1178 : Frédéric 1er Barberousse est couronné en Arles Empereur du Saint Empire Romain Germanique
Barberousse miniature de 1188.
La cérémonie est présidée par l’archevêque d’Arles, Raimon de Bollène.
A cette époque, la Provence ne faisait pas encore partie du Royaume de France, mais était une province du Saint Empire, lequel avait le Rhône pour frontière. Et la ville d’Arles jouissait d’un prestige certain : favorisée par Jules César, puis par Constantin le Grand, elle accueillit plusieurs conciles, dont celui qui, en présence de l’Empereur Constantin lui-même, condamna le Donatisme.
A partir de la chute de l’Empire romain, l’histoire de la région fut marquée par les diverses invasions (wisigoths, ostrogoths, sarrasins…), puis l’intégration à l’Empire de Charlemagne et, à la dislocation de celui-ci, une certaine indépendance, plus ou moins maintenue, jusqu’à l’absorption, en 1032, dans le Saint Empire.
En 1365, le 4 juin, un autre empereur germanique, Charles IV, se fera couronner comme son prédécesseur Frédéric Barberousse, roi d’Arles, à la cathédrale Saint-Trophime.
En ce temps-là, les bateliers qui descendaient le Rhône ne disaient pas « à droite/à gauche », ni « babord/tribord » mais, s’ils voulaient aller à droite, « Reiaume » (parce qu’il fallait aller du côté du Royaume de France); ou, s’ils voulaient aller à gauche, « Empèri » (parce qu’il fallait aller du côté du Saint Empire : on trouve là l’origine du nom du Château de l’Empèri, à Salon (ci contre).
Malgré un premier rapprochement, esquissé par le mariage de Louis IX avec Marguerite de Provence, il faudra attendre plusieurs siècles pour que la France atteigne sa « frontière naturelle » du côté des Alpes. La première réunion fut celle du Dauphiné, en 1349, réunion à partir de laquelle l’héritier du royaume devait porter le titre de « Dauphin ».
Il faudra attendre Louis XI, en 1481, pour que la Provence devienne française à son tour.
Enfin, il faudra attendre Napoléon III et les plébiscites de 1860 pour que Nice – détachée de la Provence en 1388 – et la Savoie (le Val d’Aoste ayant été malencontreusement « oublié » par les négociateurs français) intègrent à leur tour la communauté nationale.
1589 : Les deux Henri III, de France et de Navarre, mettent le siège devant Paris
Nous sommes à la huitième et dernière des Guerres de religion qui, de 1562 à 1598, ont déchiré la France.
Les deux rois – tous deux « Henri III » – ont réuni une armée de plus de 30.000 hommes. Le duc d’Epernon les rejoint avec un renfort de 15.000 hommes principalement composés de Suisses. Paris est alors défendue par 45.000 hommes de la milice bourgeoise, armée par le roi d’Espagne Philippe II.
Paris est alors en proie à une véritable hystérie « religieuse », et La Sorbonne vient de relever tous les Français – et pas seulement les Parisiens… – de leur devoir de fidélité au roi légitime, sacré à Reims, Henri III de Valois (ci contre). Le roi d’Espagne, Philippe II, se fait un plaisir d’intervenir dans nos affaires et soutient la Ligue catholique, opposée à Henri III de France, catholique mais allié à Henri III de Navarre, réformé, qu’il a reconnu comme son successeur, puisqu’il n’a pas d’enfant.
A 261 ans de distance, l’histoire, en effet, se répète : en 1328 mourait – sans enfant – le troisième et dernier héritier de Philippe le Bel, Charles IV le Bel. Avec lui s’éteignait la lignée des Capétiens directs (voir nos éphémérides des 1er février et 2 février) et il fallut trouver un remplaçant : ce fut Philippe VI de Valois qui fut choisi, ce qui fut l’un des prétextes de la Guerre de Cent ans.
En 1589, il se passa exactement la même chose qu’en 1328 : en 1328, après un règne brillant (Philippe le Bel) les trois fils du roi régnèrent successivement, mais aucun n’eut d’héritier mâle (seul Louis X eut un fils, qui mourut à l’âge d’un an); en 1589, après le règne brillant d’Henri II, fils de François premier, ses trois enfants régnèrent eux aussi, l’un après l’autre, mais sans avoir d’héritiers mâles non plus : François II, Charles IX et Henri III.
