« Pour Paris, il y avait sans doute plus d’avantages à se rapprocher de Rabat que de maintenir les faux-semblants avec Alger » Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger.
Entretien par Guibert Clarisse .
ENTRETIEN – Dans une lettre adressée au roi du Maroc, Mohammed VI, le chef de l’État a affirmé que le plan du Maroc pour le Sahara occidental était la « seule base pour aboutir à une solution politique juste ». L’historien du Maghreb contemporain décrypte cette décision.
Normalien, agrégé et docteur en histoire, Pierre Vermeren est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages remarqués, comme « La France qui déclasse. De la désindustrialisation à la crise sanitaire » (Tallandier, « Texto », 2020) et « L’Impasse de la métropolisation » (Gallimard, « Le Débat », 2021). Il publie avec Sarah Ben Néfissa « Les Frères musulmans à l’épreuve du pouvoir. Égypte, Tunisie (2011-2021) » (Odile Jacob, 31 janvier 2024). Pierre Vermeren a récemment publié : Histoire de l’Algérie contemporaine (Nouveau Monde Éditions, 2022) et Le Maroc en 100 questions. Un royaume de paradoxes (Tallandier, «Texto», 2024).
« Alger s’intéresse à la France pour des questions liées à l’immigration et à la mémoire, mais combat avec vigueur la francophonie ».
Le FIGARO. – Dans une lettre adressée au roi du Maroc, Mohammed VI, rendue publique mardi 30 juillet, Emmanuel Macron affirme que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental est la « seule base » de négociation pour régler le conflit. En quoi consiste ce plan ? L’Algérie avait-elle proposé un plan alternatif ?
Pierre VERMEREN. – Le plan marocain « de large autonomie au Sahara » occidental avait été proposé en 2007. Il consiste à faire reconnaître la souveraineté marocaine du territoire, tout en préservant en partie son autonomie. De son côté, l’Algérie s’en tient à la position, plus que trentenaire, de l’ONU. Elle propose d’organiser un référendum pour laisser le territoire déterminer son indépendance ou non.
Aujourd’hui, la France confirme son ralliement ancien à la position marocaine, mais elle affirme aussi l’exclusivité du plan d’autonomie comme base de négociations ; tout en parlant de souveraineté marocaine, elle ne rompt toutefois pas avec la légalité internationale, puisque l’ONU reste le maître d’œuvre. C’est donc une nouveauté relative.
Dans cette lettre, il écrit également : « Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. » Pourquoi le président de la République décide-t-il maintenant de se ranger du côté marocain ?
La France sort d’une longue période de crise avec le Maroc, entamée sous le mandat de François Hollande, intensifiée sous les deux présidences d’Emmanuel Macron, et qui a atteint son acmé à l’été 2023.
D’abord, la France n’avait jamais remis en cause sa position officielle, le soutien au plan proposé par le Maroc, dès 2007. Cependant, elle l’avait mise en sourdine dans le cadre du rapprochement avec l’Algérie, voulu par François Hollande, puis par Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il s’agit donc d’un retour à une position historique sur le conflit au Sahara occidental.
Cette décision intervient aussi dans un contexte politique particulier : l’élection présidentielle algérienne au mois de septembre. La campagne électorale favorise les discours hostiles à la position française et, à n’en pas douter, au tournant d’Emmanuel Macron
Mais Emmanuel Macron acte l’exclusivité du plan de large autonomie, ce qui répond à une demande pressante du Maroc. Pour sortir de la brouille entre les deux pays, le Maroc exigeait ce soutien. La brouille n’était pas uniquement diplomatique, mais aussi personnelle, entre Emmanuel Macron et Mohammed VI. Ensuite, le président de la République a certainement eu le sentiment d’être allé au bout des possibilités de sa relation avec l’Algérie. Il revient alors à l’entente avec le Maroc.
D’autres éléments ont potentiellement été mis dans la balance, comme la grâce accordée aux quatre journalistes et intellectuels marocains – dont un Franco-Marocain – emprisonnés au Maroc. En effet, il a souvent été reproché à Emmanuel Macron d’oublier la question des droits de l’homme. Enfin, cette reconnaissance correspond aussi aux 25 ans de règne de Mohammed VI, anniversaire qui risquait d’être occulté par les Jeux olympiques. Ainsi, la France offre un cadeau officiel au monarque.
Dans l’histoire, quelle a été la position française sur le conflit au Sahara occidental ?
Sur cette question, la France a toujours été aux côtés du Maroc. Sur le plan diplomatique, membre du conseil de sécurité, elle y soutient le Maroc dans le cadre du conflit au Sahara occidental, sans jamais se départir de la légalité internationale. Ensuite, la France a soutenu officieusement le Maroc au plan militaire. À l’époque de la guerre froide, ce soutien a pu se concrétiser par un appui aérien en provenance de la base française de Dakar face au Polisario.
