« Alger comptait bien maintenir les avantages exorbitants obtenus en 1968 et toujours valables et les consolider. »
Par Xavier Driencourt.
Commentaire – Cette tribune de Xavier Driencourt est parue dans Le Figaro de ce 28 juin et son intérêt est évident. Tandis que les commentateurs, observateurs, journalistes, politiciens français s’emploient à perte de vue à l’inévitable jeu des scénarios électoraux et post électoraux, où seul compte le conflit des trois « extrêmes » selon la terminologie en vogue, par delà les partis, il y a les problèmes eux-mêmes, objectifs et pressants. Les relations franco-algériennes et plus largement France – Maghreb en sont un et pas des moindres pour toutes sortes de raisons historiques et géostratégiques, mais aussi à cause de l’existence sur le territoire national d’une communauté arabe chiffrable en millions et même d’une rue arabe, au premier chef algérienne ou d’origine algérienne, qui pèse lourd dans la vie française. Et que le pouvoir en place à Alger utilise abondamment comme moyen de pression sur les autorités françaises comme ferment nationaliste pour sa propre opinion publique. Cette tribune de Xavier Driencourt, diplomate expert et fort sage, nous éclaire sur cette actualité qui nous paraît, en effet, de toute première importance et gravité.
« Rien ne se passe donc comme prévu et l’Algérie doit se féliciter de n’avoir pas à se frotter aux urnes et ne dépendre que des généraux » Xavier Driencourt
TRIBUNE – À Alger, où les élections législatives sont scrutées de près, on s’inquiète de l’éventualité d’un nouveau gouvernement qui pourrait rebattre les cartes au Maghreb, explique Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie.
Ainsi donc, par le jeu politique des deux côtés de la Méditerranée, la France et l’Algérie se trouvent chacune en période électorale, la France en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, l’Algérie à cause de la date de l’élection présidentielle avancée par le président Tebboune au 7 septembre. Les images du G7 à Bari ont montré deux hommes qui, peut-être dans quelques mois, représenteront deux pays une nouvelle fois en crise.
Tout allait bien jusqu’à il y a peu : il y a quelques jours encore, on parlait du réchauffement entre Paris et Rabat après plusieurs années de brouille politique et, côté algérien, on préparait une possible visite d’État du président Tebboune à Paris pour « septembre ou octobre ». Les deux ministères des Affaires étrangères comme les ambassades s’y activent.
Or, on ne sait toujours pas si, à Alger – bien que les signaux se multiplient en ce sens – Abdelmadjid Tebboune sera le candidat (et donc le président) choisi par l’armée. Tout semble le montrer, mais à ce jour, les « décideurs » algériens n’ont pas rendu leur choix public, empêchant donc le président de déposer officiellement sa candidature. Et dans ce schéma, il a besoin de l’appui de Paris, mais d’un appui discret puisque la campagne électorale algérienne sert immanquablement de prétexte à injurier l’ennemi habituel, la France.
Du côté français, il est peu probable que la « décision hasardeuse » selon les termes utilisés par Lionel Jospin en 1997, permettra la reconduction à l’identique de la majorité sortante.
La victoire du RN, le saut dans le vide
« Alger comptait bien maintenir les avantages exorbitants obtenus en 1968 et toujours valables et les consolider. »
Alger, pour sa part, n’aime pas l’incertitude et ne peut donc se réjouir d’un changement à Paris qui risque de diminuer le pouvoir d’un interlocuteur auquel, malgré ses foucades, on s’était habitué ici. Dans ce contexte, l’Algérie ne se prive pas d’intervenir dans le débat politique français : d’abord, en envoyant au front ses porte-parole habituels, médias et journalistes proches ou stipendiés du pouvoir, puis le recteur de la Mosquée de Paris, immédiatement convoqué à Alger et chargé de mettre en garde les électeurs français (d’origine algérienne, mais pas seulement) contre le « danger fasciste » et « les nostalgiques de l’Algérie française » selon les termes en usage à Alger. Mais, comme le pouvoir algérien sait composer avec la réalité, il lui faudra évidemment s’adapter.
Dans l’hypothèse d’une victoire du Front populaire-Nupes, il devra, ses gènes venant de la gauche révolutionnaire, officiellement se réjouir. Mais en réalité, l’Algérie, gardant un mauvais souvenir des septennats mitterrandiens, n’aime pas particulièrement la gauche française, trop irréaliste, idéologue et « droit de l’hommiste » à ses yeux.
Pour Alger, le bon interlocuteur est finalement celui qui vient de la droite modérée, gaulliste ou giscardienne, interlocuteur qui a tant à se faire pardonner aux yeux du pouvoir algérien et qu’à Alger on sait facilement « rouler dans la farine ».
