Par Nicolas Granié – Front Populaire.
COMMENTAIRE – Ce portrait de Front Populaire, signé de Nicolas Granié est paru le 5 de ce mois. On ne peut pas mieux montrer comment ce que Thierry Breton appelle effrontément « notre démocratie » n’est en réalité que l’activité des puissances d’Argent et de ceux qui le détiennent pour assoir leur pouvoir de pure nature oligarchique et déployer leurs ambitions personnelles. Nous nous en tiendrons là. En rappelant que Pierre Boutang justifiait sa passion monarchique en disant de la monarchie : « C’est le seul pouvoir qui ne s’achète pas par l’argent ». Qu’importe la piétaille, le peuple, impropre à l’exercice de la démocratie !
« Il faut dire que l’ancien PDG de Thomson, de France Telecom et d’Atos a accumulé une bien belle fortune, mais pour quels résultats ? »
PORTRAIT. À l’approche des élections européennes, notre feuilleton « Ils étaient dix », une série de dix portraits des grandes figures de l’État maastrichtien, se poursuit. Après deux premiers portraits consacrés à Ylva Johansson et Christine Lagarde, ce troisième épisode concerne Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur. Nommé à ce poste grâce à son amitié avec Emmanuel Macron, le Français est arrivé au sein de la Commission en jouant les redresseurs de torts après avoir plombé l’ex-pépite française Atos. Aujourd’hui, il lorgne le siège d’Ursula von der Leyen…
« Il n’y a pas à s’inquiéter sur l’avenir du château. » Cette phrase lâchée par l’ancienne propriétaire du château de Gargilesse-Dampierre, dans l’Indre, n’est pas de nature à nous rassurer. En 2023, un certain Thierry Breton fait l’acquisition de l’édifice dans la plus grande discrétion. Il faut dire que l’ancien PDG de Thomson, de France Telecom et d’Atos a accumulé une bien belle fortune, mais pour quels résultats ?
Nommé commissaire européen au marché intérieur en charge de l’industrie, de la défense, du spatial et du numérique en 2019 grâce à l’action en coulisses d’Emmanuel Macron, Thierry Breton, âgé de 69 ans, ne compte pas s’arrêter là. Son objectif inavoué ? La tête de la Commission européenne. Mais le chemin pour y arriver est semé d’embûches pour cet ancien ministre de l’Économie et des finances sous Jacques Chirac.
En guerre avec Ursula von der Leyen ?
Avec 400 voix seulement sur 737 délégués, l’Allemande Ursula von der Leyen s’est fait – difficilement – réélire candidate du Parti populaire européen (PPE). L’occasion rêvée pour le Français de savonner la planche de sa patronne. À la fin du congrès du PPE à Bucarest, le 7 mars dernier, dans un tweet publié sur X (ex-Twitter), Thierry Breton a demandé s’il était « possible de (re)confier la gestion de l’Europe au PPE pour 5 ans de plus, soit 25 ans d’affilée ? », estimant qu’Ursula von der Leyen avait été « mise en minorité par son propre parti », qui semble « ne pas croire en sa candidate ». Dans la foulée, Thierry Breton, affilié à Renew, groupe auquel appartient Renaissance, est implicitement rappelé à l’ordre par les porte-parole de la Commission, lesquels invitent tous les membres à faire preuve de « discernement ». Un coup d’essai raté.
Cet européen convaincu, chiraquien, juppéiste puis macroniste (parcours somme toute cohérent !), n’est jamais le dernier à scruter et dénoncer le bilan des autres, mais reste quant à lui incapable de regarder – avec lucidité – le sien. À la tête de l’ex-pépite informatique française Atos entre 2009 et 2019, il a multiplié les erreurs. Grâce au levier de la dette, il s’est engagé dans une série d’acquisitions de manière inconséquente, à laquelle s’est ajouté un virage du cloud mal abordé. Un cocktail explosif qui a fini par faire couler le groupe. Mais Thierry Breton s’en lave les mains : « Atos n’avait aucune dette quand j’ai quitté l’entreprise », a-t-il sobrement déclaré devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef) en février dernier. Une déclaration qui ne convainc pas. Depuis le début des tractations autour de la reprise des activités d’Atos, les critiques pleuvent sur l’ancien ministre. L’un de ses successeurs, Bertrand Meunier, avait déclaré que « le succès du cours de bourse d’Atos dans les années 2010 était en réalité le fruit d’une politique d’acquisitions et d’une forte croissance externe qui a été réalisée avec une sélectivité discutable ou insuffisante et de la signature de contrats dont la rémunération était trop faible au regard des coûts ». C’est sur le tard qu’on a découvert le pot aux roses. Aujourd’hui, Atos se retrouve étranglé par les dettes. Pourtant, lors de son départ du groupe, les observateurs – peu objectifs – rangeaient Thierry Breton dans la catégorie des grands capitaines d’industrie.
Le défenseur de « l’intérêt général européen »
Se faisant le défenseur de « l’intérêt général européen » face à « l’extrême droite » à l’aune des élections européennes de juin prochain, Thierry Breton a fait feu de tout bois pour calmer les ardeurs du patron de Tesla, Elon Musk, après le rachat de la plateforme Twitter fin 2022 ; au tweet du milliardaire américain « l’oiseau est libéré », le Français rétorque : « L’oiseau volera selon nos règles européennes ». Sous couvert de vouloir protéger les internautes, il promeut pendant son mandat le Digital Services Act (DSA), ce règlement européen visant à encadrer les activités des plateformes les plus importantes. « L’esprit de la loi est clair : tout ce qui est interdit dans la vie “physique” l’est désormais aussi dans la vie numérique », avait-il prévenu. Et de se féliciter : « Certains pays utilisent abondamment la désinformation pour affaiblir notre démocratie. On l’a vécu et on le vit tous les jours en Europe, notamment à l’occasion d’elections nationales. Nous serons donc très attentifs pendant les élections européennes. Le DSA nous aidera à mieux contrôler ce point. »
Entré en vigueur le 25 août 2023, moins d’un an avant les élections européennes, le DSA tombe à pic. De quoi faire entrer dans le rang les éventuels oiseaux de mauvais augure. Elon Musk, de son côté, ne compte pas céder aux diktats bruxellois et souhaite faire de X un espace de liberté. C’en est trop pour l’UE, laquelle ouvre une enquête fin 2023 contre la plateforme pour désinformation. En parallèle, Thierry Breton profite de la guerre en Ukraine pour avancer ses pions en bon fédéraliste. Pour soutenir l’agressé, le commissaire européen suggère la création d’un fonds de défense de 100 milliards d’euros. De la campagne pour le « oui » au référendum de 2005 pour la Constitution européenne à ses cris en faveur de plus de solidarité européenne, Thierry Breton n’a pas dévié de sa ligne europhile et a bien l’intention de vouloir être calife européen à la place du calife. ■
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Portrait fade et sans relief, assez peu digne du personnage. On le dirait expurgé de ce qui le rendrait « parlant ». Par exemple : dettes ou pas dettes ? On aimerait des chiffres …
Je tique aussi sur ce tour de phrase qui, sous des formes variées, se répand dans la langue de nos verbocrates et plumocrates : » l’intention de vouloir être calife »
On trouve, par exemple de nombreux « permission de pouvoir », « possibilité de pouvoir »… ou, comme dans un miroir, « ça va pouvoir permettre »