Tentons d’être brefs et si possible sans ces tirades toutes faites qui ôtent beaucoup de leur crédibilité aux comptes-rendus louangeurs… Le colloque organisé par l’AF, samedi 11, veille du Cortège Traditionnel de Jeanne d’Arc, a été réussi, non pas tant par le nombre des participants, en fin d’un long weekend de 5 jours, en tout cas par l’incontestable qualité des interventions, l’intensité de l’attention de l’assistance, la pertinence des questions. On ne peut en évoquer la substance qu’à très grands traits.
Interrogé par Francis Venciton, Rémy Brague, en ouverture a magistralement démenti que l’existence de l’Europe puisse être mise en doute. Qu’elle ne soit pas une entité politique ou juridique constituée est une évidence. Elle se fonde néanmoins sur un héritage commun dont les sources – plutôt que les racines – sont grecques, réappropriées par Rome, et bibliques, à leur tour réappropriées par le catholicisme latin ou grec. Et Rémy Brague d’insister sur l’idée qu’il ne suffit pas de se réclamer de l’héritage européen, ni d’invoquer ses racines. Il faut puiser à ses sources de façon active. Et sans cesse se les réapproprier.
Jean-Luc Coronel de Boissezon a ensuite analysé avec beaucoup de clarté et de précision, l’entrelacs de normes de tous ordres, techniques, juridiques, et, finalement idéologiques, par lesquelles la technostructure et les juges « européens » – qui n’émettent pas de lois – enserrent les États, les professions, les peuples et les familles appelées à se conformer à cette « éthique » d’un Homme nouveau dont l’Union Européenne est l’instrument.
C’est ensuite à une description très précise des règles et organes constitutifs des structures de l’U.E. que s’est livré Christophe Réveillard, montrant que les décisions n’y sont pas prises en fonction des suffrages des peuples, à l’occasion des élections du parlement européen, mais selon des calculs mathématiques complexes effectués de telle sorte que, quelles que soient les majorités au Parlement, la ligne politique de l’UE et sa vocation supranationale restent invariantes. Christophe Réveillard en conclut pour sa part qu’aucune réforme intérieure de telles institutions n’est possible et que le Frexit est donc la seule solution. Telle, se risque-t-il à dire, que la propose François Asselineau.
Tel n’a pas été l’avis de Paul-Marie Coûteaux au cours de la table ronde animée par Philippe Mesnard, par laquelle devait se terminer ce colloque. Paul-Marie Coûteaux pense qu’il est tout à fait inutile de voter le 9 juin ou de se faire des illusions sur le résultat à en attendre puisqu’il ne changera rien. Mais il diverge de l’opinion des deux autres participants à cet échange – Rodolphe Cart et Axel Tisserand – puisqu’il ne croit guère au risque d’un succès final de l’entreprise fédéraliste européenne. Elle est, pour lui, artificielle, vouée à l’échec, et nous lui sommes soumis parce que, pour l’instant, nous le voulons bien. Pour lui, les vraies questions sont ailleurs : notre démographie et l’effondrement de notre imaginaire français, de notre culture, colonisée d’outre-Atlantique.
Coûteaux parie sur la pérennité des peuples et des nations anciennes qui, en fait, « tiennent le coup ». Ce n’est l’avis ni de Philippe Mesnard, ni de Rodolphe Cart, pour qui le combat électoral s’impose de façon claire dans le court terme. Axel Tisserand tente une synthèse entre les deux positions : Paul-Marie Coûteaux raisonne pour le long terme en pariant sur la survie des nations (« Les œufs durs » selon la formule gaullienne) mais les avancées fédéralistes de l’U.E. qui affaiblissent la France, exigent un militantisme actif et engagé.
Tel a été ce colloque résumé à très gros traits. Hilaire de Crémiers devait conclure en appelant à l’amour indéfectible pour notre patrie, la France.
D’accord avec Rémi Brague, sauf sur un point. L’UE est réellement une » entité juridique » méta-étatique, même si ce n’est pas un État. Il suffit de lire le traité de Lisbonne…
D’accord avec PM Coûteaux : il est vain de ferrailler contre l’Europe fédérale car il n’y en aura pas avant longtemps surtout à 27 et plus États membres.
C’est entendu: le parlement européen n’est pas un parlement d’Etat mais un organe de gouvernance européenne. Il s’y fait un travail sérieux mais souvent coupé des espaces politiques nationaux.
Je suis étonné que ce débat se penche apparemment aussi peu sur les conséquences des chocs géopolitiques récents encaissés par l’UE ( COVID, guerre en Ukraine, chocs migratoires). Il suffit de lire les bons auteurs ( tels que Luuk Van Middelaar) pour réaliser que ça oblige à repenser complètement la finalité et l’organisation de l’UE comme entité géopolitique mais aussi comme communauté au sein de laquelle doivent être affrontés les grands enjeux de sécurité civile, militaire et économiques de nos pays.
J’ajoute qu’un catholique est bien placé pour concevoir qu’on ne se dissout pas dans une communauté, on s’y accomplit. C’est vrai des nations comme des personnes. Il faut cesser de penser « union » européenne, une utopie ou un cauchemar, c’est selon, pour repenser » communauté » européenne de nations.