Par Arnaud Florac.
Les plus anciens d’entre nous, collaborateurs ou lecteurs de JSF, ont gardé de leur jeunesse le souvenir de cette femme belle, distinguée, énergique, lucide et un rien féroce, qui, avec Edouard Balladur et Pierre Juillet, lorsqu’il voulait bien quitter ses terres et ses moutons, avait gouverné la France du temps où Georges Pompidou se mourrait et luttait contre la maladie non sans courage. C’était la France de la terre et des racines celle des proches de Georges Pompidou, lui-même natif de Montboudif. Il suffit d’un regard porté sur Emmanuel Macron et sur le jeune Attal, pour se convaincre que nous sommes aujourd’hui dans l’ère des poids plumes, des êtres à faible substance ou consistance. Qui seront sans doute balayés comme tels par les épreuves à venir. C’est en tout cas un bel article, véridique et élégant, qu’Arnaud Florac vient de donner dans Boulevard Voltaire au lendemain de la mort de Marie-France Garaud. On pourra le lire ici avec profit. En attendant « la guerre qui vient. »
Elle avait 90 ans et s’était enfoncée, depuis quelques années déjà, dans la nuit cotonneuse d’Alzheimer. Elle avait oublié le monde, mais qu’y aurait-il eu qui fût digne qu’elle s’en souvînt, dans la France de 2024 ? Le monde politique et médiatique, d’ailleurs, l’avait oubliée en retour. Marie-France Garaud vient de mourir, et avec elle disparaît, comme un dernier symbole, tout un pan de la France des Trente Glorieuses.
Née en Poitou peu avant la guerre, elle avait reçu une éducation classique (du latin, du grec, du piano), « chez les sœurs », évidemment, comme Patricia dans Les Tontons flingueurs. Elle garda toute sa vie un côté « bourgeoisie de province » à la fois touchant et rassurant – totalement décomplexé, en tous les cas. Mariée jeune, deux enfants, un petit château dans les Deux-Sèvres, Marie-Françoise Quintard, épouse Garaud, aurait pu se satisfaire d’une vie ronronnante et sympathique, avec des dîners et des chasses, deux ou trois moments de grâce ou de douleur, et une mort paisible au-dessous d’un crucifix sombre dans un lit ancestral. Cela aurait été bien dommage. Marie-France Garaud, mécanique intellectuelle de premier ordre, était une femme de tête dans un monde politique très masculin, un monde de machos qui vivaient sur des prérogatives médiévales en ayant cessé de les mériter.
Avocate à Poitiers, puis assistante parlementaire de son ancien prof de droit, elle commence à accomplir son destin en 1969, quand Pompidou accède au pouvoir et que, forte d’un livre biographique qu’elle avait écrit pour le lancer, elle devient sa conseillère de l’ombre. Elle avait rencontré, deux ans plus tôt, un certain Pierre Juillet, très provincial lui aussi, au sens le plus noble du terme. Juillet, le chasseur qui fumait la pipe, Garaud, la flingueuse aux rangs de perle : ces deux-là porteront à bout de bras la campagne de Valéry Giscard d’Estaing, puis prendront sous leur aile le jeune Jacques Chirac. Aveuglée par le charisme du député de Corrèze, Marie-France Garaud pense qu’il incarnera la France de droite, ancrée dans la terre des pères, mais aussi moderne et confiante, une France à la fois chaleureuse et droite dans ses bottes. Fatale erreur : Jacques Chirac est un orientaliste contemplatif qui joue les soudards, une girouette narcissique qui se fait passer pour Cincinnatus. Elle ne l’a pas vu. Elle le fera élire maire de Paris en 1975, avant de le quitter avec ces mots cruels : « Je pensais que Jacques Chirac était du marbre dont on fait les statues. Il est en fait de la faïence dont on fait les bidets. »
Candidate à la présidentielle, pour le symbole, face à Mitterrand (et à Chirac), elle finit sous les 2 %. Législatives de 86, traité de Maastricht, opposition à l’intervention en Serbie, elle perd presque tous ses combats des tristes années 80 et 90, sauf les européennes de 1999 qui la propulsent au Parlement européen avec Villiers et Pasqua, jusqu’en 2004. Par la suite, on l’entendra de nouveau, en 2017, déclarer qu’elle va voter pour Marine Le Pen, objectivement la seule à incarner une partie de la France qu’elle aima – celle de la diagonale du vide -, sans pour autant rassembler la « bourgeoisie blanquette de veau », selon la très juste expression de Gabrielle Cluzel, cette bourgeoisie provinciale à la fois cinglante et tranquille, brillante et timide – cette bourgeoisie que Juillet et Garaud incarnèrent à la perfection.
