15 Mars 44 : Assassinat de Jules César, conquérant des Gaules
La romanisation du pays, induite par la conquête des Gaules menée par César, fut féconde et heureuse.
Et cependant, l’éloge qu’on peut en faire serait incomplet, et même faux, si l’on excluait de l’extraordinaire réussite que fut cette romanisation… le peuple Celte.
Sans les Celtes, en effet, sans leurs grandes qualités et leur non moins grande ouverture d’esprit, la romanisation aurait été la simple conquête militaire d’un territoire – un de plus… – par les Romains, qui en ont conquis tant d’autres; mais elle n’aurait pas produit tout ce qu’elle a produit chez les Celtes, avec eux, et grâce à eux, aux côtés des Romains.
Il s’agit donc bien d’une fusion, au meilleur sens du terme, entre deux grands peuples, d’une addition de leurs qualités, en quelque sorte, et non simplement de la conquête des uns (les Celtes) par les autres (les Romains), quelles que soient les qualités intrinsèques de ces derniers et ce qu’ils apportaient de bon et de fécond…
Le trésor qu’apportaient les romains n’a pu fructifier à ce point que parce qu’il tombait sur une terre tout à fait apte et disposée à le recevoir et à le faire produire au centuple.
Voilà pourquoi, en ce jour où l’on commémore l’assassinat de Jules César, conquérant des Gaules, qui a mis rudement les deux peuples en contact, nous évoquerons d’abord, avec Jacques Bainville, l’apport romain dans cette merveilleuse fusion de deux peuples. Mais, sitôt après, nous lirons un beau texte de Charles Maurras, exaltant les vertus ancestrales et la grandeur évidente de ces Celtes, sans lesquels, redisons-le, rien de ce à quoi l’on a assisté par la suite ne se serait passé de la même façon.
I – Éloge de la Romanisation (de Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre I : Pendant 500 ans, la Gaule partage la vie de Rome)
« …À qui devons-nous notre civilisation ? À quoi devons-nous d’être ce que nous sommes ? À la conquête des Romains. Et cette conquête, elle eût échoué, elle se fût faite plus tard, dans des conditions différentes, peut-être moins bonnes, si les Gaulois n’avaient été divisés entre eux et perdus par leur anarchie. Les campagnes de César furent grandement facilitées par les jalousies et les rivalités des tribus. Et ces tribus étaient nombreuses : plus tard, l’administration d’Auguste ne reconnut pas moins de soixante nations ou cités. À aucun moment, même sous le noble Vercingétorix, la Gaule ne parvint à présenter un front vraiment uni, mais seulement des coalitions. Rome trouva toujours, par exemple chez les Rèmes (de Reims) et chez les Eduens de la Saône, des sympathies ou des intelligences. La guerre civile, le grand vice gaulois, livra le pays aux Romains. Un gouvernement informe, instable, une organisation politique primitive, balancée entre la démocratie et l’oligarchie : ainsi furent rendus vains les efforts de la Gaule pour défendre son indépendance.
Les Français n’ont jamais renié l’alouette gauloise et le soulèvement national dont Vercingétorix fut l’âme nous donne encore de la fierté. Les Gaulois avaient le tempérament militaire. Jadis, leurs expéditions et leurs migrations les avaient conduits à travers l’Europe, jusqu’en Asie Mineure. Ils avaient fait trembler Rome, où ils étaient entrés en vainqueurs. Sans vertus militaires, un peuple ne subsiste pas; elles ne suffisent pas à le faire subsister. Les Gaulois ont transmis ces vertus à leurs successeurs. L’héroïsme de Vercingétorix et de ses alliés n’a pas été perdu : il a été comme une semence. Mais il était impossible que Vercingétorix triomphât et c’eût été un malheur s’il avait triomphé.
Au moment où le chef gaulois fut mis à mort après le triomphe de César (51 avant l’ère chrétienne), aucune comparaison n’était possible entre la civilisation romaine et cette pauvre civilisation gauloise, qui ne connaissait même pas l’écriture, dont la religion était restée aux sacrifices humains. À cette conquête, nous devons presque tout. Elle fut rude : César avait été cruel, impitoyable. La civilisation a été imposée à nos ancêtres par le fer et par le feu et elle a été payée par beaucoup de sang. Elle nous a été apportée par la violence. Si nous sommes devenus des civilisés supérieurs, si nous avons eu, sur les autres peuples, une avance considérable, c’est à la force que nous le devons.