La logique dynastique, déjà suivie en 1328, voulait que l’on choisît le plus proche cousin d’Henri III de France – fut-il très lointain… – c’est-à-dire Henri III de Navarre. Mais Henri III de Navarre était réformé, et donc rejeté par la grande majorité des Français, partout en France et surtout à Paris, la ville-capitale, totalement acquise à la Ligue catholique. On fit même sacrer, sous le nom de Charles X, un autre Bourbon, qui était cardinal, mais qui mourut sur ces entrefaites…
C’est le grand mérite d’Henri III – dont Bainville a bien souligné le dévouement – que d’avoir eu une vision politique des choses : « …la France avait failli se dissoudre et tomber aux mains de l’étranger. Henri III avait tout sauvé en exposant sa vie pour le respect du principe héréditaire, fondement de la monarchie et de l’indépendance nationale… »
En effet, le siège de Paris ne sera pas long pour Henri III, dernier représentant de la dynastie des Valois : arrivé le 30 juillet, il sera frappé par le poignard de Jacques Clément deux jours après, le 1er août, et décédera dans la nuit du 2 au 3…
Henri III de Navarre, du coup, devient Henri IV, premier « Roi de France et de Navarre », cette province n’ayant plus, désormais, de roi particulier, son souverain étant désormais confondu avec le roi de France…
Il réussira à ramener la paix dans un royaume qui se déchirait atrocement depuis près de quarante ans : il mourra pourtant, lui aussi (le 14 mai 1610) assassiné par le poignard d’un fanatique, après un règne bienfaisant et réparateur d’un peu plus de vingt années.
Les deux « Henri III » sont les deux seuls rois de France assassinés, exception faite, bien sûr de Louis XVI et Louis XVII, ainsi que de la reine Marie-Antoinette, dont l’essence même de l’assassinat était radicalement différente :
• en tuant Henri III, puis Henri IV les forcenés fanatiques ne voulaient pas détruire la religion chrétienne, ils pensaient au contraire en préserver la pureté;
• et ils ne remettaient pas en cause le principe monarchique, ils pensaient au contraire le confier à un roi, selon eux, plus digne.
Les terroristes révolutionnaires de 89/93, eux, avec l’assassinat du roi sacré – continué par le martyre de l’enfant-roi – jetèrent à la tête de la France et du monde le défi que représentait « l’acte le plus terriblement religieux de notre Histoire » (selon le mot si juste de Prosper de Barante); ils voulaient éradiquer – du point de vue spirituel – la religion traditionnelle de la France, chrétienne depuis Clovis (c’est-à-dire depuis avant même que « la France » ne fût « la France »; et ils voulaient éradiquer – du point de vue temporel – la royauté traditionnelle, pour remplacer l’une et l’autre par leur nouvelle religion républicaine, abstraction idéologique dont l’Histoire a amplement montré la nocivité mortifère…
Morts à l’étranger, faits prisonnier sur le champ de bataille, préférant quitter Paris révolté afin d’y revenir après avoir dompté les rebelles, assassinés : plusieurs rois de France ont eu un destin hors du commun, que recensent quatre de nos Ephémérides : • pour les rois morts à l’étranger, voir l’éphéméride du 8 avril;
• pour les rois faits prisonniers sur le champ de bataille, voir l’éphéméride du 11 février;
• pour les rois ayant préféré quitter Paris révolté afin d’y revenir après avoir dompté les rebelles, voir l’éphéméride du 21 mars;
• pour les rois assassinés, voir l’éphéméride du 30 juillet.
1867 : la Coupo santo offerte par les Catalans
Voici un sujet qui, s’il concerne bien sûr, au premier chef, les Provençaux, revêt une importance symbolique et politique pour l’ensemble des cultures françaises, et européennes.
