Par Dominique Jamet.
COMMENTAIRE – Cette chronique de Dominique Jamet – hebdomadaire dans Boulevard Voltaire – est parue le 19 juin. Dominique Jamet est désormais un ancien, plein d’usage et raison, du domaine public politique et médiatique ou autre. Bainville quoique monarchiste, avait la lucidité, le réalisme, l’honnêteté d’esprit de reconnaître, dans un raccourci célèbre que « tout a toujours très mal marché ». Plus ou moins toutefois et il nous semble, en ce mois de juillet près de finir, que, sous cet aspect, nous avons atteint une forme assez achevée de superlatif. Nous ne critiquerons pas Dominique Jamet sur la teneur de son billet, comme toujours agréable à lire, chargé de bon sens et de réalisme. Il a la sagesse d’attirer discrètement l’attention de ses lecteurs sur cette sorte de présomption des fondateurs de la Ve République qui avaient cru pouvoir « nous garantir » toutes ces qualités de l’État sorti de leurs œuvres, qui sont aujourd’hui balayées. À vrai dire, nous doutons que De Gaulle, monarchiste et fervent de la Tradition plutôt que des Lois, y ait cru vraiment lui-même.
« Tout ce que les fondateurs de la Ve avaient cru pouvoir nous garantir – la stabilité, la continuité et l’autorité de l’État, a été soudain balayé ».
Les institutions sont à leur naissance ce que les pères fondateurs voulaient qu’elles soient. Puis elles deviennent ce que les hommes et les usages en font. Il y a encore quelques semaines, l’image de notre Constitution était généralement positive. Les spécialistes célébraient sa force et sa souplesse. Malgré quelques modifications discutables telles que le passage du septennat au quinquennat qui alignait le temps présidentiel sur le temps parlementaire et l’interdiction du cumul des mandats, qui coupe les élus de leur territoire, on appréciait notamment le glissement élégant qui faisait passer en cas de besoin, c’est-à-dire en période de cohabitation, la réalité du pouvoir et la prééminence de l’exécutif de l’Élysée à Matignon et du chef de l’État à son Premier ministre, en fonction de l’orientation voulue par le suffrage universel. À près de soixante-six ans, la loi fondamentale de 1958 ne faisait pas son âge. En cas de conflit entre le président de la République et le Parlement, le chef de l’État disposait de deux recours : soit par la dissolution soit par le biais du référendum, il lui était permis de demander au peuple tout entier d’arbitrer entre la représentation nationale et lui-même. De Gaulle ne s’en privait pas. Pour mémoire, il lui était également possible de démissionner. De Gaulle, comme on sait, s’y autorisa.
On ne saurait penser à tout, et moins encore tout prévoir. Les délicats équilibres de la Constitution reposaient implicitement sur le présupposé consubstantiel à la nature de la politique d’une droite éternelle, d’une gauche perpétuelle et de leur alternance aux affaires.
Les conséquences de la dissolution de convenance décrétée par Emmanuel Macron le 9 juin 2024 ont placé le pays et l’apprenti sorcier du 55 faubourg Saint-Honoré devant une situation aussi inédite qu’imprévue. Entre Jeux olympiques et jeux du cirque, l’été qui commence a ouvert une période de vacance sans que, au moment où sont écrites ces lignes, qui que ce soit puisse prévoir la date de la rentrée. Ni Michel Debré, ni (Dieu me pardonne) le général de Gaulle lui-même n’avaient anticipé la tripartition et le cul-de-sac où s’est embourbé le char de l’État. Aucun des trois blocs entre lesquels se sont répartis la quasi-totalité des députés élus les 30 juin et 7 juillet n’étant majoritaire, aucun d’eux ne peut prétendre accéder au gouvernement sans être immédiatement placé sous la fatale épée de Damoclès des deux autres blocs. À perte de vue, et très précisément en attendant qu’une nouvelle dissolution puisse intervenir, soit en juin 2025, la France est et restera ingouvernable.