Les Gaulois ne devaient pas tarder à reconnaître que cette force avait été bienfaisante. Ils avaient le don de l’assimilation, une aptitude naturelle à recevoir la civilisation gréco-latine qui, par Marseille et le Narbonnais, avait commencé à les pénétrer. Jamais colonisation n’a été plus heureuse, n’a porté plus de beaux fruits, que celle des Romains en Gaule. D’autres colonisateurs ont détruit les peuples conquis. Ou bien les vaincus, repliés sur eux-mêmes, ont vécu à l’écart des vainqueurs. Cent ans après César, la fusion était presque accomplie et des Gaulois entraient au Sénat romain. [Ci-dessus : Voie romaine près de Vienne].
Jusqu’en 472, jusqu’à la chute de l’Empire d’Occident, la vie de la Gaule s’est confondue avec celle de Rome. Nous ne sommes pas assez habitués à penser que le quart de notre histoire, depuis le commencement de l’ère chrétienne, s’est écoulé dans cette communauté : quatre à cinq siècles, une période de temps à peu près aussi longue que de Louis XII à nos jours et chargée d’autant d’événements et de révolutions. Le détail, si l’on s’y arrêtait, ferait bâiller. Et pourtant, que distingue-t-on à travers les grandes lignes ? Les traits permanents de la France qui commencent à se former… »
La maison carrée, à Nîmes
II – Éloge des Celtes par Charles Maurras (Allocution prononcée en 1937)
« …Notre confrère Edouard Helsey mène en ce moment, au Journal, une lucide enquête sur les égarements sincères du peuple français. Et il a touché au point vif, très juste, quand il a observé qu’il existait dans les profondeurs de notre nationalité un élément d’anarchisme qui se met en mouvement un peu plus souvent qu’à son tour.
C’est quelque chose de notre vieux fond gaulois. Ce peuple généreux, mais trop avide d’éloquence, porté à l’esprit de parti, aux divisions, aux jeux naïfs de la jalousie ou même de l’envie, n’a jamais pu s’unifier ni se discipliner, en raison de ce gros défaut.
Mais Helsey oublie une chose. C’était un peuple très intelligent, très ami de l’intelligence, très sensible aux splendeurs de la vie intellectuelle, et l’on se trompe beaucoup toutes les fois que l’on fait honneur aux seules armées de César, au seul glaive des Légions et au seul faisceau des Licteurs de leur rapide conquête assimilatrice, si forte et si profonde que l’Histoire hésite à en admettre toutes les parties. Pour la bien comprendre, il faut se représenter l’admirable ouverture d’esprit du Gaulois et aussi la magique beauté de l’apport romain; c’était la raison, et c’était la science, et c’était l’intelligence, et c’était tout l’esprit de la civilisation générale héritée de la Grèce, de l’Egypte, de l’Etrurie.
Les gaulois auraient indéfiniment résisté à la force de la Légion. Ils ne résistèrent ni à l’ordre ni à l’intelligence qui leur apportaient, avec le Droit, la Loi, avec la discipline aimée et voulue autre chose qui y ressemble : la Charité du genre humain…. Ce fut le dernier coup. Le Gaulois n’y tint plus. Il admit Rome, il la reçut chez lui, en lui. Il constitua cette brillante improvisation de l’Empire qui s’appelle le Gallo-Romain. N’était-il pas trop bien doué pour s’y dérober plus longtemps ?… »
[Allocution lors de l’Hommage National rendu à Charles Maurras le 8 juillet 1937au Vélodrome d’Hiver]
le calendrier gaulois de Coligny : écriture gauloise, en caractères latins
III : L’opinion concordante de François-Guillaume Lorrain et Jean-Louis Brunaux, dans Le Point.
À gauche, la Une du Point, 15 juillet 2010.
« Rendons à César…
…ce que la Gaule lui doit. Ce printemps, un ouvrage (« 1940 », Ed. Tallandier) imaginait le sort de la France si elle avait continué à se battre en 1940. Qu’en serait-il de notre pays si, à l’âge de 42 ans, le proconsul Caius Julius Caesar n’avait pas, en 58 avant J.C., mis le pied avec ses légions en Gaule chevelue ? César, sans la Gaule, ne serait sans doute pas devenu César, mais la Gaule, sans César, aurait à coup sûr raté le coche d’une première unification et d’une révolution culturelle, politique, urbaine et religieuse. Elle aurait surtout été, et c’est la thèse passionnante défendue ici par Jean-Louis Brunaux, balayée par les envahisseurs germains.
