* L’Ordre provençal était le journal de l’Action française en Provence. Créé entre les deux guerres mondiales, suspendu lors de la seconde, il avait été repris autour des années 1960. Voici comment nous avions réagi alors à la mort de Pompidou. Un anniversaire largement évoqué dans les médias.
Vide de l’Etat et crise des Institutions
De Gaulle lui-même croyait-il aux institutions de la Ve République ? La propagande officielle du régime les a toujours présentées comme une « seconde nature » pour la France, comme une garantie de la stabilité, de. l’équilibre, de la continuité, de l’indépendance et de l’efficacité de l’Etat… Pourtant, dans « Les Chênes qu’on abat », Malraux a rapporté de ses conversations de Colombey des réflexions amères où de Gaulle hésite perpétuellement entre la désillusion, le dépit, le fatalisme ou plus rarement l’espérance. La France lui survivrait-elle ? Bah I Après lui, ce serait fini. Adieu à la grandeur, adieu à l’Etat, adieu à l’indépendance nationale, adieu au « Roi » et à la France ! Ou bien, au contraire : Vous verrez, la France ne mourra pas ; elle triomphera des médiocres; les Français sont capables de sursauts extraordinaires : ils ont bien inventé le Général de Gaulle, etc. Ce n’est pas ainsi que l’on parle quand l’Avenir est assuré : « Je m’en vais, mais l’Etat demeure », disait Louis XIV expirant.
Le soir d’avril 1969 où de Gaulle se retira, l’on avait pu croire que sa prédiction se réaliserait : après lui ce ne serait pas le vide ; fallait-il craindre le trop-plein, l’anarchie, le retour d un Mai 68, à peine un an après ? Et puis Alain Poher s’installa dans l’Elysée désert, ou plutôt son ombre inexistante. Les institutions fonctionnèrent. L’anarchie ne vint pas. Georges Pompidou fut élu. Et la France eut un chef qui, au milieu des tares démocratiques, conserve tant bien que mal l’unité au moins apparente du Régime. Le système avait fonctionné.
Il est vrai que Georges Pompidou était le Dauphin, sinon chéri, du moins désigné par de Gaulle, qui l’avait mis « en réserve de la République ». A Colombey, de Gaulle pouvait bien déclarer « Pompidou, je m’en tape », et recommander à Malraux, de façon peu protocolaire : « Dites bien partout autour de vous que, je n’ai rien à voir avec ce qui se passe là-bas. » Peu importait : sa succession, pour les Français était assurée. En bien des points, Georges Pompidou porta dignement sa charge, Jusqu’au bout. .Ce n’est pas l’honneur de la République qui renaît, au contraire, intégralement au soir de sa disparition. C’est peut-être un honneur pour la France et son peuple. Dans un de ses livres, Raymond Tournoux écrivait, il y a quelques années, que Georges Pompidou ressemblait toujours un peu à un paysan qui discute pied à pied pour vendre une vache à laquelle il affirme tenir beaucoup… Et Pompidou lui aurait dit : « J’ai lu votre livre. Je l’ai aimé. Mais il y a un point sur lequel vous vous êtes trompé : voyez-vous, j’aime la vache et je ne la vendrai jamais. » Le système institutionnel de la V° République implique-t-il le delphinat comme unique condition de son bon fonctionnement ? En tous cas, Georges Pompidou n’a pas eu de dauphin. Il n’a désigné personne. Et au lendemain de sa mort, la situation n’est plus du tout celle qui suivit le départ de De Gaulle.
L’Etat est vide. Les institutions ne signifient pas grand-chose face aux manœuvres des candidats, des clans, des féodalités et des partis. Le pouvoir n’est pas à recueillir. Il est à prendre.
Les Français comprendront-ils que trois candidats, ministres de Georges Pompidou, se présentent simultanément devant eux ?
De quelque côté qu’on se tourne, l’on s’aperçoit que la mort de Georges Pompidou remet tout en question : politique extérieure et indépendance nationale, arrivées et départs des hommes, politique économique, effort ou renoncement national.
Plus que des politiques, c’est l’Etat qui est en question. Les Français avaient perdu l’habitude de le voir livré aux assauts partisans et aux ambitions personnelles. Quelle légitimité trouveront à leur yeux Chaban, Giscard ou Mitterrand ?
Vide de l’Etat. Crise des institutions. Ce sont les constatations d’aujourd’hui et les craintes de demain.
Qui nous rendra un Etat légitime, c’est-à-dire un Etat à visage d’homme, enraciné dans la durée et lié au peuple français dans la vie et dans la mort ? ■ J.D.
On sait que le successeur funeste de Georges Pompidou fut Valéry Giscard d’Estaing et sa politique celle du libéralisme avancé à l’origine de cette phase du déclin français encore en cours. Lorsque Giscard fut élu contre François Mitterrand, L’Ordre provençal parut sous un titre qui nous fut vivement reproché sur le moment, compris et approuvé par la suite. (Image ci-dessous).
Remerciement à Michel Franceschetti qui nous a transmis les images utilisées ici.
Giscaing d’Estar le démagogue par excellence, le bourgeois à la fausse particule, revenu vers sa femme pour les élections, le joueur d’accordéon en pull, le descendeur des Champs pédestrement pour faire peuple, le consommateur d’œufs brouillés chez les manants, le restaurateur de l’heure allemande en France, la majorité à 18 ans, le tamponneur de camion du laitier en rentrant potron-minet à l’Élysée etc.
La seule chose courageuse qu’il ait faite : envoyer la Légion sauter sur Kolwezi pour sauver les ressortissants français (et belges). Pour le reste : Pffuuiitt !