987 : Élection d’Hugues Capet, à Senlis
Après des débuts brillants, la première dynastie franque, celle de Clovis et de ses successeurs, les Mérovingiens, sombra dans la décadence et laissa la place à la deuxième dynastie, celle de Charlemagne, et de ses successeurs, les Carolingiens.
Comme la première, cette deuxième dynastie eut des débuts brillants, mais, comme elle également, elle finit par sombrer dans la décadence (les rois fainéants), à une époque où les invasions des vikings rendaient nécessaire un pouvoir fort.
De plus, note Jacques Bainville, ces deux dynasties – malgré les indéniables services rendus à ce qui deviendra la France – portaient en elles deux tares mortelles :
– la funeste coutume des partages du royaume à la mort de chaque roi ;
– et surtout l’illusion de la chimère impériale : Mérovingiens et Carolingiens se sont épuisés à tenter de reconstituer un Empire romain unanimement regretté, chez nous, mais qui ne pouvait plus être relevé.
Là sont les origines lointaines de la troisième dynastie, celle des Capétiens, qui va recevoir le pouvoir en 987, avec Hugues Capet.
Dans notre album L’aventure France racontée par les cartes. voir la photo « La situation au début du règne d’Hugues Capet »
Alors que les rois fainéants, descendants de Charlemagne et dépositaires de la légitimité théorique, laissaient les populations dont ils avaient la charge sans défense face aux hommes du nord (les north men, normands…), une famille, celle des Robertiens, s’illustra dans la défense de ces mêmes populations (éphéméride du 14 mai). Ainsi se créa une légitimité effective, fondée sur les services rendus.
Les Robertiens – ancêtres des Capétiens – durent cependant se montrer prudents, et patients, tant était fort le souvenir de Charlemagne et l’enracinement de la dynastie Carolingienne. Les premières invasions normandes ayant eu lieu un peu avant 850, ils attendirent presque cent cinquante ans…
Jusqu’en 987, où fut réunie, à Senlis, une Assemblée chargée de désigner le souverain.
Monogramme d’Hugues Capet, sur un diplôme du 20 juin 989. Archives nationales, Paris
« COURONNEZ HUGUES, L’ILLUSTRE DUC. »
« Le trône ne s’acquiert point par droit héréditaire, et l’on doit mettre à la tête du royaume celui qui se distingue par la noblesse corporelle et par les qualités de l’esprit…. Décidez-vous plutôt pour le bonheur que pour le malheur de l’Etat. Si vous voulez son malheur, créez Charles souverain; si vous êtes attachés à sa prospérité, couronnez Hugues, l’illustre duc. Donnez-vous pour chef le duc, recommandable par ses actions, par sa noblesse et par ses troupes, le duc en qui vous trouverez un défenseur de l’Etat aussi bien que de vos intérêts privés ».
Cette harangue de l’archevêque de Reims, Adalbéron, emporta l’adhésion des grands du royaume qu’on appelait alors « Francie occidentale », et qui sera la France. Ils écartèrent donc le candidat carolingien, Charles de Basse-Lorraine et placèrent Hugues sur le trône.
Hugues était abbé laïc de Saint Martin de Tours. Le surnom de Capet vient peut-être de la cape (Capa) ou manteau de Saint Martin que celui-ci coupa en deux afin de vêtir un pauvre.
Le chroniqueur Richer, moine de Saint Rémi de Reims a raconté en détail le déroulement de l’élection d’Hugues Capet.
Il rapporte qu’une première assemblée des grands avait été convoquée à Compiègne en mai 987 pour examiner le cas de l’archevêque de Reims, Adalbéron, que le roi carolingien Louis V accusait de trahison. Mais le roi meurt accidentellement, Hugues prend la direction de l’assemblée et fait acquitter Adalbéron. Lequel, d’accusé, devient le personnage-clé de l’élection. Son discours va en décider.
Deux candidats sont en présence : Charles, duc de Basse-Lorraine, frère du défunt, et Hugues, duc des Francs. Celui-ci a l’appui de l’Eglise. Gerbert d’Aurillac, écolâtre à Reims (c’est-à-dire directeur des écoles) écrivait : « Le roi Lothaire (Louis V, ndlr) n’est le premier en France que par son titre. Hugues l’est, non par son titre, mais par ses faits et gestes. »
Bainville écrit des premiers Capétiens (ce qui vaut donc aussi, évidemment, pour Hugues) : « Les premiers règnes furent sans éclat… ».
Le roi ne règne que sur quelques villes (Senlis, sa résidence favorite, Etampes, Melun, le port de Montreuil…); sur une dizaine d’évêchés (Orléans, Laon, Sens, Beauvais, Paris…); et quelques abbayes qui lui assurent un revenu économique mais aussi un appui spirituel (Saint Martin de Tours, Saint Benoît sur Loire, Saint Germain des Prés, Saint Maur des Fossés, Saint Riquier…).
