Un nouvel inédit de Paul Morand (1888-1976) paraît et voilà , qu’on aime ou déteste cet auteur, que tout le monde se précipite et le lit jusqu’au dernier mot, tant son style narquois et persifleur est jouissif, surtout à notre époque ou triomphent partout ou quasi l’ennui distillé par l’historiquement et le littérairement corrects…
En ses 1050 pages, ce tome second du journal de guerre du diplomate voyageur s’étire de 1943 à 1945, années cruciales s’il en fut, et se passe en Roumanie, en France et en Suisse . A l’affut, par divers relais, de ce qui se déroule en France sous le gouvernement provisoire du général de Gaulle (que l’écrivain nomme bêtement « Gaulle » tout court), Morand décrit les épuisants démêlés de l’ex-chef de la France libre avec nos politiciens (que de Gaulle appelait « politichiens » … ), démêlés qui font clairement entrevoir son retrait de début 1946 devant les Herriot, Daladier, Gouin, Thorez, Pineau et autres Lebrun…
S’agissant des israélites, on savait de longue date que le couple Morand ne les prisaient guère, même si en même temps ils entretenaient des relations mondaines avec des membre en vue de cette communauté. Dans ce journal de guerre, on relève quelques mots particulièrement ambigus de Morand, par exemple , page 643 : « on devrait toujours avoir un Juif chez soi, comme on a un thermomètre sur sa fenêtre » (?) ; et page 649, cette citation de Disraeli, le premier ministre préféré de la reine Victoria : « j’appartiens à une race qui ne peut se permettre d’échouer »… (À droite ci-dessus : Disraeli visitant victoria).
Quant à Hitler, Morand prédit ce que nous voyons se passer de plus en plus souvent depuis la Libération, à savoir que nombre de nos attitudes politiques ou culturelles sont jugées en fonction de ce que pensait le Führer, sauf le régime végétarien et la cynophilie qui ont échappé jusqu’ici à l’hitlérisation médiatique … Le mémorialiste vichyste écrit le 8 janvier 1945 : « j’ai toujours pensé que les seules victoires d’Hitler seraient posthumes ». (À gauche, Morand, plus tard, devenu académicien) ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
Retrouvez les publications sous ce titre…
Je vois qu’un numéro hors-série de Valeurs Actuelles Histoire publie un c intéressant entretien sur le Maréchal Lyautey, donné à VA par Péroncel-Hugoz. Je pense que je suis français serait bien inspiré d’en parler !
Merci à M. Petoncel-Hugoz de signaler le grand intérêt du « Journal de guerre » de Paul Morand, dont je me régale chaque jour, à petites doses gourmandes, depuis sa sortie. J’avais éprouvé le même plaisir à la lecture de sa correspondance avec Jacques Chardonnet, puis de son « Journal inutile ». Bien que leurs vies et leurs styles soient dissemblables, Chateaubriand et Morand ont en commun une qualité devenue rare : l’élégance – de l’écriture et des jugements.