« Pas de vagues », de Teddy Lussi-Modeste : la taqiya comme si vous y étiez
Par Jean-Paul Brighelli.
Cet article – brillant, comme à l’ordinaire – est paru dans Causeur le 5 avril. Jean-Paul Brighelli y paraît marcher en quelque sorte sur les plates-bandes cinématographiques de Pierre Builly hebdomadairement présentes dans JSF et parfois davantage pour le plaisir de tous. En fait, Brighelli reste dans son domaine d’expérience, d’excellence et e prédilection : celui des profs, des élèves et de leur éducation – s’il se peut encore. A ce titre, cet article se lit avec intérêt et plaisir. Tout en sachant bien ce que son sujet a pour notre société en péril, d’existentiellement tragique !
Notre chroniqueur, à qui rien de ce qui touche à l’Éducation ne reste longtemps étranger, est allé voir Pas de vagues, version moderne des Risques du métier (Jacques Brel et André Cayatte, 1967) : une gamine accuse son prof de Français de harcèlement, le grand frère s’en mêle, la solidarité s’effiloche, l’administration se terre, bref, c’est d’un réalisme parfait, ne manque que la mise à mort finale. Il en est revenu conquis, non seulement par le protagoniste principal, joué par François Civil, mais par le rendu remarquable du quotidien d’un enseignant jeté aux chiens.
Quand j’ai lu ce qu’en disait Télérama, la boussole qui indique imperturbablement le sud en matière de mœurs et de culture, je n’ai plus hésité. « Un jeune professeur enthousiaste, impliqué et apprécié, qui enseigne le français dans un collège », résume Jacques Morice. Et de son côté, Marie Sauvion nuance : « Dans une époque où on parle beaucoup des violences sexistes, de l’impuissance de la justice, ça me paraît un peu étrange de raconter encore une fois une histoire de menteuse. On sait que statistiquement, des menteuses, il n’y en a pas beaucoup, mais c’est souvent à elles que va s’intéresser le cinéma. » Discrimination. Sexiste ! Male gaze !
Une jeune fille — Leslie est censée être en Troisième, elle a une quinzaine d’années — qui fantasme de façon évidente sur le beau trentenaire qui leur commente Ronsard, l’accuse, en désespoir de cause et d’hormones mal maîtrisées, de harcèlement et de drague lourde. Une histoire qui est arrivée au réalisateur, ex-prof de Français accusé lui-même en 2020 par une élève de 13 ans.
Kouffar dans l’impasse
La lecture des commentaires des journalistes spécialisés m’a laissé perplexe. Comment se fait-il qu’aucun n’ait vu qu’il ne s’agit pas seulement d’une accusation portée par une gamine à libido instable, pas seulement d’un soutien à géométrie variable — le personnage de la responsable syndicale est remarquable de crapulerie satisfaite —, mais d’une relation très particulière à la vérité ?
C’est entendu, Leslie ment. Mais son frère — le vrai chef de famille, en l’absence du père, la mère elle-même étant terrorisée par le rejeton —, qui appartient à cette communauté qui vous annonce votre destin en faisant mine de se trancher la gorge avec le pouce (un élément que personne n’a relevé), croit à son mensonge. Et Julien (François Civil, vraiment très bien) ne ment-il pas aussi en cachant le fait qu’il est homosexuel, et vit avec un Arabe — qui a de bonnes raisons lui-même de ne pas s’afficher, il sait ce que ladite communauté fait à ses pareils… Le directeur du collège, qui feint d’envoyer au rectorat la lettre par laquelle Julien demande l’aide juridictionnelle à laquelle il a droit, ment de même en faisant croire qu’il a fait suivre un courrier jamais envoyé : après tout, ce minuscule événement ne risquerait-il pas d’entraver sa mutation vers un établissement plus prestigieux que ce collège Paul-Eluard ?
Mais voilà : qu’est-ce qu’un mensonge ?
L’islam permet de mentir — on appelle cela la taqiya — quand c’est pour protéger la religion d’Allah. Or — et c’est ce qui le différencie fondamentalement de toutes les autres croyances —, l’islam n’est pas seulement une religion : c’est un concept global dont la charia est l’expression pratique. De fait, vous pouvez mentir tout le temps, puisque le réel dans son ensemble est religieux. C’est par ce saint principe que les membres des cellules dormantes de Daesh dissimulent, des années durant, leurs véritables croyances et identités — en attendant les Jeux Olympiques.
Le film montre alors avec beaucoup d’acuité l’impasse dans laquelle se fourvoient les kouffars de notre espèce en donnant a priori à la parole de l’élève une valeur juridique : dans les cultures chrétiennes, le mensonge en soi est un péché ; dans l’islam, c’est une protection.
