« Je suis le candidat de la vérité. Pour faire voter mon projet de redressement national, j’ai besoin d’une majorité absolue » Jordan Bardella
GRAND ENTRETIEN – À quelques jours du second tour des législatives, le «premier-ministrable» du Rassemblement national s’est longuement confié à notre journal.
LE FIGARO. – Avez-vous été surpris par l’ampleur du front républicain dans cet entre-deux-tours ?
Jordan BARDELLA. – Aujourd’hui, le vrai front républicain, c’est nous ! Et c’est la grande différence avec toutes les autres élections. Deux chemins clairs s’offrent à la France. Soit la coalition des patriotes et des républicains que je conduis, qui défend la France, mais qui protège aussi la République face à ceux qui veulent l’abîmer et qui veulent semer le trouble en son sein. Soit l’alliance du pire – celle de l’extrême gauche -, avec l’horizon d’un Jean-Luc Mélenchon premier ministre, le désarmement de la police, une ambiguïté à l’égard de l’antisémitisme, la volonté de libérer des détenus, l’enfer fiscal, le désordre et l’insurrection.
Cette alliance, soutenue par Emmanuel Macron, est celle du déshonneur. Je trouve regrettable de voir un président de la République, qui mettait en accusation l’antisémitisme et le communautarisme de LFI, se jeter dans les bras de Jean-Luc Mélenchon. Idem pour les Insoumis, qui retirent leur candidat face à Élisabeth Borne, qui s’est illustrée par la brutalité sociale et qui a mis en œuvre une réforme des retraites contre laquelle la gauche s’est élevée.
Pouvez-vous obtenir une majorité absolue ?
Oui, nous aurons une majorité absolue. La politique est une affaire de vagues, et celle qui nous porte est puissante. Il faut conjurer le spectre d’une majorité relative parce qu’on ne peut pas prendre le risque d’arrêter la France pendant trois ans, alors que le monde continue d’avancer. Nous avons une ambition et un projet pour le pays. Le seul projet et la seule ambition que portent tous mes adversaires dans cette élection consistent à m’empêcher de gagner. Je trouve que c’est un peu léger au regard du contexte économique, social, sécuritaire et migratoire qui frappe la France.
Vous soumettrez-vous à un vote de confiance ?
Oui, bien sûr.
Refuseriez-vous réellement le poste de premier ministre avec une majorité relative ?
Je suis le candidat de la vérité. Pour faire voter mon projet de redressement national, j’ai besoin d’une majorité absolue. Pas un seul Français ne croit que je pourrai raisonnablement changer les choses si je n’ai pas avec moi la majorité parlementaire pour faire voter mon projet sur le pouvoir d’achat, la sécurité ou la maîtrise de l’immigration.
Tendrez-vous la main à des députés LR ?
J’appelle Les Républicains au courage et à l’intérêt national. Nous pouvons avoir des étiquettes politiques différentes, mais je ne veux pas croire aujourd’hui qu’un représentant de LR puisse légitimement se satisfaire de voir la coalition Macron-Mélenchon paralyser le pays à l’heure d’un décrochage économique inédit, d’une faillite budgétaire sans précédent et d’un désordre migratoire et sécuritaire qui fragmente la société. Chacun devra prendre ses responsabilités dans cette période. Moi je suis prêt à la main tendue. S’il faut élargir ma majorité, je le ferai.
En cas de majorité relative, utiliseriez-vous le 49.3 ?
Dans l’esprit de la Constitution, le 49.3 a été pensé pour contraindre sa propre majorité lorsqu’un texte ne faisait pas consensus en son sein. Il n’a pas été conçu comme une méthode de gouvernement. Or, quand on dispose d’une majorité à l’Assemblée et de la confiance des Français, il n’y a pas besoin de recourir au 49.3. En cinq ans, Nicolas Sarkozy n’a pas recouru une seule fois au 49.3.
Vous dites que des personnalités sont prêtes à rejoindre votre futur « gouvernement d’union nationale ». Lesquelles ?
Mon gouvernement est prêt. Mais j’ai choisi d’être respectueux du calendrier électoral et de ne pas sauter les étapes avant de présenter cette équipe aux Français. Compte tenu des divisions de la société et du contexte de cohabitation, je souhaite bâtir un gouvernement d’union nationale qui aura bien sûr vocation à accueillir des personnalités du RN ainsi que de la droite. Mais aussi des figures de la société civile qui, dans un domaine bien précis, ont une énergie et des compétences à mettre au service du pays.
À quoi ressemblera Bercy, et qui en sera le patron ?
