Par Mathieu Bock-Côté.
Cette chronique est parue dans le Figaro de ce samedi 25 mai. Si désagréable nous soit-il, le constat dressé par Mathieu Bock-Côté nous apparaît réaliste et lucide. Les conflits intra-européens du siècle dernier ont tragiquement affaibli les nations historiques du Vieux Continent, dont la France en train d’en subir les effets en Afrique et jusqu’en son « Outre-Mer » où des situations inextricables se sont créés. Comment se poursuivra ce mouvement de reflux, jusqu’à quel point nous conduira cette de perte de puissance, comment et dans quel état la France sortira de ce cycle de déclin, il n’est guère possible de s’en faire une idée. Reste à maintenir sur le pré carré national ce qui peut être préservé du génie français, de la France des origines.
« On en vient à croire que pour certains la décolonisation ne sera vraiment achevée que lorsque les Européens seront étrangers chez eux. »
CHRONIQUE – Les événements en Nouvelle-Calédonie doivent se lire à la lumière de la fin de l’hégémonie européenne sur le monde. Telle est ici l’analyse de Mathieu Bock-Côté.
1492 a marqué le début de l’expansion européenne à travers le monde. Les puissances européennes se déploieront dès lors à travers le monde, en établissant partout comptoirs, colonies, protectorats et territoires, et en faisant même naître de nouveaux pays, qui, longtemps, cultivèrent leurs origines dans le Vieux Monde, et même un lien vital avec lui. Mais le suicide européen des deux guerres mondiales a marqué la fin de l’hégémonie européenne sur le monde, qu’on avait tendance à recouvrir d’un vernis universaliste. C’est à la lumière de ce vaste contexte que s’éclairent les événements en Nouvelle-Calédonie.
La décolonisation engagée après 1945 a marqué la première étape de ce reflux de l’Occident vers l’Europe. Les pays conquis et colonisés réclamaient leur indépendance, même s’ils empruntaient l’État-nation comme forme politique aux Européens, alors que leur composition démographique s’y prêtait peu, et s’appuyaient sur les pays communistes pour soutenir leur lutte. Sans surprise : à l’échelle de l’histoire, tous les mouvements nationaux ont eu tendance à se chercher des alliés à l’étranger pour se délivrer de ce qu’ils auraient pu appeler leur tutelle principale. Ce mouvement de décolonisation s’est poursuivi bien au-delà des années 1960 et 1970. Les derniers territoires appartenant à une ère civilisationnelle distincte, en émergence, connurent alors le transfert de souveraineté, comme on l’a vu avec Hongkong, en 1997, et Macao, en 1999.
Ce mouvement frappe même les États directement issus de l’expansion européenne. On a pu le voir aux États-Unis dès le début des années 1990, et plus particulièrement en 1992, au moment de commémorer les 500 ans de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Celui qui était autrefois vu comme un aventurier de génie commençait alors à être portraituré comme le premier des génocidaires. Le Colombus Day, qui était à bien des endroits célébré, fut souvent déchu de son statut de fête officielle. Les États-Unis, plus largement, cessèrent assez de se percevoir comme une nation issue de la civilisation européenne, pour se redéfinir comme un pays multiculturel issu du croisement de plusieurs civilisations. Peut-être enregistraient-ils ainsi les conséquences identitaires de la révolution migratoire engagée dans les années 1960.
Une forme d’inversion du mouvement colonial
Quant au Canada, il a déchu symboliquement de leur statut ses deux peuples officiels, les Français et les Anglais, pour les remplacer symboliquement par les peuples premiers amérindiens. Les anciens peuples fondateurs du pays sont désormais réduits au statut de communautés parmi d’autres issues de vagues migratoires nombreuses à l’origine du multiculturalisme canadien, indissociable de l’identité postnationale revendiquée de l’État canadien. Il est même désormais d’usage, pour les représentants officiels canadiens, de reconnaître qu’ils sont sur des terres autochtones non cédées, en frappant d’illégitimité l’État qu’ils dirigent. En Océanie, l’Australie comme la Nouvelle-Zélande ont aussi cédé à la pression de la déseuropéanisation.
