On a connu Christophe Bourseiller (fils d’Antoine) bien plus à gauche ; et voilà qu’il écrit dans Marianne… Il commence par considérer dans cette tribune que le 6 juin la démocratie n’a pas triomphé. A quoi, alors, ces élections ont-elles rimé ? A exprimer les colères d’un pays fragmenté où en définitive la seule force solide, aguerrie, montante est le « bloc national » face à la maacronie chancelante et à un Front Populaire si disparate qu’il n’est pas fait pour durer. Excellente analyse et véridique. Bourseiller reproche à Emmanuel Macron la dissolution qui provoque le chaos. « L’extrémiste, c’est lui. » Sans-doute. Bourseiller a raison. Mais dissolution ou pas, croit-il que les « mouvements souterrains de l’opinion » qu’il discerne et qui vont dans le sens que l’on sait, sont susceptibles de s’inverser à prochaine échéance ? Pour nous, Macron incarne en effet un chaos profond mais qui passe de beaucoup la question de savoir quelle est la date à retenir pour, possiblement, changer de cap. Quant à Raphaël Glucksmann « humaniste modéré », on nous permettra de sourire.
Et si, lors des européennes du 6 juin, la démocratie avait triomphé ? Le résultat du scrutin est sans appel et je ne parle pas ici du spectaculaire bond en avant du Rassemblement national, mais au contraire de la profusion des listes. Du Parti pirate à la Ruche citoyenne, en passant par Nous le peuple, Changer l’Europe, ou le Parti animaliste, l’éventail bigarré des sensibilités offrait le spectacle éminemment démocratique d’une France plurielle, nourrie de colères et d’espoirs variés, d’une France qui voulait parler, qui voulait témoigner et qui profitait d’une élection sans réel enjeu national, mais à la proportionnelle, pour le faire.
C’est lors de ce type d’élection que les citoyens envoient à leur gouvernant un coup de semonce. C’est la raison pour laquelle le RN avait déjà été majoritaire lors des deux dernières consultations européennes.
DÉSORDRE MACRONIEN
Les européennes, c’est la photographie précise d’une France indocile, d’une France en colères, qui refuse de se reconnaître dans la bannière macronienne du « monde nouveau ». C’est alors que le président a gesticulé. Contre toute attente et à la surprise de son Premier ministre et de son propre camp, il a soudainement décidé de dissoudre l’assemblée.
« J’ai décidé de vous redonner le choix », a-t-il dit aux électeurs, alors même que le peuple venait de s’exprimer, en rejetant massivement le camp présidentiel et en choisissant d’appuyer le Rassemblement national. Le geste est évidemment à contretemps. Il plonge la France dans une crise politique inédite, à quelques jours des Jeux olympiques et de la trêve estivale. Il témoigne d’un calcul hasardeux, dont chacun pressent qu’il n’a rien de vertueux.
Qu’espérait-il, par ce coup narcissique qui trahit sa jeunesse ? Renflouer son camp, en apparaissant comme le seul et unique rempart, face à la montée de l’extrême droite. À l’évidence, il n’a rien compris aux mouvements souterrains de l’opinion. Car aux yeux des Français, il est devenu l’artisan même du désordre. Comment pourrait-il maintenant incarner l’ordre républicain face aux extrêmes ?
Dans un tel contexte, la France est plus que jamais divisée en trois ensembles hétéroclites. Face à un archipel centriste chancelant, qui peine aujourd’hui à s’unir et présente le triste visage du désarroi, les macronistes eux-mêmes se sentant floués par leur chef, on voit menacer un solide bloc national, aguerri par les épreuves et de plus en plus présidentiable.
