Par Gabrielle Cluzel.
COMMENTAIRE – Cet article de Gabrielle Cluzel est paru le 12 mai dans Boulevard Voltaire. Gabrielle Cluzel qui a du courage, de l’intelligence et de la vigueur, un peu cantonnée à Boulevard Voltaire jusqu’à il y a quelque temps, elle a pris de la hauteur grâce à sa participation à CNews et à sa présence télévisuelle. Et c’est tant mieux. Elle a un talent qui force la sympathie et c’est pour de bonnes causes. Nous n’en dirons pas davantage.
On l’appelle Eurovision, et c’est somme toute un nom bien trouvé : c’est la vision de l’Europe. Une allégorie en musique de ce que nous sommes devenus.
Il y a ses contours toujours plus larges, qui la transforment en Mondiovision : en 1956, lors de la première édition, il y avait sept pays, exclusivement du continent européen. Elle ne cesse, depuis, de s’étendre : Israël, Maroc, Azerbaïdjan, Turquie et même Australie.
Il y a son patrimoine méprisé : cet indicatif légendaire, le prélude du Te Deum de Charpentier, l’alpha de son esthétique musicale. Le contraste est saisissant avec le contenu indigent du spectacle télévisuel lui-même. On espère être arrivé à l’oméga, mais il n’est pas certain que la descente ne se poursuive pas encore un peu.
Il y a ses mantras en forme de vœux pieux auxquels tout le monde fait semblant de croire : « Unis par la musique » sonne aussi creux que « vivre ensemble ». Tellement unis que la candidate israélienne a été conspuée sans que les organisateurs n’y puissent mais. On nous bassine avec l’Europe de la paix, mais ses dirigeants n’ont fait que créer les conditions de la guerre. Et l’antisémitisme, contre lequel ils se targuent de lutter depuis des dizaines d’années, prospère sous leurs yeux écarquillés de lapins paralysés par les phares. Forcément, ils regardaient arriver le danger dans la mauvaise direction, ils sont surpris.
Tout est réglé, n’en parlons plus : le gagnant est neutre. Nemo est un Suisse, non binaire de surcroît : qui dit mieux ? Il ne veut choisir aucun camp, pas même celui annoncé par la sage-femme à sa mère quand il est né. Il est, du reste, arrivé avec, sur scène, avec un drapeau aux couleurs jaune, blanc, violet et noir, celui des non-binaires, comme si c’était sa nouvelle patrie. Exit la croix blanche sur fond rouge. Les « non-cis » ont décidément la cote : en 2014, la drag-queen Conchita Wurst – ne l’appelez pas par son « morinom » Thomas Neuwirth, ce serait la mégenrer – a gagné l’Eurovision au nom de l’Autriche, 16 ans après le trans israélien Dana International. Selon une note de la Haute Autorité de la santé datant de septembre 2022, l’estimation de la population transgenre dépend de la « méthode » et de la « définition ». De fait, celles-ci sont fluctuantes et élastiques : n’oublions pas que Jeanne d’Arc, fêtée ces jours-ci, a été enrôlée à son corps défendant. Parce qu’elle a porté une armure, les cheveux courts, et qu’elle a mené une armée victorieuse au combat, elle ne pourrait pas être une femme ? Une analyse bien misogyne et truffée de stéréotypes sexistes… Mais cette étude officielle estime, néanmoins, « la prévalence moyenne du transgenre à 355 pour 100.000 personnes ». Un bref calcul permet de conclure que, toutes choses égales par ailleurs, ils ne devraient statistiquement remporter l’Eurovision que peu ou prou tous les trois siècles. Or, trois d’entre eux sont arrivés sur le podium depuis 1998. Comme dirait Jean-Michel Aphatie, étonnant, non ? Sans parler du nombre de candidats « trans » dans la sélection. De deux choses l’une : soit les trans sont par essence dotés d’une voix mélodieuse et d’un talent artistique particulièrement développé, soit le jury a un « léger » biais LGBTQI+. Israël a fait une erreur stratégique : ils auraient dû faire revenir Dana International, occasionnant ainsi un court-circuit immédiat dans les cerveaux islamo-wokistes. Rappelons que dès le 11 octobre 2023 (soit quatre jours après le massacre du 7), dans le Club Mediapart, un communiqué du collectif les inverti·e·s intitulé « Les Trans, Pédés, Gouines soutiennent la Palestine ! » expliquait « que la libération des LGBT+ passait par la libération du peuple palestinien » (sic). Trans palestinien serait, pour ainsi dire, à les lire, un oxymore. Reste à connaître l’avis du Hamas sur ce sujet.
Les candidats rivalisent de marques extérieures de vertus pour ce concours de rosières wokistes. Ainsi Bambie Thug, la candidate irlandaise, non binaire aussi, se fait appeler « la sorcière » dans les médias mais se décrit plutôt comme une « popstar queer et gothique ». La très catholique Maureen mariée à Sean Kelly dans l’église de granit des lacs du Connemara doit se retourner dans sa tombe.
Pourquoi personne n’ose dire que l’Eurovision est une supercherie artistique vulgaire, idéologique et grotesque ? Car seuls les enfants voient que le roi est nu, et l’Europe n’en a plus. La dernière fois que la France a remporté l’Eurovision, c’était en 1977, avec L’Oiseau et l’Enfant, de Marie Myriam. L’enfant, on l’a dit, a disparu. Quant à « l’oiseau », si le prétexte de sa protection permet d’enquiquiner les agriculteurs à l’enracinement suspect, il sera aussi bientôt lâché : il mange les vers de terre et les moucherons, ce qui n’est pas très antispéciste.
Reste quand même un pigeon : le téléspectateur français qui finance ces âneries. Rappelons que la France tire gloriole de faire partie des « Big Five » de l’Eurovision, c’est-à-dire les cinq plus gros contributeurs financiers de l’Union européenne de Radio-Télévision. ■