Un « mini dossier » en 6 parties, publié au fil de la semaine en cours. Analyses et propositions spécialement opportunes alors que deux conceptions du monde vont s’affronter dans la campagne des élections européennes.
Par Rémi Hugues.
La lutte de classe est de retour, les « gros » nʼayant jamais cessé de guerroyer, mais les « petits » sʼétant mis à répliquer face aux offensives du Capital. La France souverainiste, cʼest lʼaddition de la Manif pour tous et des Gilets jaunes. Cʼest la population dénigrée par les représentations médiatiques et culturelles du Pays légal : les élites mondialisées dépeignent ces perdants matériels et symboliques de la globalisation en Le Quesnoy ou en Dupont-Lajoie, en réacsʼ coincés ou en beaufs racistes…
La communauté sociale contre la société de consommation
Celui qui veut conquérir le cœur de ces Français devra conjuguer attachement aux principes prévalant dans une société traditionnelle – Vie, Famille, Patrimoine, Hiérarchie – et souci de la justice sociale – Protection, Travail, Sécurité, Solidarité –, tout en développant un discours de réhabilitation de lʼesprit communautaire, ce lien social mécanique que décrivait Émile Durkheim. (Photo)
Face aux libéraux qui entendent ériger en valeurs suprêmes les rapports marchands et lʼindividualité, il sʼagit dʼassocier équité et efficacité. Poser le primat du collectif ne doit pas pour autant avoir pour effet de brider lʼinitiative entrepreneuriale, il doit au contraire la favoriser. La production économique résulte nécessairement dʼinteractions sociales multiples, lesquelles, si elles se tissent dans un climat de confiance, que peut dégrader le sentiment dʼinsécurité physique (que stimule lʼaccroissement de la délinquance et de la criminalité) et culturel (occasionné par un stress ethnique lié au « grand remplacement » en cours), tendent à optimiser la performance au travail et donc la compétitivité.
Mais dʼailleurs, comme lʼexplique Jean Baudrillard, tordant le cou au mythe individualiste du self-made-man, lʼaction entrepreneuriale relève bien plus dʼune dimension collective quʼindiviudelle : « La vérité de la consommation, cʼest quʼelle est non une fonction de jouissance, mais une fonction de production – et donc, tout comme la production matérielle, une fonction non pas individuelle, mais immédiatement et totalement collective. »[1]
Dʼoù lʼimportance de la frontière, de lʼincitation à la mise en place de circuits-courts, dʼune politique économique appelée localisme, comme projet alternatif au libre-échange. Ainsi le souverainisme nʼest pas indissociable de lʼécologie. Au contraire, il nʼy a rien de plus écologiste que de vouloir enrayer le processus de légitimation de la libre-circulation des êtres humains, des marchandises et des capitaux.
Pas dʼécologie sans frontières
Lʼécologie sérieuse nʼest pas tant un rempart au fantasmatique réchauffement climatique que lʼeffort permanent qui vise la construction dʼun nouveau système de développement politique, économique et social différent du projet dʼédification dʼun système-monde, cʼest-à-dire un État-monde, dʼune gouvernance mondiale.
Or le mondialisme concrètement existant, se déployant à partir des mégalopoles New-York, Washington, San Francisco, Los Angeles, Londres, Paris, Singapour, Tokyo, Hong-Kong et Shangaï, aspire à se constituer un centre qui deviendrait le nombril de la terre. Ce cœur planétaire cʼest Jérusalem. Le mondialisme, en pratique, géographiquement parlant, manœuvre pour faire de Sion, synecdoque de la ville que les Judéens prirent au Jébuséens, la capitale du monde. Il suffit de prendre connaissance des écrits de Gideon Rachman, éditorialiste pour le Financial Times chargé des affaires internationales, et de Jacques Attali pour sʼen convaincre.
Vouloir que Jérusalem devienne capitale-monde, la Cité par excellence du « nouveau monde » dont on nous parle tant depuis la victoire de Macron, cʼest poursuivre un but politique : il sʼapelle le sionisme. Son ennemi nʼa dʼautre nom que la nation. Cʼest cela qui explique lʼinterdit absolu qui existe de nos jours quant à la critique du sionisme. Toute critique de celui-ci relèverait de lʼinfâme, de lʼantisémitisme : la parole présidentielle était là pour nous le rappeler en février 2019. Cʼest pourquoi le souverainisme es incompatible avec le sionisme. Celui-ci nʼest pas miscible dans celui-là.
Depuis quʼelle existe, en réalité, soutient Jean Baudrillard, la « société de consommation se veut comme une Jérusalem encerclée, riche et menacée, cʼest là son idéologie. »[2] Sur la défensive, Jérusalem, ou Sion, attaque pour mieux se protéger, par lʼanathème et la diffamation. Elle est lieu en même temps phyique et symbolique de la société-monde de la consommation.(À suivre, demain mardi) ■
[1]Jean Baudrillard, La société de consommation, Paris, Denoël, 1970, p. 109.
[2]Ibid., p. 35.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Les mythes se « bricolent » remarquait Lévi-Strauss. Que le grand thème judéo-chrétien de la « Jérusalem céleste » ait été récupéré par les idéologues mondialistes (comme par bien d’autres idéologies), c’est certain. Comme est certain que ce mythe pouvait être au centre des rêves des fondateurs du nouvel Israël.
Mais de là, à opposer le sionisme au souverainisme, il y a un grand pas à franchir.
Car dans la réalité historique, Israël a échappé à ses fondateurs, athées, socialistes, « bundistes », et fonctionne comme un état presque normal à l’identité. Il est peuplé de sépharades et de croyants et les partis « religieux » ont de plus en plus d’importance.
Comme le pensaient Xavier Vallat ou Pierre Boutang, l’existence d’Israël arrache les Juifs à leur errance de nomades déracinés et leur donne conscience de l’importance des frontières.
@Michel Michel : C’est exactement ce que je pense et que je viens d’écrire en message privé à JSF.
Tu vois que tu m’as bien enseigné, et que sur soixante ans de distance (1963, oui !!, mon premier cercle d’études sous ta direction) je continue à penser clair, comme tu me l’as appris. (Marcher droit, c’est moins certain !).
Je partage l’avis de Michel Michel et Pierre Builly et j’ajoute que l’on pourrait dire la même chose des USA, dont la fondation fut douteuse (partagée entre défense des traditions anglaises et mise en œuvre du programme des « Philosophes ») mais dont l’existence a montré qu’elle pouvait être garante des traditions et des libertés nationales, fût-ce, hélas, au détriment des autres nations.