Par Philippe Mesnard.
Le ministre Bruno Le Maire sort un livre pour nous exhorter à une austérité qu’il n’a jamais pensée ni mise en œuvre : c’est sans doute le printemps qui lui donne ces belles idées de sévérité consentie.
Marlène Schiappa, qui n’est plus ministre mais associée dans le cabinet Tilder à qui elle apporte « son expertise des stratégies de communication, d’engagement sociétal, de gestion de crise [on la croit en effet experte] et du débat public » va sortir un livre chez Fayard (qui se targue d’être un éditeur prestigieux…) dans le genre new romance, dans lequel « l’amour et le sexe sont les deux axes principaux autour desquels la trame narrative s’articule », un peu comme austérité et responsabilité s’articulent dans le cerveau de Bruno. Quant à Olivier Véran, qui se définit comme faisant partie « de ce centre gauche urbain, jeune, que d’aucuns qualifieraient de “bobo” », voilà qu’il se lance dans la chirurgie esthétique à la clinique des Champs Élysées. La clinique pratique l’épaississement et l’allongement du pénis mais le député Véran jure qu’il ne touchera aucun gland (il a déjà donné comme porte-parole du gouvernement) ; mais que vaut la parole de Véran, sans parler de celle d’un député ? Il précise que « c’est quelque chose qui ne doit pas être dénigré » car « 15 % de la population adulte française a recours à des soins de médecine esthétique ».
Voilà, on a une macronie qui fait de la politique pour adultes, avec la femme du président en couverture de Madame Figaro et le président en ticheurte sur Instagram, biscotto avantageux et saillant, droit sorti d’un fantasme de Marlène, pour émoustiller les vieilles troupes à la salacité un peu endormie par les annonces un peu tue-l’amour des déficits records et de l’austérité à venir. 15 %, c’est à peu près la base électorale de Macron, constitués de gens riches et satisfaits d’eux-mêmes – c’est eux qui le disent, et ils le sont sans doute encore plus grâce à la médecine esthétique – qui pensent systématiquement à rebours du reste de la population.
On bousille les tabous bien balisés
La politique pour adultes, c’est comme les films et les livres du même genre : on “casse les codes” selon des formules bien établies, on transgresse les interdits déjà tolérés, on bousille les tabous bien balisés, on dit des saletés qui excitent le bourgeois et on fait du fric qui revient aux bourgeois, sur le dos des crétins, des ignorants et des malheureux. On appauvrit les Français et on parle d’augmenter les impôts, on ferme les centres de soins palliatifs, comme celui de Houdan, et on vante l’euthanasie, on jure aux soldats, au Mali ! en mai 2017, qu’on sera « un chef exigeant, lucide, toujours présent » et on ajoute « Je ne risquerai pas vos vies pour rien ». Frémissement de plaisir chez les macronistes, voilà que le jeune Jupiter se saisissait des foudres ! Depuis, plus d’Afrique, moins de crédits, une politique industrielle militaire aberrante, un état des stocks pitoyable, des dons inconséquents, des attitudes de rodomont : l’armée n’est mobilisée que pour satisfaire la macabre assuétude aux hommages nationaux du président.
Ou, pire, pour ranimer la flamme chez les partisans qui rêvent de beaux massacres héroïques et brutaux, pour affirmer que la France est bien « fidèle à son héritage, pays phare de l’humanité », on agite notre armée sous le nez des Russes comme si le rôle de la France était de rallumer la guerre dans toute l’Europe comme aux glorieuses heures de la Révolution et de l’Empire – avec les succès qu’on sait. Les adultes aiment bien, dans leurs salons, arborer des drapeaux virtuels sur leurs écrans pendant que les enfants des autres, ceux qui ne sont ni cadres expatriés ni fondateur de starteupes ni gérants de fonds, crapahutent sur les Territoires d’Opérations Extérieures, source formidable de narratifs enthousiasmants ; et d’hommages nationaux où le président pourra arborer la mine tragique et sévère de celui qui assume et porte, bien plus que tous leurs parents, et bien mieux, le deuil de ces enfants de France.
La politique pour adultes, c’est celle d’un président qui nous dit et redit depuis janvier 2017 qu’il faut « penser printemps » (« un penser d’engagé, de passionné, d’acteur » : mesurait-il alors comment nous relirions ça aujourd’hui ?) et qui a l’air de croire sincèrement que la guerre, l’avortement, l’euthanasie et la misère sont les fruits que le peuple espère. ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.