Malgré son tailleur en tweed, son collier de perles et son impeccable chignon, malgré son indubitable féminité, Marie-France Garaud, dans l’écurie politique (une écurie de hongres qui se prennent pour des pur-sang), était le dernier homme politique de droite. À elle, désormais, la grande, l’éternelle paix. À nous la guerre qui vient. ■
Marie France Garaud était une grande dame cultivée et intègre pas comme celles d’aujourd’hui qui ne represente que la médiocrité grasse. Je me souviens bien de cette citation sur J.Chirac et son franc parlé lors d’une émission de TV ou elle disait que Jean Monnet n’avait été qu’un agent de la CIA contre la France.
Marie France Garaud fut un des derniers « Hommes d’Etat » qui se soient manifestés. Le drame de la démocratie c’est qu’avant de s’élever au niveau de « chef d’Etat », il faut être un politicien. Le politique et la politique ne coïncident pas.
Il faut libérer le domaine régalien du joug de l’opinion qui ne peut « opiner » raisonnablement que sur les domaines qui la concernent directement et à court terme.
Il n’est pas raisonnable que la politique étrangère par exemple, dépendent d’une opinion publique si facilement manipulable.
Comme il n’est pas raisonnable que l’Etat veuille se substituer aux citoyens pour déterminer leur système de retraite.
« Autorité en haut, libertés en bas » !
Femme politique de très haut niveau et de grande valeur qui contraste avec la plupart du personnel politique d’aujourd’hui dont beaucoup relèvent plutôt de l’indigence intellectuelle.
« Quelques oublis, erreurs et approximations dans l’article d’Arnaud Florac.
Le professeur de Droit dont Marie -France Garaud a été collaboratrice parlementaire n’était pas n’importe qui : c’était Jean Foyer, un des rédacteurs de la Constitution, plus tard Garde des Sceaux, grand honnête homme et grand juriste profondément attaché aux valeurs traditionnelles.
» Juillet, le chasseur qui fumait la pipe, Garaud, la flingueuse aux rangs de perle : ces deux-là porteront à bout de bras la campagne de Valéry Giscard d’Estaing, puis prendront sous leur aile le jeune Jacques Chirac. » écrit Florac.
En fait c’est dans l’autre sens qu’il faut lire l’histoire ; absolument opposés à la « Nouvelle Société » proposée par Chaban-Delmas (lui-même inspiré par Jacques Delors), Juillet et elle piloteront Chirac qui prendra la tête des « 43 », 43 députés gaullistes qui, se ralliant à Giscard, torpilleront la candidature du maire de Bordeaux.
Enfin les premières élections à la mairie de Paris n’ont pas eu lieu en 1975, mais le 25 mars 1977 (en 1975 c’est la Loi qui organise ces élections).
Si admiratif que je suis du parcours de MF Garaud, je lui trouve une petite ombre : sa candidature aux Présidentielles de 1981, contre Giscard et Chirac, mais aussi contre Michel Debré. La position de principe de l’ancien Premier ministre suffisait. Aurait-elle été « achetée » par Giscard pour retirer quelques milliers de voix à Chirac ? »
MF Garaud n’avait besoin de « préférence féministe » pour se hisser au conseil du plus haut niveau ; femme de l’ombre (mais comme Mazarin fût homme de l’ ombre de Louis XIII et ce n’est pas minorer.)
La formule de marbre et de faïence, à propos de J. Chirac aurait été démentie par MF Garaud (ni son style, ni l’éducation reçue où quelque chose comme cela).
Il n’empêche : s’il fallait trouver une réserve, c’est d’avoir mis son talent au service d’un Chirac (un peu comme Patrick Buisson au service de Sarkozy plus récemment ).
Décidément la Droite, puisqu’il faut bien trouver un qualitatif et, du reste, la Gauche rend d’autant plus de droite qu’elle est de gauche (merci à elle) ; la Droite, donc, n’a pas de chance.
La chance; Napoléon, dit on, ne choisissait que des gens qui avaient de la chance.
Erratum
Richelieu et non Mazarin.
Erratum
Richelieu et non Mazarin
Marie France Garaud était une grande dame
une femme de conviction
Excellent article ..juste une petite remarque, vous semblez dire qu’un hongre n’est pas un pur sang…? Un hongre n’est pas une race, c’est un mâle castré donc un pur sang peut fort bien être un hongre.
La phrase devrait donc être :
L’écurie politique est donc « une écurie de hongres qui se prennent pour des entiers…. »
Une grade Dame dans ce monde où les moutons ont remplacé les béliers, et comme indiqué dans l’article les hongres ont remplacé les étalons