Cette chronique qui se veut ironique – et qui l’est, fourmillant d’idées saugrenues et drôles – est parue dans Le Figaro du 15 avril. Avouons-le tout net, tout franchement : Raphaël Glucksmann incarne à lui tout seul à peu près tout ce que nous n’aimons pas. Gauche Caviar, euro-mondialisme, immigrationnisme, conjoint d’une « femme puissante » de l’univers médiatique le plus gauchard, attitudes geignardes, victimaires, pleurnichardes en diable… Etc. La chronique de Samuel Fitoussi fait montre d’ironie rafraichissante. Nous la livrons au lecteur de JSF pour qu’il en fasse la critique, si bon lui semble. Bonne lecture !
CHRONIQUE – Chaque semaine, pour Le Figaro, Samuel Fitoussi pose son regard ironique sur l’actualité. Aujourd’hui, il brosse le portrait type de ceux qui pourraient se laisser tenter par Raphaël Glucksmann aux élections européennes.
L’intellectuel qui «reste de gauche». Cet homme de gauche est résolument engagé contre… la gauche. S’il a un certain âge, il l’est depuis plusieurs décennies. Dans les années 1960, 1970 et 1980, il déplorait les compromissions de la gauche avec des régimes totalitaires meurtriers, son aveuglement envers Mao, Staline, Pol Pot, Fidel Castro… En 1981, il critiquait le programme commun, son irréalisme économique, les nationalisations qu’il impliquait. Depuis 1989 et l’affaire des foulards de Creil, il reproche à la gauche d’avoir abandonné la laïcité, d’avoir renié les Lumières, d’abdiquer face à l’obscurantisme islamiste. Depuis 2011 et la fameuse note Terra Nova, il l’accuse de verser dans le clientélisme et le communautarisme, d’abandonner l’universalisme. Et pourtant, pas question pour lui de voter à droite, car il n’en démord pas : il reste de gauche. D’ailleurs, c’est la gauche qui n’est plus de gauche. Il se bat donc (et continuera aussi longtemps qu’il vivra) pour la reconstruction d’une « vraie » gauche, d’une gauche « républicaine », c’est-à-dire d’une droite qui porterait l’étiquette « gauche ». Aujourd’hui, son espoir a un nom : Raphaël Glucksmann.
Le professeur de «nouveaux médias» à Sciences Po. Extralucide, il sait que la République est en danger de mort. En danger de mort, car la liberté d’expression la menace. Les chaînes d’info en continu, qui jouent sur les peurs pour faire de l’audience, attisent les crispations identitaires et font le jeu de l’extrême droite. (Ce professeur souffre notamment d’une maladie nouvelle : la Pascal Praud-anxiété.) Les réseaux sociaux, eux, alimentent les fake news, que les Français, naïfs, avalent. (Ce professeur souffre aussi d’Elon Musk-anxiété, les deux maladies vont souvent de pair.) Mais il en a l’intime conviction : c’est quand un pays est au bord du gouffre qu’émergent des hommes d’État, ceux de la trempe de Lionel Jospin. Et si, en 2024, Raphaël Glucksmann était cet homme ? (Ce professeur est désormais suspendu par Sciences Po, après avoir été dénoncé pour son utilisation problématique de l’expression sexiste « homme d’État ».)
Le professeur de l’Éducation nationale. Issu d’une famille marxiste (sa mère vote désormais RN sans révéler à son mari qu’elle vote RN, et vice versa), il est resté, via son engagement syndicaliste, ancré à gauche. Il éprouve cependant une certaine antipathie pour l’électorat LFI, qui, en classe, menace régulièrement de lui couper la tête. Il votera donc pour Raphaël Glucksmann.
Le citoyen peu politisé. Il n’a aucune opinion forte. Mais il écoute France Inter. Et fera ce qu’on lui dit.
L’électeur macroniste qui éprouve un désir de changement. Il a décidé de voter pour un parti situé à la gauche de celui qui gouverne le pays depuis sept ans. Il pense donc que la France manque de deux choses : de dépense publique et d’immigration.
La journaliste du service public. Elle baigne dans le gauchisme culturel depuis plusieurs décennies, épouse chacune des causes progressistes à la mode. Elle a néanmoins une petite réticence à voter LFI, car elle sent intuitivement que l’intersectionnalité a quelques impasses. La fascination de LFI pour l’islam, se dit-elle sagement, pourrait à terme menacer la bonne tenue des cours d’éducation sexuelle en CE1. Quant à l’interdiction du droit au blasphème, elle pourrait nuire à Guillaume Meurice, qui ne pourra plus se moquer du christianisme.
La jeune bobo. Après une licence à Sciences Po Reims (Sciences Po Paris délocalisé, corrige-t-elle), un master d’affaires publiques, des choix de vie courageux (elle a été végétarienne de décembre 2022 à janvier 2023) et un stage à la Commission européenne, elle s’est engagée dans l’équipe de campagne de Raphaël Glucksmann, dont elle apprécie l’engagement pour les ouïgours sur Instagram. Soucieuse de se distinguer intellectuellement, elle ne pourra jamais voter LFI ; elle est en cela semblable à l’électeur parisien diplômé qui vote avec enthousiasme pour Éric Zemmour, mais ne votera jamais pour le RN. Elle adhère à beaucoup de croyances de luxe, c’est-à-dire à des croyances qui lui permettent de se positionner socialement, et dont elle est protégée des conséquences. Elle souhaite augmenter l’immigration (elle n’est ni juive à Sarcelles, ni professeur dans un collège en Seine-Saint-Denis) ; elle souhaite obliger les plateformes à réguler les discours (ce n’est pas elle qui tiendra un jour une opinion non consensuelle) ; elle s’oppose à la sélection à l’université (ayant à la fois un réseau et un capital culturel, elle n’est pas de ceux qui n’ont que leur travail et leur intelligence pour se distinguer) ; elle prône la décroissance (elle ne connaît pas les difficultés de fin de mois), etc.
L’électeur macroniste qui se sent trahi par le macronisme. Récemment, il a entendu un ministre dire « tous » plutôt que des « toutes et tous ». Le dérapage de trop.
Le téléspectateur addict à LCI. Tous les candidats sauf Raphaël Glucksmann sont selon lui des poutinôlatres.
NDLR : l’union de toutes ces sociologies devrait permettre à Raphaël Glucksmann d’atteindre un score de 6 %. ■
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