La pire inconnue pour Alger serait évidemment un pouvoir issu du RN et un Jordan Bardella premier ministre. Là, c’est le saut dans le vide pour le système algérien : des interlocuteurs inconnus, jeunes, n’ayant jamais exercé le pouvoir, ignorants de l’Algérie et de ses règles comme de son système, réputés proches des pieds-noirs et n’ayant jamais fait le « voyage à Alger » préalable habituel à toutes les élections françaises. Tout ce qu’Alger connaît d’un Jordan Bardella, c’est son discours sur l’immigration et la promesse de renégocier ou mettre fin à l’accord franco-algérien sur l’immigration du 27 décembre 1968. Lorsque Édouard Philippe, Éric Ciotti, Manuel Valls, le RN et Éric Zemmour ont, quasiment d’une seule voix, appelé à mettre en œuvre les préconisations de la note de la Fondapol sur l’abrogation de l’accord de 1968, Alger a compris que l’affaire devenait sérieuse et qu’il fallait réagir.
Or, dans une campagne électorale algérienne, puisque les élections algériennes suivront les françaises, Tebboune a besoin d’un appui parisien, appui suffisamment explicite pour rassurer mais suffisamment discret pour continuer à critiquer la France. Le pouvoir algérien avait dès lors construit sa relation future avec Paris, à l’occasion de la visite d’État prévue à l’automne, autour de quatre points.
La dissolution rebat les cartes au Maghreb
D’abord, la consolidation de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, que des esprits chagrins ont déterré et critiqué et auquel ces derniers voudraient mettre fin. Alger comptait bien maintenir les avantages exorbitants obtenus en 1968 et toujours valables et les consolider. Il semble peu probable qu’un gouvernement Bardella renonce à abroger cet accord.
En second lieu, le président algérien comptait rapporter à Alger quelques nouveaux gestes mémoriels : la commémoration de la journée du 17 octobre 1961, opportunément remise sur le devant de la scène par le vote d’une résolution parlementaire, quelques pièces ayant appartenu à l’émir Abdelkader et peut-être l’amorce de futures (et difficiles) négociations sur l’indemnisation par la France des essais nucléaires effectués à Reggane au début de la Ve République et poursuivis – avec l’accord du gouvernement algérien, mais cela, on le taira – jusqu’en 1967. Là aussi, cela semble peu probable.
Enfin, Tebboune aurait pu rentrer à Alger avec une photo que les hagiographes n’auraient pas hésité pas à comparer aux photos immortalisées du général de Gaulle et du chancelier Adenauer à Reims en 1962 ou des deux dirigeants français et allemand, François Mitterrand et Helmut Kohl à Verdun en 1984 : une photo du président Macron l’embrassant à Amboise devant les tombes des membres de la famille de l’émir Abdelkader. Il y aurait eu de belles images reprises dans Paris Match et dans le Moudjahid, de quoi faire pleurer les Algériens de France comme ceux du bled. Mais pas sûr qu’une photo de deux « lame ducks » vaille le déplacement en France, surtout avec un Bardella en arrière-plan.
Tebboune avait sans doute imaginé signer un traité ou une déclaration d’amitié entre la France et l’Algérie : ce « traité d’Amboise » (appelons-le ainsi) que la légende aurait pu comparer au traité de l’Élysée de 1963 et qui aurait dû sceller un « partenariat stratégique » franco-algérien. Avec Jordan Bardella, on voit mal une telle déclaration.
Enfin, il faudrait prendre en compte le positionnement d’un nouveau gouvernement français vis-à-vis de Rabat et de l’épineuse question du Sahara occidental.
Finalement, rien ne se passe donc comme prévu et l’Algérie doit se féliciter de n’avoir pas à se frotter aux urnes et ne dépendre que des généraux. La dissolution de l’Assemblée nationale en France rebat les cartes au Maghreb et a des répercussions non seulement en France mais aussi de l’autre côté de la Méditerranée. Les conciliabules entre les présidents Macron et Tebboune à Bari, lors du G7 sont destinés à rassurer l’opinion algérienne : tout devrait continuer comme avant avec une éventuelle cohabitation en France. Mais il est clair que la période qui s’ouvre est loin d’être un long fleuve tranquille pour le pouvoir algérien. ■
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Xavier Driencourt est diplomate. Ancien directeur général de l’administration du Quai d’Orsay, chef de l’Inspection générale des affaires étrangères, il a été ambassadeur de France à Alger à deux reprises, entre 2008 et 2012, puis entre 2017 et 2020. Il a publié un livre retraçant son expérience: «L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger» (Éditions de l’Observatoire, 2022).
Xavier Driencourt, Politique migratoire : que faire de l’accord franco-algérien de 1968 ?, mai 2023
Les femmes françaises, en votant pour la vague bleu marine seront les premières bénéficiaires de la recomposition de notre Assemblée Nationale.
Puissent elles aller voter sans trembler, et recommander aux nouveaux élus bleu marine de débarrasser notre pays de tous les profiteurs extra territoriaux que certains pays méditerranéens nous envoient par charters organisés permanents. Et que ces élus bleu et plus que bleu, en profitent pour faire le ménage dans le tableau Excel des bénéficiaires plusieurs fois centenaires qui vivent dans leur pays militaro socialiste. Nos mémés en Ephad, seront peut être une des autres bénéficiaires collatérales du nettoyage des écuries socialistes françaises.