Je ne peux pas vous dresser de portrait-robot, car j’ai déjà les noms en tête, et j’en ai parlé aux intéressés qui ont accepté. J’envisage deux ministres. Un ministre des Finances et des Comptes publics, auquel sera adjoint un ministre délégué, qui aura la charge de remettre en ordre les comptes de l’État et de ramener le pays à la raison budgétaire après sept ans de dérives financières et budgétaires aggravées. Et un ministre en charge spécifiquement de la Croissance, c’est-à-dire de la Compétitivité, de l’Industrie et de l’Énergie. Cela correspond à mes deux priorités économiques : la production et le retour à la raison budgétaire.
Diriez-vous que la finance est votre ennemie ?
Cela ne veut rien dire. Je veux que les gains de l’économie et les gains de la production servent non pas à la spéculation, mais qu’ils servent les Français. Qu’ils servent l’économie réelle, les baisses d’impôts, le pouvoir d’achat, nos TPE, nos PME, l’investissement pour nos entreprises… C’est d’ailleurs sans doute la différence de vision que j’ai avec le président de la République.
Supprimerez-vous les droits de succession dès votre premier budget ?
Cette mesure figure dans le projet présidentiel de Marine Le Pen. Je souhaite donc la mener, mais je ne peux pas m’engager sur un calendrier sans avoir connaissance de l’état des finances de la nation.
Roger Chudeau a fait polémique en ciblant la double nationalité de Najat Vallaud-Belkacem. Sera-t-il votre ministre de l’Éducation ?
Non.
Vous premier ministre, quel sera votre premier déplacement à l’étranger ?
Je me rendrai à Bruxelles, pour engager une dérogation aux règles européennes de tarification de l’électricité. Cela permettra à la France de retrouver l’avantage compétitif historique de la filière nucléaire, hérité du général de Gaulle et préservé jusqu’à Nicolas Sarkozy.
Et en France ?
Je me rendrai aux côtés de nos forces de l’ordre, car je souhaite être le premier ministre qui répondra à la demande d’autorité dans le pays.
Que dites-vous aux électeurs qui ont voté pour le Nouveau Front populaire ou la majorité sortante ?
Que le pays a besoin d’unité et d’apaisement. Il est parfaitement sain d’en revenir au peuple et aux urnes, cela ne doit jamais être synonyme de désordre. Il est normal, en période de campagne, qu’il y ait des affrontements idéologiques et programmatiques. Mais, après le verdict des urnes, viendra le temps de la mise en œuvre du projet choisi par les Français. Ce projet a vocation à bénéficier à l’ensemble du pays. Nous avons trop souffert d’un pouvoir qui a manqué de respect aux Français, en cherchant à les monter les uns contre les autres. Mon action ne sera pas celle d’un chef de parti, mais celle d’un premier ministre.
Pensez-vous, comme Marine Le Pen, que le rôle de chef des armées est un « titre honorifique » du président ?
Marine Le Pen et moi sommes respectueux de la Constitution. Permettez-moi de le préciser. Le président de la République est le chef des armées, mais le premier ministre a la charge de la Défense nationale, notamment son budget. J’ai clairement indiqué que je serai toujours respectueux de la séparation des pouvoirs et du fonctionnement des institutions. Mais mon action ne sera guidée que par une chose : la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. Je serai toujours vigilant à ce qu’aucun geste ni aucune action ne soient de nature à affaiblir la voix de la France sur la scène internationale.
De quand date votre dernier échange avec Emmanuel Macron ? Avez-vous son numéro de téléphone ?
Notre dernier échange date du 17 novembre 2023, lors de ce que l’Élysée a appelé une « rencontre en format Saint-Denis » sur les attentats du 7 octobre. J’ai, de fait, le numéro de téléphone du président, depuis qu’il m’a appelé le 26 août 2023 pour m’inviter aux premières Rencontres de Saint-Denis. Mais je n’ai pas eu besoin de l’utiliser depuis. Par exemple, sur la dissolution, que nous demandions, et qu’il a décidée, ce sont les Français qui ont été les messagers.
Craignez-vous ce que Laurent Wauquiez a appelé un « coup d’État de droit » si vous accédez à Matignon ?
