Par Étienne de Montéty.
Cet éditorial est paru dans le Figaro d’hier. À dire le vrai, il a retenu notre attention à cause des vers d’Aragon qui y sont opportunément cités. Deux alexandrins nous semble-t-il, qui confèrent au texte d’Étienne de Montéty une originalité, une vigueur et une ampleur, qui sans eux lui eussent sans-doute manqué. Aragon patriote et même barrésien. Maurrassien aussi si on le relie aux superbes vers de Maurras que Gérard Leclerc nous a fait découvrir il y a quelques années, extraits de cette Ode à la bataille de la Marne qu’Apollinaire aimait. Lisez-les, ces vers, chers lecteurs de JSF en cliquant ici. Que Notre-Dame réunisse à ses pieds Louis Aragon et Charles Maurras n’est pas le moindre de ses « miracles ».
Aragon : « Quelle belle Marie aux couleurs naturelles dort sous les cieux français de nos fausses querelles. »
ÉDITORIAL – Déjà toute la France a les yeux fixés sur le 8 décembre prochain. Ce jour-là, Notre-Dame, immaculée, aura retrouvé sa charpente, sa flèche et la splendeur de ses pierres.
Qui pourrait oublier? Il y a cinq ans, Notre-Dame fut une nuit durant la proie des flammes, suscitant l’émotion des Parisiens, des Français et, in fine, du monde entier. À quelque chose malheur est bon: cet événement a suscité des élans inattendus. D’abord nos compatriotes ont réalisé à quel point ils tenaient à elle ; la cathédrale leur était si familière qu’ils ne la regardaient plus. Mais en la contemplant affligés, telle un vieux vaisseau calciné, chacun sut qu’elle n’était pas seulement un joyau touristique mais recelait par sa beauté, son ancienneté, son caractère sacré aussi, une part de l’âme de notre pays – c’est-à-dire de la sienne.
Ensuite les artisans, les compagnons, tous les corps de métiers engagés pour la reconstruction ont rivalisé d’énergie et de savoir-faire. Ils se sont attelés aux travaux comme si c’était l’œuvre de leur vie. Au passage, le chantier leur a permis de découvrir l’ampleur du génie de leurs grands anciens qui, sans moyens modernes, avaient conçu l’édifice. Souvent ils ont admis qu’ils ne feraient pas mieux, alors ils ont décidé de faire aussi bien. Ce n’est pas la moindre des conséquences heureuses de ce funeste événement.
Déjà toute la France a les yeux fixés sur le 8 décembre prochain. Ce jour-là, Notre-Dame, immaculée, aura retrouvé sa charpente, sa flèche et la splendeur de ses pierres. Et chacun pourra l’admirer en murmurant avec Aragon: «Quelle belle Marie aux couleurs naturelles dort sous les cieux français de nos fausses querelles.»
Restent encore quelques ouvrages à parfaire, des vitraux à inventer, du mobilier liturgique à remplacer, qui devront respecter la personnalité du lieu et la foi des fidèles. Ceux-ci attendent cette réouverture avec joie: elle est comme un symbole de leur espérance, fondée sur le mystère d’une mort vaincue par la résurrection. Mais ce regain n’est pas réservé aux chrétiens.
L’incendie avait d’abord plongé les Français dans un grand accablement, comme s’ils avaient vu dans la fournaise un sombre présage pour leur avenir. Puisse la renaissance de Notre-Dame sonner dans le cœur de tous la diane française – le réveil d’un entrain, d’un enthousiasme, – et qui sait – d’un optimisme. ■
« Donnez-moi une cathédrale pour à voix haute y dire
Ce que je porte en moi comme un enfant qui ne bouge pas encore
(…)
Une cathédrale par pitié de ce qui demande à naître
Une cathédrale pour mon royaume. »
Aragon
Extraits de l’an deux mille n’aura pas lieu, cité par Georges Sadoul dans son livre sur Aragon