En effet, il montre bien que, si l’amour de la « petite patrie » est le meilleur moyen d’aimer « la grande », le nationalisme bien compris n’est nullement un repli sur soi mais, bien au contraire, une ouverture aux autres. On le voit ici, à travers l’amitié et la solidarité transfrontalières entre Catalans et Provençaux : il s’agit, en l’occurrence, de solidarité historique, culturelle et linguistique, mais ces solidarités peuvent s’étendre à tous les autres domaines.
Lorsque Mistral compose l’Ode à la Race latine (qu’il récite pour la première fois, en public, à Mobtpellier, voir l’éphéméride du 25 mai), il est bien évident qu’il ne le fait pas dans un esprit d’exclusion des autres cultures qui composent l’Europe, mais qu’au contraire, en en exaltant une, il les exalte toutes, et les appelle toutes à se fédérer autour de leurs héritages communs, spirituels, religieux, historiques etc… : à travers l’Idéal que Mistral fixe A la Race latine, c’est toute l’Europe, chrétienne et gréco-latine qui, malgré ses déchirements, est appelée à rester greffée sur ses fondamentaux civilisationnels, qui sont les mêmes pour tous les Européens.
Voici donc, rapidement rappelées, l’histoire – et le sens – de la Coupo santo.
L’amitié de cœur et d’esprit entre les Catalans et les Provençaux est une constante chez ces deux peuples frères, qui sont deux des sept branches de la même raço latino.
En 1867 en Catalogne un puissant mouvement fédéraliste se dresse contre l’Etat espagnol : il est conduit par Victor Balaguer, Jacinto Verdaguer et Milos y Fontals. Pendant quelques temps ces derniers sont déclarés indésirables en Espagne et la reine Isabelle II les exile. Jean Brunet, lié à certains des exilés catalans, leur offre l’hospitalité, avec les félibres provençaux. Les Catalans passent quelques mois en terre provençale puis regagnent leur pays.
Le 30 juillet 1867, les catalans sont invités par les félibres : un grand banquet se déroule à Font-Ségune. C’est à ce moment là que les catalans, en remerciement de l’accueil fait par les félibres lors de leur exil, offrent la coupe en argent aux félibres.
Il s’agit d’une conque de forme antique, supportée par un palmier. Debout contre le tronc du palmier deux figurines se regardent: ce sont les deux sœurs, la Catalogne et la Provence. La Provence a posé son bras droit autour du cou de la Catalogne, pour lui marquer son amitié; la Catalogne a mis sa main droite sur son cœur, comme pour remercier.
Dans notre album Maîtres et témoins…(I) : Frédéric Mistral. voir la photo « La Coupo (I) » et la suivante
Aux pieds de chacune des deux figurines, vêtues d’une toge latine et le sein nu, se trouve un écusson avec les armoiries de sa province.
Autour de la conque et au dehors, écrit sur une bande tressée avec du laurier, on lit l’inscription suivante :
« Souvenir offert par les patriotes catalans aux félibres provençaux pour l’hospitalité donnée au poète catalan Victor Balaguer. 1867 »
Sur le piédestal sont finement gravées les inscriptions suivantes :
« Elle est morte, disent-ils, mais je crois qu’elle est vivante » (Balaguer) – « Ah ! s’ils savaient m’entendre ! Ah ! s’ils voulaient me suivre ! » (F.Mistral)
Cette coupe a été ciselée par le sculpteur Fulconis d’Avignon, lequel refusa d’être payé pour son travail, lorsqu’il apprit la destination et le sens de cette Coupo, beau symbole de l’amitié entre deux peuples, auquel il a ainsi grandement contribué.
Mistral prévenu de ce cadeau compose la Cansoun de la Coupo. Elle contient 7 couplets de 4 vers et un refrain de 5 vers.
En temps normal la Coupo est conservée dans un coffre, traditionnellement elle « sort » au moins une fois l’an au moment de la Santo Estello (fête annuelle des félibres se déroulant pour Pentecôte dans une grande ville du pays d’Oc). A la fin du banquet de la Santo Estello, le Capoulié du Félibrige prononce un discours puis boit à la Coupo (du vin de Châteauneuf du Pape). Ensuite tous les félibres peuvent boire aussi à la Coupo.