UN FRONT POPULAIRE INCOHÉRENT
De l’autre côté du spectre, le Nouveau Front populaire n’est pas amené à perdurer. Cet assemblage hétéroclite ne tient que par l’idée du front antifasciste. On s’unit « contre » et non pas « pour ». Quoi de commun entre le chef de la Jeune Garde antifasciste, Raphaël Arnault, et l’ancien ministre de Macron, Aurélien Rousseau ? Quoi de commun entre le leader du « Nouveau Parti anticapitaliste-L’Anticapitaliste », Philippe Poutou, et l’humaniste modéré Raphaël Glucksmann ? Quoi de commun entre la violence radicale de La France insoumise et la gauche modérée d’une Carole Delga ? Le Nouveau Front populaire n’est viable que très provisoirement. Et que se passera-t-il s’il se trouve majoritaire ? Verra-t-on un insoumis devenir Premier ministre ? Pour toute une partie de la gauche, c’est inimaginable. N’a-t-on pas vu apparaître sur les murs le slogan « ni RN, ni LFI » ? ■
«Quoi de commun entre […]?» Telle est la question obligée à laquelle s’obligent les vaniteux «intellectuels» de service… «Vaniteux intellectuels», en effet, car, comme elle a trouvé chez l’arrogant premier d’la classe maqueroné le meilleur terreau dans lequel prospérer, la boboïsation parisianiste espère bien trouver encore à croître dans les couches dont elle fait sa pâture. Ainsi, chez le sympathique Christophe Bourseiller (d’ailleurs, très délicieux comédien, du temps où il menait mieux radicalement la satire sur les plateaux), la propagande du «quoi d’commun» se répand par reproduction sissipare et tâche de faire des petits suffisamment convaincants pour donner à croire que le Glucksmann vaut mieux que son Poutou d’voisin et qu’à tout prendre le Mélenchon vaut quelquefois le coup, quand il cause dans l’poste – d’ailleurs, Jean d’Ormesson aimait bien tailler l’bout d’gras avec, alors ?!…
La vérité tient à ce que les uns et les autres, si laborieusement distingués entre eux, ont TOUT en commun, et ce, en ce qu’ils sont archidémocratiquement de gôôôôôôche, laïcitéquement obligatoires, c’est-à-dire ennemis irréductibles de la véritable intellectualité, de la simple liberté, de l’indépendance d’esprit, bref les ennemis du Populaire. Populaire tout à fait étranger à ce «démos» fantasmé dans les cabinets du libéral-socialisme byzantinique, hésitant entre les genres de diptères à sodomiser et les stratégies pour parvenir aux mêmes lubricités publiques.
Dire que «la France est divisée» est un fantasme délibéré. En fait, ce sont les individus installés sur un territoire plus ou moins stabilisé qui diffèrent désormais entre eux. Les divisions éventuelles ne sont absolument plus «politiques» mais exclusivement sociologiques, imposant la première authentique «lutte des classes» de tous les temps modernes, qui n’attendaient qu’une pareille opportunité pour se faire une santé vaccinale-dialectique depuis Karl Marx et Friedrich Engels, comme chacun sait.
La question ne doit absolument pas se poser en termes économiques, non plus : les monnaies se fabriquent et se vendent comme le savon à barbe – en faut-il ? en voilà! –, il ne reste qu’à en barbouiller les lois de la nécessité fiduciaire momentanée. Et c’est là toute la nature de ce qu’ils ont en commun, non seulement «intra muros» néo-Front-popu, mais encore dans l’«Ensemble» (vocable d’inspiration maçonnique, soit dit en passant) des «Horizons» de leur «Renaissance», autres micro-loges «En commun» et j’en passe ! Et cette nature commune tient à cet «argent» falsifié dont ils font le système nerveux du «progrès» : ils ont en commun d’être, de «Front» et «Ensemble», les nervis distincts du réseau d’influence conçu pour «énerver» le peuple et le chosifier – le snobisme langagier aime à dire «réifier», d’où «ré-publique». Et, quand ils évoquent cette «chose-publique», leur euphémisme signifie «merde-peuple».
Seulement, avec le Maqueron, voilà qu’est apparu une gueule d’euphémisme dans toute sa cruauté, et elle se barbouille tellement d’elle-même que, à force d’en remettre des couches, son rimel coule, déteint et se répand tout autour, «tellement quellement» que ce TOUT en commun finira bien par sauter aux yeux – par le sacré Nom de Dieu !