d’un monde pacifié par les normes et le doux commerce tourne au cauchemar ».
Emmanuel Macron le sait plus qu’aucun autre : la politique est affaire de symboles. Ce salon du refusé, comme dans ces jours où l’Histoire se cristallise, en recèle en pagaille. Le premier d’entre eux, c’est l’isolement du pouvoir. Dans Giraudoux, les puissants regardent la guerre de leur balcon ; au Salon de l’agriculture, la France a vu, en direct, le chef de l’État barricadé, en haut, au premier étage, en compagnie d’un groupe de syndicalistes, de journalistes, entouré par la police. En bas, des milliers de gens ordinaires attendaient patiemment qu’on leur ouvre les portes. La déambulation qui a suivi reproduisait ce même schéma avec la frontière mouvante des forces de l’ordre et la séparation organisée entre le président et ses citoyens.
Symbole aussi de l’épuisement du verbe. Certes, Emmanuel Macron a tenu le choc face aux questions croisées des « bonnets jaunes », mais nous n’avons pas retrouvé le candidat survitaminé de l’éternel grand oral. Le grand débat a rétréci, l’éloquence s’est affadie, la cataracte de mots ne peut plus éteindre la colère.
Symbole désastreux de la duplicité du pouvoir avec cette invitation lancée et niée des Soulèvements de la Terre. Qui dit vrai ? Qui ment ? Qui commande ? On a vu, en quelques heures, le soulèvement du soupçon chez les agriculteurs mais aussi dans l’opinion. D’autant que ce n’est pas la première fois que le « président philosophe » ne s’encombre pas du principe de non-contradiction. Plutôt qu’un art de la synthèse, le « en même temps » serait-il tout bêtement un double langage ?
Symbole, enfin et surtout, de l’anachronisme de la politique de la marche forcée vers la « transformation », qu’elle soit productive, écologique ou commerciale. Jusqu’ici, ses défenseurs parvenaient à gagner du temps : samedi, ils ont pris de face le mur du refus. Tant que l’on sacrifiera la souveraineté française et une large partie de la population à des ensembles présentés comme premiers, l’Union européenne en tête, nous sommes condamnés au dialogue de sourds. Le rêve d’un monde pacifié par les normes et le doux commerce tourne au cauchemar pour ceux qui le subissent comme pour ceux qui l’ont promu. ■