Retour vers le futur ? Conducteur et chauffard, Emmanuel Macron nous a fait repasser en IVe. Tout ce que les fondateurs de la Ve avaient cru pouvoir nous garantir – et la promesse, par exception, avait été tenue -, la stabilité, la continuité et l’autorité de l’État, a été soudain balayé et nous avons vu, nous voyons et nous verrons la résurrection des partis, de leurs intrigues, de leurs combinaisons, de leur petite cuisine comme au bon vieux temps de ce régime d’Assemblée qui avait fait de la France de l’après-guerre et de l’avant de Gaulle le désespoir des citoyens et la risée du monde.
Rétrospectivement, avec seulement un mois de recul, le coup de théâtre du 9 juin dernier apparaît pour ce qu’il est : ni coup de force, ni coup de génie, mais tout simplement pire qu’un coup d’épée dans l’eau, la faute grossière de celui qui, après avoir passé pour le Mozart de la finance, s’est pris pour le Machiavel de la politique et s’est tout simplement tiré une balle dans le pied.
Que s’est-il passé ? Réélu en mai 2022, Emmanuel Macron s’était vu refuser, un mois plus tard, la confirmation de sa légitimité. Blessé dans son orgueil, entravé dans son action, le Président sortant puis rentré supportait de plus en plus mal les contorsions, les manœuvres, les subterfuges et, bien sûr, le recours à l’article 49.3 auxquels le contraignait la fameuse « majorité relative » qui n’était qu’une minorité effective. Or, les élections européennes du 9 juin n’avaient fait que confirmer la détérioration de son image et l’affaiblissement de son pouvoir. C’est de ce statut, à ses yeux humiliant et même insupportable qu’il a décidé dans un moment d’hubris irrationnel de faire appel le 30 juin. On connaît la suite. Et l’on en voit déjà les effets.
Le Président Macron vit désormais, politiquement parlant, la même agonie que le monarque en fin de parcours dont Ionesco met en scène, dans Le roi se meurt, le déclin, l’abandon et la fin. Lui aussi, depuis la défaite cinglante qu’ont subie ceux qui « bénéficiaient » de son parrainage, est celui dont les flatteurs se détournent, dont les courtisans ont oublié le nom et dont le pouvoir, qui se réduit de jour en jour, se limitera bientôt à son palais, puis à son bureau, puis à sa chambre à coucher. Il était celui qui pouvait dire : « C’est grâce à moi que vous avez été élus » ; il est celui à qui les insolents répliquent : « C’est à cause de toi qu’on a été battus ». Il était censé résoudre les problèmes et sauter les obstacles. Il est l’obstacle. La Constitution de la Ve République n’interdit pas au chef de l’État de tirer les conséquences de son impopularité. ■ DOMINIQUE JAMET
Je ne suis pas du tout de l’avis de Dominique Jamet. Je pense, pour ma part, est dans la phase la plus aiguë de son narcissisme orgasmique.
Vous pensez bien : il est seul : il a devant lui, les babines dégoulinantes la quasi totalité de la population française jusques et y compris ceux qui l’avaient adoubé d’enthousiasme et l’avaient proclamé leur gourou. Et qu’il méprisait à hauteur de ce qu’il s’estime.
Désormais il n’a plus à ménager quiconque : il est seul contre tous : il l’a toujours été d’ailleurs. Le meilleur élève de la classe, le type qui parvient à coucher avec son prof et qui la pique à sa famille, le « Mozart de la Finance », le Yago qui contraint le Président de la République à se replier, la queue basse, en 2017.
Et maintenant tout seul. Grisant, non ? Une délicieuse année à voir s’écharper tous les autres ; et deux années de jouissance supplémentaire ; vous savez ce que ça veut dire, « jouissance » ?
Ah, la France ? Il y a longtemps qu’on sait qu’il s’en tamponne. Mais son « moi » !
D’accord avec Pierre Builly, me semble t-il , Iago , personnage d’Othello ne cherche finalement que sa propre destruction à travers celle les autres. Il ne peut qu’être démasqué . Quant à prendre ses responsabilités.? Lesquelles ? Puisque tout son art est de les fuir?,..