Le rôle de César, involontaire et indirect, aura donc été celui d’un conservateur, qui accéléra une romanisation déjà en cours de la Gaule et la fit basculer à tout jamais dans la sphère méditerranéenne. Comme pour nous rappeler cette dette, son buste repêché par Luc Long a resurgi, tel un fantôme, des tréfonds du Rhône. Les traits marqués d’une noble énergie.
Ave Caesar ! »
Les Basques puis les Celtes constituent les premiers peuplements connus de la Gaule, qui allait devenir la France. Sur ces deux populations premières vint se greffer l’influence décisive des Grecs et des Romains : voilà pourquoi nous évoquons largement, dans nos Ephémérides, les pages fondatrices de notre identité profonde que nous devons à l’Antiquité : voici le rappel des plus importantes d’entre elles, étant bien entendu qu’un grand nombre d’autres Ephémérides traitent d’autres personnalités, évènements, monuments etc… de toute première importance dans le lente construction du magnifique héritage que nous avons reçu des siècles, et qui s’appelle : la France.
En réalité, si la conquête de la Gaule était nécessaire à César pour sa prise du pouvoir à Rome, il faut bien admettre que « le divin Jules » avait été appelé à l’aide, en Gaule, par les Gaulois eux-mêmes, incapables de s’opposer au déplacement massif des Helvètes, quittant leurs montagnes – en 58 avant J.C – pour s’établir dans les riches plaines du sud ouest; César vainquit les Helvètes à Bibracte (éphéméride du 28 mars); cinq mois plus tard, envahis par les Germains d’Arioviste, les Gaulois le rappelèrent une seconde fois : César vainquit et refoula les Germains au-delà du Rhin (éphéméride du 5 août); et, cette fois-ci, auréolé de ses deux prestigieuses victoires, et gardant plus que jamais en tête son objectif premier (la conquête du pouvoir à Rome), César ne voulut plus se retirer de cette Gaule où on l’avait appelé, et dont la conquête serait le meilleur tremplin pour ses ambitions politiques à Rome… Il fallut six ans à Vercingétorix pour fédérer les divers peuples de Gaule contre le sauveur romain : le soulèvement général commença par le massacre des résidents romains à Cenabum (l’actuelle Orléans), en 52 (éphéméride du 23 janvier); le 28 novembre de la même année, Vercingétorix remporta la victoire de Gergovie (éphéméride du 28 novembre); mais, moins d’un an après, enfermé dans Alésia, Vercingétorix vécut l’échec de l’armée de secours venue à son aide de toute la Gaule (éphéméride du 20 septembre) : il capitula une semaine après (éphéméride du 27 septembre). Emmené captif à Rome, il fut mis à mort six ans plus tard, en 46 (éphéméride du 26 septembre).
Cependant, dans sa conquête des Gaules, César n’eut pas seulement à lutter contre les tribus gauloises proprement dites : il s’opposa également à Massalia, puissance amie et alliée de Rome, mais qui ne voulut pas choisir entre César et Pompée lorsque la guerre civile éclata entre ceux-ci : César réduisit Massalia, mais avec difficulté (éphémérides des 19 avril, 27 juin et 31 juillet).
Enfin, pour être tout à fait complet avec le rappel de ce que l’on peut trouver dans nos éphémérides sur ces pages de notre Antiquité, mentionnons également nos trois éphémérides traitant de :
• la victoire sur les Cimbres et les Teutons, remportée par Caius Marius, oncle par alliance de Jules César en 86 (il avait épousé sa tante, Julie, et mourut en 86. (éphéméride du 17 janvier);
• l’assassinat de Jules César en 44 Avant J-C (éphéméride du 15 mars);
• notre évocation de Massalia, sa puissance et son rôle à l’époque (éphéméride du 11 avril).
1528 : François 1er fixe de nouveau à Paris le siège de la Cour
Après une longue période de nomadisme, essentiellement dans les différents Châteaux de la Loire, François 1er jugea indispensable de se fixer de nouveau à Paris, car la situation avait terriblement empiré, pour lui et pour le Royaume.