Mais il aura l’habileté de faire sacrer son fils Robert, de son vivant, à Orléans, le 30 décembre 987. La dynastie est là pour mille ans.
Il est à noter que, s’il fut élu à Senlis, Hugues, fort habilement, alla se faire sacrer à Noyon, là où avait eu lieu le sacre de Charlemagne. Il souhaitait ainsi manifester qu’il se rattachait, plutôt que de la combattre, à cette dynastie Carolingienne dont il prenait la suite. De même il se fera enterrer, comme les Carolingiens, à l’abbaye de Saint-Denis, monastère dont ses ancêtres étaient les patrons et où ils étaient également enterrés.
La nécropole des rois de France est ainsi désignée dès le début de la dynastie (voir notre album La basilique de Saint-Denis, nécropole royale).
Tableau de la cathédrale de Tours : Martin partage son manteau avec un pauvre.
A l’époque de Martin, officier de l’armée romaine, l’équipement des officiers était payé moitié par l’Empereur (c’est-à-dire l’Etat) et moitié par l’officier. Martin ne pouvait donc, malgré son désir, donner tout son manteau au pauvre, puisque la moitié de ce manteau ne lui appartenait, mais appartenait à l’Empereur.
Par contre, en donnant l’autre moitié du manteau, qui lui appartenait, il a bien donné tout ce qu’il avait en pleine possession. Il est pour cela considéré comme l’un des piliers de la charité. Martin est le patronyme le plus donné en France.
1500 : Mort de Jean Le Viste, mécène de « La Dame à la Licorne »
1. Sur Jean Le Viste :
bondy-histoire.chez-alice.fr/Abondy/leviste
2. Sur la tapisserie :
sarah.vanden.free.fr/pages/historique
Le Goût
Signification des tapisseries
La série de La Dame à la Licorne est composée de 6 tapisseries. Les cinq premières tentures représentent les 5 sens : le goût, l’odorat, l’ouïe, le toucher et la vue. Quant à la sixième nommée « A Mon Seul Désir », elle est plus énigmatique et mystérieuse.
Voici au travers des tapisseries, une petite explication des sens représentés.
• La Vue : La Dame tient un miroir dans lequel la licorne a le loisir de se contempler.
• L’Ouïe : La Jeune femme joue de l’orgue pendant que la servante actionne les soufflets.
• Le Goût : la Dame prend une friandise dans le drageoir apporté par sa servante. Le Goût est aussi représenté par le singe qui goûte à un fruit et par le lion montrant des signes de gourmandise.
• L’Odorat : la Dame tresse un collier de fleurs parfumées, pendant que le singe respire une fleur saisie dans le panier.
• Le Toucher : La Dame prend délicatement la corne de la licorne de sa main gauche et un étendard de l’autre main.
La dernière tapisserie « A Mon Seul Désir » (ci dessus) est le dernier volet de la série. Une sorte de conclusion philosophique… Nous y voyons la jeune femme remettre son collier dans la boite à bijoux tenue par sa servante. Dans les cinq premières tapisseries, la Dame porte ce magnifique collier, signe de richesse et de luxure. La remise de cette parure dans la dernière scène serait ainsi un signe de renoncement. Même si la signification de cet ultime dessin n’est pas unanime, nombres d’experts s’accordent sur une cette même conclusion morale.
1711 : Jean-Baptiste Ducasse est fait Commandeur de l’Ordre de Saint Louis
Pour François Bluche, Jean-Baptiste Ducasse est « le plus méconnu des Français illustres ».
Raison de plus pour lui rendre, dans ces Ephémérides, l’hommage qu’il mérite largement : qu’on en juge, par ce court passage du Louis XIV, de François Bluche (pages 828/829), racontant quelques uns de ses exploits lors de la terrible Guerre de Succession d’Espagne.
