Par José D’ARRIGO.
La recension d’un journaliste à propos d’un livre qui traite d’un sujet controversé ayant fait l’objet d’un récent et riche débat dans la Cité phocéenne.
Lorsqu’on évoque un sujet très controversé, comme celui de la franc-maçonnerie en France et ses liaisons dangereuses avec la politique, il convient à mon avis de séparer en toute objectivité deux types de francs-maçons : ceux qui adhèrent à une obédience maçonnique, quelle qu’elle soit, par conviction et parce qu’ils sont en quête d’une spiritualité laïque en vue d’améliorer le sort de l’humanité et ceux qui choisissent d’être initiés par intérêt personnel pour obtenir tel ou tel avantage professionnel ou social grâce à un salutaire « coup de piston ».
Il est clair que Serge Abad-Gallardo, auteur du livre : « Franc-maçonnerie et politique : les liaisons dangereuses » a connu ces deux aspects de la religion maçonnique puisqu’il en a été un vénérable maître puis un haut gradé dans la hiérarchie des dignitaires de sa Loge durant trente ans. Un beau matin, par la grâce de la vierge Marie, il a retrouvé la foi catholique et a décidé d’abjurer tout son passé maçonnique. Il a alors écrit plusieurs livres pour dénoncer ce qu’il considère désormais comme une secte religieuse luciférienne. Il s’agit donc, pour un observateur neutre, de bien comprendre que les arguments de M. Abad-Gallardo sont perçus comme des preuves formelles par ceux qui rejettent la franc-maçonnerie et comme des opinions suspectes par ceux qui en font partie et considèrent leur ancien « frère » comme un renégat.
Moyennant quoi, la visio-conférence donnée par M. Abad-Gallardo samedi 13 avril pour les membres de l’association des anciens combattants et amis de la Légion Etrangère a été fascinante. Pourquoi ? Parce que les « profanes », c’est-à-dire ceux qui n’ont jamais été initiés à un rite maçonnique, sont captivés par le secret qui entoure les réunions rituelles appelées les « tenues » au cours desquelles s’élaborent certaines lois de la République dans le dos des partis politiques dûment mandatés à cet effet. Ce qui attise la curiosité du public, c’est l’attrait du mystère et surtout cette puissance, réelle ou supposée, du monde maçonnique qui ne regroupe que 156 000 adeptes en France mais compte 35 pour cent de membres parmi nos parlementaires députés ou sénateurs. Une minorité agissante au mépris de la démocratie.
Le Grand Orient de France, obédience majoritairement socialiste ou de centre-gauche, regroupe 50 000 membres et de nombreux ministres très influents en ont fait partie depuis la naissance de la République, la Grande Loge Nationale de France et la Grande Loge de France comptent chacune 30 000 membres, le Droit Humain 17 000 membres et la Grande Loge Féminine 12 000 membres, de petites obédiences marginales se partageant les quelques milliers d’adhérents restants.
Interrogé par le lieutenant-colonel Constantin Lianos, dynamique président de l’association, qui, soit dit en passant, ne craint pas d’aborder de front les sujets les plus tabous, M. Abad-Gallardo a expliqué que l’appartenance à une obédience est incompatible avec la religion catholique ou toute autre religion, de la même façon qu’on ne peut pas adhérer à deux partis politiques à la fois. Pour lui, le franc-maçon est « un ennemi de Dieu » qui « s’infiltre dans tous les corps constitués » pour être l’instrument caché de la politique.
M. Abad-Gallardo estime que la maçonnerie est « l’Eglise de l’hérésie » dont la « doctrine parasitaire » se propose d’élever les individus par un travail sur soi. Les francs-maçons croient au « Grand Architecte de l’Univers », une sorte de Dieu laïque qui permet de faire croire aux adhérents de la Grande Loge Nationale Française que les fidèles de la religion catholique sont les bienvenus en loge. « C’est clairement une tromperie manifeste destinée à recruter un grand nombre de personnes dans les rangs des catholiques », juge le conférencier.
M. Abad-Gallardo a alors décrit les nombreuses doctrines ésotériques ou impénétrables, les alchimies secrètes telles que l’hermétisme ou l’occultisme, qui viendraient ripoliner une devanture ternie par la suspicion. Il a dénoncé ce qu’il estime être une « inversion des valeurs» et un entrisme révolutionnaire en vertu duquel il conviendrait de « faire table rase du passé» pour anéantir la société patriarcale et nationale. Les Loges prôneraient ainsi la désobéissance et l’insubordination pour détruire notre société et la remplacer par un humanisme incompatible avec la vérité universelle.
Les maçons seraient des partisans d’une nouvelle gouvernance mondiale impliquant la disparition des nations et l’avènement d’une fraternité utopique. « Ce sont eux qui sont à l’origine des bouleversements sociétaux qui ont ébranlé la société française avec le divorce, la suppression de la peine de mort, l’avortement constitutionnalisé, le développement de la crémation, la laïcité d’exclusion, l’hermaphrodisme, le mariage pour tous et bientôt l’euthanasie qui n’est rien d’autre qu’un assassinat assisté, comme l’a souligné fort justement le lieutenant-colonel Lianos.
M. Abad-Gallardo a ensuite brillamment répondu aux questions qui lui étaient posées en réaffirmant que les francs-maçons « nourrissent une haine féroce de l’Eglise catholique» et qu’ils ont juré sa perte. Il n’a pas non plus caché que les présidents Mitterrand et Hollande étaient entourés d’une nuée de francs-maçons qui ont infiltré quasiment tous les corps de l’Etat « aux premières loges », dans la police, l’armée, le barreau, la justice, les partis politiques, le gouvernement, les syndicats, la poste, la recherche, les DOM-TOM, les Régions, les départements, les mutuelles, les entreprises nationalisées, etc.
Dans ce maelstrom qui fleure à plein nez le trafic d’influence, le président Macron a choisi une cérémonie d’intronisation devant la pyramide du Louvre qui évoque clairement le rite maçonnique.
Mais est-il lui-même initié à un rite maçonnique, comme souhaitait l’être Valéry Giscard d’Estaing sans jamais avoir franchi le cap de cette « abomination » ? Nul ne le sait vraiment. Peut-être l’est-il et « en même temps » ne l’est-il pas… ■
José D’Arrigo est journaliste professionnel depuis le 1er février 1973. Il a longtemps écrit pour Le Méridional, et pour le Figaro. Il est aussi auteur d’ouvrages sur la mafia marseillaise et biographe de Zampa. Depuis 2020, il est rédacteur en chef honoraire du Méridional.