Commencé sous les meilleurs auspices, en 1515, par la brillante victoire de Marignan (éphéméride du 13 septembre), l’éclat premier du règne avait été assombri, exactement dix ans plus tard, par le désastre de Pavie (éphéméride du 24 février), suivi de la captivité du roi à Madrid (le roi restant prisonnier plus d’un an, au total), sans oublier, bien sûr, la trahison du Connétable de Bourbon (éphéméride du 18 juillet), la disparition de Bayard et de la fine fleur de l’armée.
Tout cela avait énormément fragilisé et le Royaume et la Monarchie. Il était urgent, pour le roi, de restaurer l’autorité royale et de reprendre fermement les choses en main. Habiter de nouveau dans sa ville capitale fut l’un des moyens qui s’offrait à lui pour cette réorganisation générale, et il sut le saisir.
De l’ouvrage Paris (Citadelles, Mazenod, pages 118-119) :
« …Aussi, à son retour de captivité, François 1er annonça-t-il au Bureau de la Ville, le 15 mars 1528, son intention de se fixer à Paris… Le roi, après la catastrophe de Pavie, avait pu mesurer l’importance économique de la ville, et celle, politique, de son Parlement. De plus, la monarchie centralisatrice qu’il cherchait à imposer se devait d’avoir en son centre une grande capitale, où il avait tout intérêt à imposer plus directement son pouvoir.
Enfin, le théâtre des opérations militaires s’était déplacé. L’heure était moins aux expéditions lointaines qu’à la défense des frontières du nord et de l’est, et de ce point de vue aussi, il était préférable que le roi résidât à Paris plutôt que sur les bords de Loire.
Le roi choisissant le Louvre, le château-palais de ses prédécesseurs, comme lieu de résidence, il chargea Pierre Lescot de son embellissement et de sa radicale transformation, de forteresse médiévale en palais royal (éphéméride du 10 septembre)
Assez peu de temps après (soixante ans, tout de même, en 1587) Montaigne n’écrira-t-il pas, ce qui donnait, au fond, raison au roi :
« Je ne veux pas oublier ceci, que je ne me mutine jamais tant contre la France que je ne regarde Paris de bon œil : elle a mon cœur dès mon enfance ; et m’en est advenu comme des choses excellentes ; plus j’ai vu depuis d’autres villes belles, plus la beauté de celle-ci peut et gagne sur mon affection : je l’aime par elle-même, et plus en son être seul que rechargée de pompe étrangère : je l’aime tendrement, jusques à ses verrues et à ses taches : Je ne suis Français que par cette grande cité, grande en peuples, grande en félicité de son assiette, mais surtout grande et incomparable en variété et diversité de commodités, la gloire de la France et l’un des plus nobles ornements du monde. Dieu en chasse loin nos divisions ! Entière et unie, je la trouve défendue de toute autre violence : je l’advise que de tous les partis le pire sera celui qui la mettra en discorde ; et ne crains pour elle qu’elle-même ; et crains pour elle certes autant que pour autre pièce de cet État. Tant qu’elle durera, je n’aurai faute de retraite où rendre mes abois ; suffisante à me faire perdre le regret de tout autre retraite. »
Cette éphéméride vous a plu ? En cliquant simplement sur le lien suivant, vous pourrez consulter, en permanence :
Il faut reconnaître que la position de Bainville est aujourd’hui totalement dépassée par les connaissances. Lorsque Bainville se félicite que les gaulois furent divisés, car s’ils avaient été unis, la conquête romaine (à laquelle nous devrions tout) serait arrivée plus tard et dans de mauvaises conditions, il développe à la fois l’uchronie et le paradoxe. Lorsqu’il ironise sur « cette pauvre civilisation gauloise, qui ne connaissait même pas l’écriture, dont la religion était restée aux sacrifices humains. « , il donne une image erronée, non seulement de la Gaule, mais encore de Rome, car les sacrifices humains existaient aussi à Rome, et il y en eut pendant les guerres puniques. De plus, cette division des gaulois à l’époque de César était le fruit d’une décadence car les monarchies gauloises avaient été renversées vers 70 BC avec les encouragements des Romains qui voulaient créer des gouvernements sénatoriaux en gaule pour la rendre à la fois plus vulnérable et plus réceptive à la pax romana.
Enfin, je voudrais conclure sur une réflexion d’ordre éthique: il n’est pas très honorable de lécher les bottes de son vainqueur, même quand on lui reconnaît des supériorités.
A mon sens, la réflexion de Bainville, est plus nuancée que ne le dit Antiquus. Par exemple, lorsqu’il note que « les Français n’ont jamais renié l’alouette gauloise » et que « le soulèvement national dont Vercingétorix fut l’âme nous donne encore de la fierté ».
De toutes façon, l’Histoire a tranché. La loi cruelle des vainqueurs – mais elle l’est presque toujours et il est surprenant que l’on s’en étonne – s’est appliquée. Le fait est que les Français ne sont pas des Gaulois – ni d’ailleurs tout à fait des Romains – mais des Gallo-Romains.
Il est peut-être assez vain, après vingt siècles, de revenir sur ce qui a été, au nom de ce qui aurait pu être. Surtout si l’on considère que le risque que courrent les Français d’aujourd’hui est de n’être plus rien du tout …
Cher Reboul, je ne peux pas vous donner tort. Cependant, j’ai deux observations à ce sujet:
-d’abord, la conquête de la Gaule par César nous amène à nous poser, dès l’aube de notre histoire, une question qui suscitait bien des débats dans les camps d’Action Française: le devoir de fidélité à une nation, et plus généralement à un groupe naturel est-il relié à la qualité de sa culture, ou simplement au fait que nous y appartenons? Il me semble que seule la deuxième réponse est correcte.
– D’autre part, nous ne sommes pas des gallo-romains, mais, n’en déplaise à Maurras, des gallo-romains influencés par une culture germanique:celle des francs.
Cher Antiquus,
Vous ne me donnez pas tort mais vous formulez deux obserations dont l’une, au moins, la première, pose un problème qui n’a peut-être pas de solution toute faite ni tout à fait évidente. Raison, sans-doute, des vieux débats que vous évoquez.
Je pense, en fait, comme vous que « le devoir de fidélité à une nation, et plus généralement à un groupe naturel » tient d’abord « au fait que nous y appartenons ».
Toutefois, n’y a-t-il pas, ensuite, l’oeuvre de l’Histoire qui fait et défait, en tout cas transforme, les dites nations ou groupes naturels ? Une fidélité peut-elle s’exercer indéfiniment à l’égard de réalités au détriment desquelles, de longue date, l’Histoire a tranché ?
Sur votre deuxième observation, j’aurais tendance à penser que nous sommes principalement des gallo-romains, mais, bien-sûr, pas uniquement. Je ne conteste ni ne regrette l’influence d' »une culture germanique : celle des Francs ». Et sans-doute, quoiqu’à un moindre degré, d’autres cultures, encore.
« L’oeuvre de l’Histoire qui fait et défait, en tout cas transforme, les dites nations ou groupes naturels ? » Mais bien entendu. Seulement l’Histoire n’est pas une déesse souveraine qui « tranche » sur le passé indépendamment du présent. L’image que nous avons du passé est étroitement dépendante, non pas seulement de ce que nous sommes, mais aussi de ce que nous voulons être. Nous ne sommes plus des Gaulois, et il n’y a d’ailleurs plus de romains sur qui exercer notre « vengeance »; et, comme vous le dites, nous sommes bien près de ne plus être rien du tout. Alors, nous avons recours au passé de origines comme toute culture qui doute d’elle-même. Il nous faut nous refonder. Louis XIV se faisait représenter en empereur romain (malgré la perruque): il se considérait comme l’héritier de la puissance et le prouvait chaque jour. Il n’avait pas d’état d’âme. Maurras, prisonnier de la grave crise de conscience nationale causée par la défaite de 70, écrivait: « je remercie Rome (d’avoir soumis la Gaule) parce que, sans elle, je serais une espèce d’allemand ». Il mettait donc une interprétation contestable de l’Histoire au service de son ressentiment de vaincu. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui.
Je suis donc, pour l’essentiel, d’accord avec Antiquus.
Je n’apprécie pas vraiment le mépris de Maurras pour la condition d’Allemand. Je crois même qu’il écrit « une espèce de Suisse ou d’Allemand », ce qui n’est ni flatteur ni juste pour l’une et l’autre nationalité …
Être Allemand avant 1914, ce n’était déjà pas si mal, au regard de ce qu’est devenu le monde actuel, notamment et y compris de part et d’autre du Rhin. Maurras, en effet, était dépendant d’un autre contexte.
En fait, il me semble que l’Europe d’avant 1914 s’offrait le luxe d’affrontements suicidaires entre des « excellences » … D’autres en ont largement profité.
Il semblerait raisonnable de penser qu’un tel « luxe » n’est plus à notre portée …