Voyez l’étudiante qui, au lycée Maurice-Ravel, a prétendu que le proviseur l’avait bousculée pour lui faire ôter son voile. Le soir même, contactée par le Bondy Blog, qui se fait une joie de ramasser toutes les ordures susceptibles de faire avancer leur cause, elle faisait un récit très élaboré (mais spontané, bien sûr…), qui lui a valu l’appui du CCIE, nouvelle mouture hébergée en Belgique du CCIF dissous en Conseil des ministres en décembre 2020. Elle a pu y soigner son narratif.
Évidemment, quand le rectorat, c’est-à-dire l’État, a porté plainte, ladite jeune oie blanche s’est ravisée, et a avoué avoir menti. Que risque-t-elle, si elle est finalement présentée à un juge ? Rien — un rappel à la loi qui interdit la diffamation, et c’est tout.
Et contrairement à Caroline Fourest, je ne crois pas que cette plainte pour dénonciation calomnieuse marque la fin du déni officiel. C’est juste une péripétie dans l’esthétique du Pas de vagues.
Samuel Paty, Dominique Bernard, Maurice-Ravel, Arthur-Rimbaud: un film d’actualité !
Par contamination tous les médias (part…) qui appuient les dérives islamistes, et les députés LFI qui en font autant (Danielle Simonnet par exemple : « Le proviseur a-t-il frappé l’élève? », interrogeait l’élue, alimentant les rumeurs qui couraient sur les réseaux sociaux, avant d’asséner que « le respect du non-port du voile ne justifie aucune violence physique »), tous les bien-pensants ont appuyé la menteuse. Maintenant qu’elle s’est rétractée, ils se dispensent de le signaler. Le mal est fait, et quelques dizaines de milliers de futurs fanatiques croient dur comme fer ce qu’ils ont entendu une première fois.
(Parenthèse. Le proviseur, qui arrivait en fin de carrière, a demandé à être placé en retraite légèrement anticipée à cause des menaces que lui avait values ce mensonge répété repris par les rézosocios — lesquels obéissent aux grands frères qui, chassés d’Égypte, sont venus chez nous faire du prosélytisme et préparer la mainmise sur notre civilisation. C’était son droit. Mais comme dit très bien Cyrano, « on n’abdique pas l’honneur d’être une cible ». Les chefs d’établissements, dans la réalité comme dans la fiction, et bon nombre d’enseignants, ne brillent pas par leur courage.)
Le mensonge est habituel dans les sociétés du mensonge. Il n’y a qu’en Occident que c’est un délit (et en Chine, où on ne signale guère d’incidents de ce type, les autorités ayant su faire front assez tôt). Ce sont deux civilisations qui s’affrontent, l’une ancrée dans son Code romain, l’autre usant de ses coutumes religieuses.
Allez voir Pas de vagues. L’enseignant n’est pas sans reproches — il a manifestement cru une bonne partie de ce qu’on lui a appris en IUFM / ESPE / INSPE. Il a cru possible de se rapprocher de ses élèves, alors qu’il faut les tenir sans cesse à la pointe de l’épée. Ses collègues, d’abord unanimes, se délitent avec l’extrême virtuosité des lâches. La classe, dont le malheureux Julien croyait qu’elle l’aimait, se dresse contre cet enseignant tout dévoué à sa tâche — mais enfin, un dep, comme dit le compagnon de Julien dans le film, et comme il faut dire depuis qu’on n’écrit plus « pédé »… Tout juste si on ne le lynche pas — et en tout cas, le « grand frère » l’attend à la sortie, comme d’autres ont attendu Samuel Paty ou Dominique Bernard. ■
PS. À l’heure où j’écris, une collégienne, à Montpellier, vient de sortir du coma après avoir été agressée violemment par trois condisciples qui ne supportaient pas qu’elle ne soit pas voilée, se maquille et se teigne les cheveux. Vous vous souvenez de Mila ? Pour faire juste mesure, ils l’ont traitée de kouffar — mécréante, une accusation qui dans les règles coraniques est punie de mort. Bah, il se trouvera bien un juge pour taper sur les doigts de nos néo-docteurs improvisés de la loi islamique. Une religion de paix et d’amour, on vous dit.
Jean-Paul Brighelli
Agrégé de Lettres modernes, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Jean-Paul Brighelli est enseignant à Marseille, essayiste et spécialiste des questions d’éducation. Il est notamment l’auteur de La fabrique du crétin (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2005).