À la fin du siècle dernier, l’observateur lucide et avisé Philippe Muray (1945-2006) vit avant tout le monde se mettre en place chez nous, sous le signe insidieux du politiquement correct anglo-ricain, la société bobocratique, absurde et maladive, sous laquelle nous sommes contraints de vivre à présent. Comme consolation, grâce à la méticuleuse veuve de l’essayiste, Anne Sefrioui, nous pouvons lire maintenant in extenso le journal intime inédit de Muray durant les années 1996-1997 (Belles Lettres, 2024, 392 pages).
De Balzac à Beauvoir, de Le Pen à Lang
Disciple libre de Balzac, Bloy, Bernanos, Céline ou Cioran (Photos, à droite des trois derniers cités) ; en sympathie aussi bien avec Michel Houellebecq qu’ avec l’euro-député souverainiste Paul-Marie Coûteaux ; adversaire déclaré de Beauvoir, Sollers et B-H Lévy ; catholique mais incroyant ; vite traité de « néo-réac » par la gauche parisianiste, Muray, imperturbable, anti-mai 68, nous montre avec une ironie féroce les ravages sociaux et sociétaux de l’Homo festivus, l’Homme festif ; des « mutins de Panurge » ; le coté farcesque des révoltés subventionnés ; il décrit « l’ envie de pénal qui a remplacé l’envie de pénis » ; il pointe la furieuse tyrannie des minorités, notamment sexuelles, à commencer par les ultra-féministes, ennemies premières de la féminité.
Enfin, il décortique rationnellement et non émotionnellement des figures politiques de son époque comme Jean-Marie Le Pen ou Jack Lang. (À droite).
La fin de l’Histoire au niveau des hommes et des femmes
Pour vous mettre en train, chers lecteurs, voici seulement aujourd’hui quelques citations bien frappées du tome VI du Journal intime de Muray en octobre 1996 :
« La fin de l’Histoire, c’est le règne des femmes dans toute son horreur ». « La fin de l’Histoire, c’est la chute des hommes ». « La fin de l’Histoire, c’est les hommes devenus femmes. C’est la féminocratie généralisée ». « l’Histoire : domination de la testostérone, hormone de l’agressivité ». Après l’Histoire : revanche de la progestérone, hormone de la protection ». ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
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Muray a un ancêtre dans la dénonciation du règne des femmes, le Flaubert de la correspondance : « Mais les femmes n’ont aucune idée du Droit. Les meilleures ne se font pas scrupule d’écouter aux portes, de décacheter des lettres, de conseiller et de pratiquer mille petites trahisons etc. Tout cela vient de leur organe. Où l’homme a une Éminence, elles ont un Trou ! Cette éminence-là, c’est la Raison, l’Ordre, la Science, le Phallus-Soleil, et le trou, c’est la nuit, l’humide, le trouble. » On s’étonne que les harpies du néo-féminisme n’aient pas encore demandé l’interdiction des ouvrages de Flaubert, mais sans doute que dans leur semi-inculture, elles ne connaissent pas ces oeuvres.
Le livre de Muray « le XIXe siècle à travers les âges » fut pour moi une révélation. Le progressisme rationaliste a pour autre face l’occultisme, c’est à dire l’occultation de toute la dimension sapientielle. Avec la modernité le sens ne disparaît pas mais il se corrompt. Les « sciences traditionnelles » confiées à des esprits non qualifiés se disloquent en bazar occultiste, l’astrologie des Papes et des Rois devient horoscope pour magazine féminin ; le Sagesse ésotérique devient course aux grades et breloques. Les accès au « surnaturel » (ce qui dans l’homme passe l’homme ») devient exaltation de l’individualisme. Ce changement dans notre culture est peut-être la conséquence du ralliement de l’Eglise d’après le Concile de Trente, au rationalisme cartésien.