On assiste aussi, à travers la grande remontée du sud vers le nord, à une forme d’inversion du mouvement colonial. Certes, la forme n’est pas la même, et cette dynamique n’est pas le fruit d’une entreprise politique. Mais ces réserves sont des pudeurs de gazelle. Dans les faits, la constitution de communautés extra-européennes de plus en plus nombreuses, de moins en moins intégrées, entraîne un déséquilibre démographique qui conduira au cours des prochaines décennies à la mise en minorité des peuples historiques occidentaux dans leur propre pays. On en vient à croire que pour certains la décolonisation ne sera vraiment achevée que lorsque les Européens seront étrangers chez eux. N’est-ce pas un récit indirectement colonial qu’on mobilise lorsqu’on explique que les Occidentaux, laissés à eux-mêmes, seraient fondamentalement réactionnaires et racistes, et qu’ils ne parviennent à s’ouvrir au monde que grâce à la présence de populations nouvelles qui les civilisent grâce au culte de la diversité ?
On croise ici la question tabouisée du racisme antiblanc. Il frappe, pourtant. Il s’institutionnalise, aussi, à travers les programmes de discrimination positive qui excluent ouvertement ceux qu’on appelle « les Blancs » et à travers la doctrine EDI (égalité, diversité, inclusion) qui en est une de rééducation des populations européennes pour les amener à souscrire au mythe de leur culpabilité irréductible. L’Europe, reconduite chez elle, n’est même plus chez elle. Elle est obligée de prêter foi encore à une rhétorique universaliste falsifiée, qui se retourne contre elle et qui l’empêche de nommer sa singularité dans la pluralité des civilisations. Vae victis. Malheur au vaincu. Ou, plus exactement, malheur au fort qui devient faible. ■
Mathieu Bock-Côté
Tout à fait d’accord, mais il faut remarquer que ce sont nos très chers élus républicains qui se prennent pour des élites, mais qui détruisent, volent et changent le peuple de France qui rêve encore de la France fière et glorieuse, fière de son passé.
« Ceci s’adresse à vous, esprits du dernier ordre, Qui n’étant bon à rien, cherchez surtout à mordre. Vous vous tourmentez vainement ».; La Fontaine( le serpent et la lime)
N’oublions pas la recolonisation de certains territoires par des ex colonisés, Goa par l’Inde, le thibet par la Chine, Hong Kong et Macao font partie de ce cas de figure mais qui proteste? Je pourrais ajouter d’autres exemples qui chagrineraient certains
Accablant et tellement lucide ! L’Europe a régi, dirigé le monde pendant un demi-millénaire.
Il fallait bien que ça s’arrête un jour, même si nous avons été la plus éclatante des civilisations…
L’Europe, considérée comme «la plus éclatante des civilisations» ?…
Une civilisation résolument dégénérante, dès lors qu’elle a consciencieusement rompu avec les données traditionnelles, c’est-à-dire après le Moyen Âge.
Une pareille illusion «culturelle» entend donc ignorer grossièrement celles de la Perse, de la Chine, de l’Inde, de l’Égypte pharaonique, des Incas…
Bref : «c’est un peu court, jeune homme».
Je me désole désespérément de constater régulièrement à quel point les Occidentaux, même les plus critiques, peuvent aussi volontiers se laisser aller à la facilité du nombrilisme démocratique…
Il est absolument indispensable que la Vraie Droite intellectuelle parvienne à mieux se cultiver, à mieux se documenter, afin de faire accéder ses observations à plus de réalité subtile…
La vérité est que notre civilisation est la dernière du cycle, ce qui la range au côté du peintre Manet, auquel Baudelaire répliquait : «Vous vous plaignez de la place que vous occupez dans la peinture actuelle ; mais vous n’êtes que le premier dans la décadence de votre art.» Telle se présente la civilisation occidentale : première dans la décadence – c’est, d’ailleurs, sa caractéristique eschatologique.