Je ne veux pas croire que des serviteurs de l’État occupant d’éminentes fonctions puissent être tentés de contester une politique émanant de la volonté populaire. Car mon action sera légitimée par le vote du peuple français ! Dans la période que nous vivons, je rappelle qu’en démocratie la Cour suprême, c’est le peuple. L’esprit des institutions, qui était cher au général de Gaulle, m’est aussi très cher, de même qu’à des millions de Français. J’ai toute confiance dans les services de l’État, dans les hauts fonctionnaires, pour assurer le bon fonctionnement de l’alternance, y compris dans ses aspects les plus programmatiques. Par ailleurs, j’entends restaurer l’État autour de deux grandes réformes : le rétablissement des corps préfectoral et diplomatique, supprimés par Emmanuel Macron.
Qu’est-ce que le « coup d’état administratif » d’Emmanuel Macron, dénoncé par Marine Le Pen ?
Quelques heures avant le résultat des élections législatives, je suis très inquiet de voir le président se précipiter dans des nominations à la tête d’administrations qui sont parfois des postes concernés par des doubles signatures – dont celle du premier ministre. Si cela venait à être confirmé, alors il s’agirait d’un coup d’État administratif et d’une violation du fonctionnement le plus élémentaire de la démocratie.
Vous dites vouloir débattre avec Jean-Luc Mélenchon. Le clivage qui vous oppose à lui est un clivage gauche-droite ?
Non, c’est un clivage entre la République et l’insurrection. Entre l’ordre républicain et la tentation permanente du désordre.
Marine Le Pen envisage-t-elle de briguer la présidence de l’Assemblée plutôt que la tête du groupe RN ?
Nous avons deux vice-présidents de l’Assemblée, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, qui se sont préparés à ce poste. Dans une cohabitation, le premier ministre tire sa légitimité de la majorité parlementaire. Par conséquent, la présidence du groupe majoritaire est un rôle clé dans un dispositif où le président de la République est d’un autre bord politique.
Éric Ciotti est-il au RN ce que François Bayrou a été pour Emmanuel Macron ?
Je ne ferai pas l’offense à Éric Ciotti de le comparer à François Bayrou. Éric Ciotti a été d’un grand courage, il a fait le seul choix patriote, sincère et républicain que la période exigeait. Il a pris ses responsabilités face au péril existentiel que représente l’arrivée de l’extrême gauche au pouvoir. Je suis très honoré de pouvoir le compter à mes côtés, c’est un allié, et j’entends m’appuyer sur son expertise pour construire mon action.
Vous dites souvent que la politique est comme l’alpinisme : plus on monte, moins il y a d’air. Vous reste-t-il de l’oxygène ?
La politique est un sacerdoce qui exige un don de soi, de sa vie et de ses libertés personnelles sans commune mesure. J’y suis prêt, car je pense que les Français valent tous les sacrifices. ■
Excellent.
Aujourd’hui, le vrai front républicain, c’est nous ! (Bardella)
Voilà un solide argument pour inviter les royalistes à coller ses affiches. Et ça semble marcher. Bravo bardella t’es fort !
Il faudra quand même éradiquer le socialisme mitterrandien et son excroissance macronien. Sans compter les métatarses cancéreuses qui s’abritent dans les entreprises et n’y travaillent pas.
La naissance de syndicats non politisés pourraient rééquilibrer les financements de ces parasites sociaux économiques.
Veuillez prendre les mesures de sauvegarde des fichiers sociaux gérés par ceux que De Gaulle a laissé faire, car vous y trouverez une mine de recettes diverses et variées immédiatement disponibles. Gare aux incendies informatiques de nuits.
Un entretien qui donne (encore) raison à Frédéric Rouvillois : la république est un mot tellement vague que tout le monde peut s’en réclamer et en rejeter son ennemi.
Les corps intermédiaires. Les vrais corps intermédiaires… Reconstruire l’ossature naturelle de la France.
Je suis interpellée par le tableau de Shepard FAIREY alias Obey où cette étrange Marianne à connotation maçonnique ( Etoile Flamboyante ) est installée derrière J. BARDELLA. Pourquoi J. BARDELLA n’a-t-il pas choisi une Marianne plus neutre comme la FREE MARIANNE de Caro GRAFFITI ? Rappelons qu’en Franc Maçonnerie » TOUT EST SYMBOLE « .
Cher Marc, je voudrais bien que tu m’expliques ce que sont, pour toi, les « corps intermédiaire » ; les syndicats ? les municipalités, les Chambres de commerce, de métier, d’agriculture ? C’est ce que nous avons déjà, avec une multitude d’organismes qui s’occupent du chômage, des allocations familiales, de la santé publique…
Tout ceci, c’est, pour moi, comme la fameuse « décentralisation » : j’attends qu’on me décrive ce qui se passerait ; parce que si c’est pour donner plus de pouvoir à Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez…