Par Gabrielle Cluzel.
COMMENTAIRE – Cet article est paru ce matin du 1er juillet dans Boulevard Voltaire. Gabrielle Cluzel – journaliste courage, lucide, aux idées claires affirmées avec force et autorité – on la retrouve dans les colonnes de ce site ami, mais aussi désormais, à la télévision où on l’écoute avec intérêt. Elle constate ici la montée en puissance du RN. C’est le fait. Nous aurons plutôt tendance quant à nous à féliciter les Français et tous ceux qui y ont œuvré – à nous féliciter – de la reconstitution d’un bloc patriotique puissant au sein du Pays Réel, solide, stable, et qui devrait perdurer désormais par delà les partis politiques, leurs intérêts et les aléas de leurs évolutions. Ce sera une force, un atout, appelé à grandir pour la France de demain.
Le RN a réuni ce 30 juin près de 34 % des voix. Bien mieux qu’au premier tour des législatives de 2022, puisqu’il il n’en avait alors remporté « que » 18,7 %. Mais plus que le pourcentage, plus que la projection de sièges (240 à 270), plus que le nombre significatifs de députés RN élus dès le premier tour (37), c’est la progression de la valeur absolue du nombre de votes exprimés qui est impressionnante : Près de 12 millions de voix en 2024, contre un peu plus de 4 en 2022. Le nombre d’électeurs du RN a été multiplié par trois en deux ans.
Rien n’y a fait
Les injonctions morales, les indignations larmoyanteS, les reportages cousus de fil blanc, les rétrospectives sépias sur la Seconde Guerre mondiale, les scénarios de films d’horreur, les starlettes en pâmoison, les sportifs à l’air grave, les vieilles gloires de la gauche, et les si mal nommés « ténors » de la droite – dans la chorale, ils seraient plutôt les castrats – n’ont servi à rien, zéro, nada : le barrage a cédé, submergé par le torrent. Certains castors se muent déjà en rats pressés de quitter le navire. Et au-delà des tractations, marchandages, stratégies du plat de lentille qui ne vont pas manquer d’occuper l’actualité cette semaine, c’est sans doute ce phénomène qui est le fait plus marquant de ce premier tour des élections législatives. Comme si, au fil du temps, le poison de la diabolisation était devenu mithridatisation : les accusations de racisme et de fascisme coulent comme de l’eau sur un canard, quand elles ne suscitent pas de l’urticaire. Les caves se rebiffent. Et ils sont 12 millions.
Conspuer 12 millions de personnes est plus épineux qu’en insulter une poignée. Certains s’y essaient pourtant, comme les journalistes Benjamin Bernard (de BeIN Sports), qui sur son compte X a parlé de « 12 millions de fdp » (sic)… avant de supprimer son post, ou encore la récidiviste Nassira El Moaddem (du site d’extrême-gauche Arrêt sur image mais aussi de France Inter) qui, une nouvelle fois « confirme » voir en la France « un pays de racistes dégénérés ».
« 12 millions de fdp »
Libération se paie la tête d’électeurs « déboussolés » – un peu niais, forcément – qui « voulaient absolument un bulletin de vote avec le nom Bardella inscrit dessus », et « [repartant] en râlant sans voter ». 12 millions de ces supposés benêts ont quand même visiblement fini par trouver le mode d’emploi. Et ces 12 millions d’électeurs sont infiniment précieux pour le RN car ils assoient sa légitimité. Celle-ci ne serait évidemment pas la même, à nombre de députés égal, avec une abstention massive.
« Il est plus facile de faire sortir le dentifrice du tube que de l’y faire rentrer » disait Pierre Dac. Il n’a pas été si simple, pour le RN, de décomplexer cet électorat et de le faire émerger, mais il sera encore plus compliqué pour ses adversaires de les renvoyer dans les geôles de l’infamie politique où on l’an tenu si longtemps licou serré. ■
Toujours un immense plaisir de lire et d’écouter Gabrielle Cluzel, quelle lucidite et quelle intelligence. Bravo Madame, vous surpassez tout ces pseudos journaleux qui ne sortent que des âneries à longueur de journée.