Par Gauthier Le Bret.
COMMENTAIRE JSF – Le camp macroniste tente de conjurer la perspective persistante et grandissante de sa déroute aux européennes du 9 juin, soit sous le délai d’un gros mois. Le JDD s’essaie à « décrypter » les dessous du débat « imminent », évidemment très médiatique, Jordan Bardella – Gabriel Attal. Le camp européiste tremble passablement depuis qu’Emmanuel Macron lui a signifié que l’entreprise commune est « mortelle ». Ce qui veut dire que l’est surtout l’énorme technostructure bruxelloise… Déjà Ursula von der Leyen, nous apprend aussi le JDD de ce jour, se dit prête à une alliance avec Giorgia Meloni au lendemain du 9 juin. Perspective à suivre sous le signe du seul patriotisme français !
La main d’Emmanuel Macron pèse lourdement sur le débat imminent entre Gabriel Attal et Jordan Bardella. Le Premier ministre, qui jusqu’alors se limitait à l’idée d’une confrontation directe avec Marine Le Pen, se trouve maintenant dans l’obligation de monter sur le ring face au président du RN.
Gabriel Attal change d’avis sous la pression d’Emmanuel Macron. Le Premier ministre refusait jusqu’ici de débattre avec Jordan Bardella. Une ministre influente de la majorité reconnaissait que cela n’aurait qu’un effet : valoriser le président du RN. « Pourquoi débattre avec lui et pas avec tous les autres ? Et puis, cela ne serait pas bon pour l’image de Valérie Hayer », interrogeait-elle, sachant que Valérie Hayer – qui débattra tout de même face à Jordan Bardella ce jeudi soir – se retrouvera sur le banc de touche ce soir-là.
Et si cette envie de débat ne venait pas de Matignon, mais de l’Élysée ? Emmanuel Macron reproche depuis plusieurs semaines à Gabriel Attal de ne pas s’impliquer suffisamment dans la campagne des européennes. Il a fait le meeting de lancement de Valérie Hayer… et c’est tout. Le Premier ministre va donc entrer dans l’arène après avoir reçu le feu vert du président, qui semble plus enthousiaste que lui, à l’image de leur entourage…
Dans la garde rapprochée d’Emmanuel Macron, on se félicitait hier de cette initiative. « Si j’étais Jordan Bardella, je n’irais pas ; je pense qu’il va se défiler », se persuadait un fidèle. « Il faut l’attaquer d’emblée à la hache. Montrer qui il est. Gabriel va le plier. »
L’enthousiasme n’était pas du tout le même à Matignon hier. « Aucune confirmation ? » Comment ça, aucune confirmation ? L’Élysée reconnaît qu’il y a eu un feu vert… Alors l’entourage du Premier ministre est forcé de reconnaître : « Nous ferons un débat, mais le moment venu. » Bref, ce n’est pas la joie rue de Varenne. Car Gabriel Attal s’y était toujours refusé, expliquant qu’il n’était ni chef de parti ni tête de liste. Cela lui permettait aussi de ne pas trop s’exposer.
Au RN, un très proche de Jordan Bardella jubile : « La fébrilité de Gabriel Attal se révèle au grand jour après des mois de débâcle à Matignon et une candidate qui ne décolle pas. Il y a zéro effet Attal et encore moins d’effet Hayer. » On prévient le Premier ministre : « Il s’engage dans la campagne, il faudra qu’il en tire toutes les conclusions. C’est un nouveau fusible pour Macron. Nous sommes ravis. »
Le style « très chiraquien » de Bardella
Personnellement, Jordan Bardella a plus à gagner que Gabriel Attal. Cela va renforcer son statut ; il est désormais perçu au niveau d’un Premier ministre. À l’Élysée, on note d’ailleurs son changement de style très chiraquien : « Le message, c’est “je suis présidentiable”. » Et dans les couloirs du palais, certains prédisent une candidature dès 2027. Donc, pour son image, c’est très bénéfique. Et ce n’est pas pour rien s’il était celui qui demandait ce débat.
Gabriel Attal, lui, n’a rien à y gagner personnellement, mais il peut améliorer la situation pour son camp. L’écart se creuse entre Bardella et Hayer. Ce débat va éclipser tous les autres candidats, y compris le tant redouté Raphaël Glucksmann. L’objectif est double : affaiblir Bardella, rendre Glucksmann invisible et récupérer des électeurs sociaux-démocrates. Gabriel Attal ira à reculons à ce débat, mais il y participera, se faisant une raison, et peut-être en comprenant que son destin est aussi lié au score de Renaissance le 9 juin prochain. ■