C’est la meilleure, celle-là, David Gattegno !!! Pouvez-vous me dire ce que les prétendues civilisations extra-européennes ont apporté à notre monde ?
La machine à vapeur ? Le moteur à explosion ? Les vaccins ? La médecine expérimentale ? L’imprimerie ? L’informatique ? Le débat contradictoire et les droits de la défense ? La musique (celle qu’on joue dans tous les auditoriums du monde), la radio, la télévision, le cinéma ?
L’amour courtois ? La voiture, les trains, les avions ?
Le progrès technique ? Le foie gras ?
Le système métrique ? Et surtout la soif de la découverte…
MDR comme disent les jeunes !
Non ! Il y a nous, puis rien, puis rien…
Cher Pierre Builly, je crois que la question n’est pas de savoir si la « civilisation occidentale » est la meilleure, mais si elle est la nôtre. Un sain traditionalisme ne cherche pas seulement à préserver l’héritage reçu parce qu’il est bon, mais aussi parce qu’il est le nôtre. Français, nous devons défendre nos mœurs, nos langues, nos héritages ; et nous devons reconnaitre aux autres le droit d’en faire autant.
Cher Pierre Builly, si, pour vous, la grandeur d’une civilisation se mesure aux centimètres vapeur, aux «droits de la défense» et autres foutaises modernistes, évidemment que, sans aucun doute, la Macronie et le reste font gaillardement la nique à ce que moi, je tiens pour relever d’une «civilisation».
Par ailleurs, je pense que vous avez eu en tête de m’exaspérer en clôturant avec ce «Non ! Il y a nous, puis rien, puis rien…»
L’un de nous deux doit avaler son chapeau et je gage que, en pleine civilisation totale-itérative, comme les Peaux-Rouges, je suis prié de changer de tête, de changer de nom, sous peine d’être doctement rectifié dans un établissement grandiose, parce que, pour ce qui est des établissements, l’Occident dispose de tout ce salure nécessaire ignoré des moins que rien comme je suis.
D’accord avec Pierre Legrand. : nous avons a maintenir notre culture, non par ce qu’elle serait supérieure aux autres, mais par ce qu’elle est nôtre. La Providence nous a fait naître dans cette société, c’est celle-ci dont nous avons à défendre le Bien Commun.
D’ailleurs, comme l’avait remarqué Claude Lévi-Strauss, toutes les sociétés sont ethnocentriques et s’inventent des échelles de valeurs qui les met en tête d’une hiérarchie des cultures… (Pierre Builly exprime bien cette échelle de valeurs, nous sommes évidemment supérieurs puisque nous avons inventé la machine à vapeur et la canonnière).
Mais « la tradition est critique » et s’il ne faut pas cracher sur la culture qui nous a constitué dans notre humanité, il est légitime de rechercher quelles sont les causes de ses faiblesses. Comme il est légitime d’admirer les autres cultures
La connaissance des hommes d’ailleurs et celle des hommes d’ailleurs, l’entnologie comme l’Histoire,i nous permettent de relativiser les idéologies dominantes de « l’esprit du temps ».
Mathieu Bock Côté dit bien, dans son dernier paragraphe : « nommer sa singularité dans la pluralité des civilisations ». Ce serait à souligner.
Mathieu Block Côté : Cniouz a réussi à trouver, pour remplacer Eric Zemmour un québécois remarquable par sa culture, bien entendu, mais aussi par la clarté de ses exposés, un léger humour également, de bon aloi, et puis, l’accent québécois point trop prononcé .
Mais chacun vit comme il l’entend, sous quelques réserves de bon sens !
J’ai oublié d’ajouter à ma fort incomplète nomenclature deux éléments fort importants que le progrès noua a apportés : l »‘anesthésie et le tout-à-l’égout !
Imaginez d’en être privé : vous verrez mon propos d’un oeil beaucoup plus favorable !