« …A l’escorte des galions de Sa Majesté Catholique, un homme est particulièrement attaché : c’est Jean-Baptiste Ducasse. Tour à tour chef de flibustiers, gouverneur pour le Roi à saint Domingue, marchand, négrier, capitaine de vaisseau à quarante-sept ans, chef d’escadre à cinquante-cinq, lieutenant-général à soixante et un ans, directeur de la Compagnie de Guinée ou de l’asiento, capitaine général pour le roi d’Espagne, enfin chevalier de la Toison d’Or (ci contre), cet officier de fortune originaire du pays Basque, né dans la bourgeoisie petite ou moyenne, cet homme dont la vie inspirerait plusieurs romans d’aventures, se trouve être à la fois « un des chefs les plus brillants de la marine de Louis XIV », et le plus méconnu des Français illustres. En 1702, il a vaincu à Santa Martha l’escadre de Benbow, l’amiral anglais. En 1703, trompant les croisières britanniques, il rapporte de Carthagène des Indes à La Rochelle 300.000 piastres, don de Philippe V à son grand-père. Sa croisière d’aller lui avait fait transporter en Amérique des soldats espagnols destinés à la défense des places. En 1704, il commande une division à Velez-Malaga. Le 28 octobre 1707, Dangeau note : « On mande de Brest que Ducasse a mis à la voile pour aller quérir les galions dans l’Amérique, et les escorter en Espagne ou en France ». Et, le 1er septembre suivant : « Le Roi apprit à son lever, par un officier de la marine, que M. de Pontet lui amena, que M. Ducasse était lundi dernier au port du Passage avec la flotte du Mexique, riche de quarante à cinquante millions en argent, sans compter pour environ dix millions de ce que les espagnols appellent los frutos, qui sont toutes choses dont le débit est facile. » Et de décider, sur le conseil de Desmarets, d’approvisionner aussitôt tous les hôtels des monnaies de France pour frapper des écus. 26 juin 1709, Dangeau note encore : « Ducasse, avec sept vaisseaux de guerre qu’on arme en diligence à Brest, sera prêt à la fin du mois qui vient pour conduire à Lima le nouveau vice-roi du Pérou. » Le 30 décembre 1710 : « M. Ducasse va partir pour Brest, où il trouvera trois ou quatre vaisseaux du Roi prêts à faire voile. On ne doute pas qu’il n’aille à Carthagène, pour en ramener les galions. » Le 1er juin 1711, Louis XIV fait Ducasse Commandeur de l’Ordre de Saint Louis (ci contre). En mars 1712, Ducasse a ramené à La Corogne une nouvelle division de galions : il n’a pas volé sa toison d’or !
Si la guerre de succession prend en 1712 un tour favorable à la maison des Bourbons, c’est d’abord parce que l’habile Ducasse a gagné la bataille des convois. Le même phénomène se reproduira, mutatis mutandis, au XXème siècle. Quel fut le tournant de la seconde guerre mondiale, le début de la victoire alliée ? Le 31 janvier 1943, jour de la capitulation à Stalingrad du maréchal von Paulus ? Ou plutôt, ces mois qui vont de mai en août suivant, qui voient tourner au profit des alliés la bataille de l’Atlantique : quand cent sous-marins allemands sont coulés en cent-vingt jours; quand en août lesdits sous-marins ne détruisent que 96.000 tonnes marchandes, contre un million au mois de mars ? Cette excursion hors du Grand Siècle n’est pas digression mais analogie à but explicatif.
L’histoire est quelquefois un recommencement. »
Jean-Baptiste Ducasse, par Hyacinthe Rigaud (château de Josselin)
Saint-Simon, qui a généralement la dent dure, trace de Ducasse ce portrait flatteur dans ses Mémoires (1857, page 323) :
« …Ducasse mourut fort âgé, et plus cassé encore de fatigues et de blessures. Il étoit fils d’un vendeur de jambons de Bayonne, et de ce pays là où ils sont assez volontiers gens de mer. Il aima mieux s’embarquer que suivre le métier de son père, et se fit flibustier. Il se fit bientôt remarquer parmi eux par sa valeur, son jugement, son humanité. En peu de temps ses actions l’élevèrent à la qualité d’un de leurs chefs. Ses expéditions furent heureuses, et il y gagna beaucoup. Sa réputation le tira de ce métier pour entrer dans la marine du roi, où il fut capitaine de vaisseau. Il se signala si bien dans ce nouvel état, qu’il devint promptement chef d’escadre, puis lieutenant général, grades dans lesquels il fit glorieusement parler de lui, et où il eut encore le bonheur de gagner gros sans soupçon de bassesse. Il servit si utilement le roi d’Espagne, même de sa bourse, qu’il eut la Toison, qui n’étoit pas accoutumée à tomber sur de pareilles épaules. La considération générale qu’il s’étoit acquise même du roi et de ses ministres, ni l’autorité où sa capacité et ses succès l’avoient établi dans la marine ne purent le gâter. C’étoit un grand homme maigre, commandeur de Saint-Louis, qui avec l’air d’un corsaire, et beaucoup de feu et de vivacité, étoit doux, poli, respectueux, affable, et qui ne se méconnut jamais. Il étoit fort obligeant, et avoit beaucoup d’esprit avec une sorte d’éloquence naturelle, et, même hors des choses de son métier, il y avoit plaisir et profit à l’entendre raisonner. Il aimoit l’état et le bien pour le bien, qui est chose devenue bien rare. »
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A la différence des mérovingiens et carolingiens, les capétiens n’étaient pas, semble-t-il, d’origine franque mais saxonne. Un point qui agaçait Maurras. Passe encore les francs, dont le nom est à l’origine de la France ; mais saxon! Voilà un détail que l’histoire se devait de laisser de côté.
Il est un événement que cet éphéméride ne mentionne pas : la mort du Prince impérial, Louis-Napoléon Bonaparte, le 1er Juin 1879, en Afrique du Sud. Un noble personnage, chrétien ardent, qui aurait fait sans doute un excellent empereur.