A leur tour, quelques temps plus tard, les poètes provençaux offrirent une sorte de réplique de la Coupo (ci dessus) à leurs amis Catalans…
Texte complet de l’hymne la Coupo santo, et une proposition de traduction
I
Prouvençau, veici la coupo / Provençaux, voici la Coupe
Que nous vèn di Catalan. / Qui nous vient des Catalans.
Aderèng beguen en troupo / Tour à tour, buvons ensemble
Lou vin pur de nostre plant. / Le vin pur de notre cru.
Refrain
Coupo Santo, E Versanto / Coupe sainte, et débordante,
Vuejo à plen bord, / Verse à pleins flots,
Vuejo abord lis estrambord / Verse à flots les enthousiasmes
E l’enavans di fort ! / Et l’énergie des forts !
II
D’un vièi pople fièr et libre / D’un vieux peuple fier libre
Sian bessai la finicioun ; / Nous sommes peut-être les derniers.
E, se toumbon li Felibre, / Et si tombent les Félibres,
Toumbara nosto Nacioun. / Tombera notre Nation.
III
D’uno raço que regreio / D’une race qui regerme
Sian bessai li proumié gréu / Nous sommes peut-être les premiers germes
Sian bessai de la Patrio / Nous sommes peut-être de la Patrie
Li cepoun emai li priéu. / Les piliers et les chefs.
IV
Vuejo-nous lis esperanço / Verse-nous les espérances,
E li raive dou jouvent, / Et les rêves de la jeunesse,
Dou passat la remembranço /Du passé, le souvenir,
E la fe dins l’an que vèn. / Et la foi dans l’an qui vient.
V
Vuejo-nous la couneissènço / Verse-nous la connaissance
Dou Verai emai dou Bèu, / Du Vrai comme du Beau,
E lis àuti jouissènço / Et les hautes jouissances
Que se trufon dou toumbèu. / Qui se rient du tombeau.
VI
Vuejo-nous la Pouesio / Verse-nous la Poésie
Pèr canta tout ço que viéu, / Pour chanter tout ce qui vit,
Car es elo l’ambrousio / Car c’est elle l’ambroisie
Que tremudo l’ome en Diéu. / Qui transforme l’homme en Dieu.
VII
Pèr la glori dou terraire / Pour la gloire du Pays
Vautre enfin que sias counsènt, / Vous enfin qui êtes consentants
Catalan, de liuen, o fraire, / Catalan, au loin, nos frères
Coumunien toutis ensèn ! / Communions tous ensemble !
Trois de nos éphémérides essayent de restituer au moins une partie de la puissance et de la beauté de la poésie mistralienne (8 septembre, naissance; 25 mars, décès; 29 février, Prix Nobel) : elles sont réunies et « fondues », pour ainsi dire, en un seul et même PDF, pour la commodité de la consultation : Frédéric Mistral
Et six autres de nos Ephémérides rendent compte de son action, de ses initiatives ou d’autres prises de position importantes :
- la création du Félibrige et la fête de son Cinquantenaire (Ephéméride du 21 mai);
- l’institution de la Fèsto Vierginenco (Ephéméride du 17 mai) et celle de l’Election de la Reine d’Arles (Ephéméride du 30 mars);
- le contexte historico/politique de la création de la Coupo Santo (Ephéméride du 30 juillet);
- Frédéric Mistral récite L’Ode à la Race latine à Montpellier (Ephéméride du 25 mai);
- enfin, la publication de son brulot anti-jacobin, fédéraliste et décentralisateur, donc authentiquement « politique », traditionnaliste et réactionnaire : La Coumtesso (Ephéméride du 22 août)
Pour finir, écoutez cette Coupo Santo plutôt bien chantée. En revanche, si vous lisez les paroles, vous constaterez que la graphie en est détestable, l’orthographe dite occitane y est redoutable. Reportez-vous au texte donné plus haut, en bon provençal mistralien.
1944 : Dernière lettre de Saint-Exupéry : « au Général X »
» Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif... » : la seule urgence, le seul salut, c’est – toujours et partout – de réarmer spirituellement la France…
Le lendemain, 31 juillet, l’avion de Saint Ex est abattu près des côtes de Marseille (ci dessus)
Dernière lettre de Saint-Exupéry : au général X
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