… Bien qu’ils ne trouvent pas cela normal !
Par Laurène Trillard.
Qu’est-ce qui est normal aujourd’hui ? Où l’État se répand en lois sociétales ineptes et coercitives, se substituant sans cesse au corps social pour décider de ses mœurs, alors qu’il n’est même plus capable d’assurer la sécurité des citoyens… (Le Figaro du 23 mai).
« Je n’encourage pas nécessairement de faire des rondes » Bassem Asseh, premier adjoint de la maire de Nantes, en charge de la sécurité.
Depuis le 1er mai, après avoir été victime de vandalisme et d’intrusions, une poignée de résidents se relaie chaque soir pour repousser les voyous mineurs qu’ils reconnaissent.
Le Figaro Nantes
Imaginez-vous devoir chaque soir, entre 22h et 2h du matin, patrouiller dans votre quartier pour éviter de vous faire siphonner votre réservoir ou de retrouver votre véhicule vandalisé ? C’est bel et bien ce que vivent des habitants du quartier nantais Saint-Joseph de Porterie, situé au nord-est de la ville. Ce secteur jusqu’alors tranquille est devenu depuis quelques semaines le théâtre d’une délinquance multiforme croissante.
«Tout a commencé le 1er mai quand notre garage a été visité», confie Erwan, l’un des guetteurs installé depuis deux ans de ce côté de la ville. Depuis le début du mois, il fait le guet avec trois autres volontaires réguliers de sa résidence pour dissuader les jeunes de passer à l’acte. Il est parfois rejoint par d’autres forces vives. Ensemble, ils ne se cantonnent pas à leur propre immeuble mais élargissent leurs rondes, d’autant que les derniers incidents ont émaillé d’autres rues.
Réunion publique, pétition
Pour certains, il s’agit d’un portail d’entrée escaladé et d’un squat dans un immeuble. Pour d’autres, l’intérieur du véhicule dégradé par de la poudre d’extincteur. Ou encore le Neiman d’un scooter forcé. «Là, c’était casser pour casser, on n’a pas eu de vol», constate le riverain Erwan, perplexe. «Au début, on déposait des plaintes, mais rien n’était fait. Quand on appelait la police, ils disaient qu’ils ne viendraient pas car ils avaient plus important à faire. Et puis il n’y avait pas de coup ou de vol en direct», se souvient-il. Mais depuis quelques jours, les choses ont évolué et il observe davantage de présence policière.
Le 14 mai, une réunion publique a été organisée par des élus du groupe Mieux Vivre à Nantes (de l’opposition) qui leur ont apporté leur soutien. «Malgré les nombreuses plaintes déposées et la présence d’une vidéosurveillance mise en place par les syndics ou bailleurs à l’intérieur des bâtiments, qui permet pourtant d’identifier les auteurs agissant souvent à visage découvert, la situation continue de se dégrader», écrivent ces conseillers municipaux de droite et du centre dans un communiqué. Ils disent avoir interpellé le préfet de Région.
Des mineurs connus
Dans la foulée, une pétition recueillant pour l’instant 257 signatures a été adressée à Johanna Rolland. «Madame le Maire, si personne ne s’attend à un coup de baguette magique, nous attendons néanmoins que tous les leviers à disposition soient activés pour inverser la tendance, de la prévention à la responsabilisation des parents des mineurs concernés». En effet, «la bande est connue dans Saint-Joseph», reprend Erwan, qui n’est pas l’auteur du courrier. «Une fois, dans une de nos rondes, on a chopé deux jeunes qui sont arrivés dans la cour intérieure de notre résidence», se souvient-il, à propos de cet épisode où, comme habituellement, ils ont utilisé le verbe pour leur rappeler qu’il s’agissait d’un lieu privé.
Mais les échanges sont d’autant plus tendus qu’ils se retrouvent confrontés à des jeunes qui n’ont pas peur de la police. «Ils n’en ont rien à faire»… La situation est également frustrante car ils reconnaissent les visages et ont déjà repéré une plaque d’immatriculation leur permettant de savoir quand ces derniers sont dans les parages. Il a même ouï-dire que la semaine dernière, deux jeunes auraient été attrapés.
«Certains sont en train d’être identifiés. Ça reste cantonné à un groupe bien défini», indique le premier adjoint de la maire PS, Bassem Asseh, mobilisé sur le sujet. Il n’en dira pas plus en raison du travail en cours mené par les autorités. En revanche, l’élu en charge de la sécurité est conscient de ce qui se passe. «La police municipale, la maison de la tranquillité publique nous remontent un certain nombre de points de friction sur la ville tout au long de l’année. Là, ça fait quelques semaines qu’on l’a bien sûr dans le radar», assure-t-il à propos de la zone actuellement au cœur des préoccupations.
Il assure être en contact avec les habitants et commerçants «mais pas ceux de la pétition» ni de ceux de la réunion publique organisée par l’opposition. Il se dit toutefois prêt à les recevoir. En attendant, que peut faire la ville ? «Aller à la rencontre, collecter les infos, recouper». Tout ça en lien avec la police nationale puis in fine la Justice.
«Après c’est pas comme si je montais dans ma voiture, j’appuyais sur un bouton et je mettais le moteur. Il faut identifier, apporter la preuve, voir quels sont les leviers pour mettre la pression, judiciaire si nécessaire. Cela se fait dans la durée, on espère que le résultat sera là. Si des règles communes sont établies, c’est pour que tout le monde les applique et les respecte», insiste-t-il. «On comprend les inquiétudes des habitants, on essaye d’être aussi réactif que possible», reprend celui qui n’est pas vraiment favorable à l’initiative des citoyens. «Je n’encourage pas nécessairement de faire des rondes pour des questions de sécurité».
Les habitants eux-mêmes aimeraient pouvoir s’en passer et savent que cela ne relève pas de leur rôle, d’autant que certains craignent des représailles. Leur maître-mot reste d’ailleurs le pacifisme. «On continue par acquit de conscience» malgré les avancées en cours et en dépit du fait qu’«on ne trouve pas cela normal». ■