Enfin, la France a soutenu le plan marocain de large autonomie dès 2007, sous Nicolas Sarkozy qui en fut un inspirateur. À l’époque, il s’agissait d’une position avancée. Position que la France a mise de côté, au début de la brouille marocaine, en 2014, mais sans jamais la dénoncer. Entre-temps, d’autres pays, comme l’Angleterre ou l’Espagne – et surtout les Etats-Unis -, sont allés plus loin que la France.
Le Maroc a renforcé ses positions dans les années 2010, et la France en prend acte aujourd’hui, en reconnaissant le plan marocain de large autonomie comme la « seule base » de négociation dans le conflit au Sahara occidental. Il ne s’agit pas d’une rupture, mais d’une remise en ligne d’une position historique cohérente.
Quels risques cette lettre présidentielle représente-t-elle pour les relations franco-algériennes ? Peut-on s’attendre à des représailles du côté algérien ?
Depuis l’élection de François Hollande en 2012, les présidents français affirment leur souhait de renouer avec Alger et rêvent d’obtenir un traité de réconciliation, sur le modèle de celui signé avec l’Allemagne en 1963. Aujourd’hui, les relations avec Alger restent difficiles. L’État algérien a notamment choisi d’autres partenaires commerciaux et stratégiques que la France, comme la Russie, la Chine, voire l’Allemagne ou encore l’Italie. Alger s’intéresse à la France pour des questions liées à l’immigration et à la mémoire, mais combat avec vigueur la francophonie.
Cette décision causera-t-elle un durcissement sur la question des visas, ou un arrêt des discussions sur la question mémorielle ? Le premier signal est en tout cas le rappel de l’ambassadeur algérien. Les questions géopolitiques et militaires se posent aussi : l’Algérie a pris ses distances avec la France dans sa politique saharienne, ce qui a contribué au retrait de la France du Sahel, et Alger y est à son tour en difficulté.
Dès la semaine dernière, l’Algérie protestait contre la potentielle réaffirmation de la position française dans le conflit au Sahara occidental. Cette décision intervient aussi dans un contexte politique particulier : l’élection présidentielle algérienne au mois de septembre. La campagne électorale favorise les discours hostiles à la position française et, à n’en pas douter, au tournant d’Emmanuel Macron. Cependant, la rupture ne peut pas être totale, parce que les relations franco-algériennes sont très diverses. Par exemple, Alger ne peut pas abandonner la puissante communauté franco-algérienne présente en France, surtout en période électorale…
Finalement, la position présidentielle correspond au « en même temps » macronien : d’un côté, il souhaite se rapprocher d’Alger, et, de l’autre, il se réconcilie avec Rabat.
Le FIGARO. – Dans une lettre adressée au roi du Maroc, Mohammed VI, rendue publique mardi 30 juillet, Emmanuel Macron affirme que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental est la « seule base » de négociation pour régler le conflit. En quoi consiste ce plan ? L’Algérie avait-elle proposé un plan alternatif ?
Pierre VERMEREN. – Le plan marocain « de large autonomie au Sahara » occidental avait été proposé en 2007. Il consiste à faire reconnaître la souveraineté marocaine du territoire, tout en préservant en partie son autonomie. De son côté, l’Algérie s’en tient à la position, plus que trentenaire, de l’ONU. Elle propose d’organiser un référendum pour laisser le territoire déterminer son indépendance ou non.
Aujourd’hui, la France confirme son ralliement ancien à la position marocaine, mais elle affirme aussi l’exclusivité du plan d’autonomie comme base de négociations ; tout en parlant de souveraineté marocaine, elle ne rompt toutefois pas avec la légalité internationale, puisque l’ONU reste le maître d’œuvre. C’est donc une nouveauté relative.
Dans cette lettre, il écrit également : « Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. » Pourquoi le président de la République décide-t-il maintenant de se ranger du côté marocain ?
La France sort d’une longue période de crise avec le Maroc, entamée sous le mandat de François Hollande, intensifiée sous les deux présidences d’Emmanuel Macron, et qui a atteint son acmé à l’été 2023.
D’abord, la France n’avait jamais remis en cause sa position officielle, le soutien au plan proposé par le Maroc, dès 2007. Cependant, elle l’avait mise en sourdine dans le cadre du rapprochement avec l’Algérie, voulu par François Hollande, puis par Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il s’agit donc d’un retour à une position historique sur le conflit au Sahara occidental.
Cette décision intervient aussi dans un contexte politique particulier : l’élection présidentielle algérienne au mois de septembre. La campagne électorale favorise les discours hostiles à la position française et, à n’en pas douter, au tournant d’Emmanuel Macron
Mais Emmanuel Macron acte l’exclusivité du plan de large autonomie, ce qui répond à une demande pressante du Maroc. Pour sortir de la brouille entre les deux pays, le Maroc exigeait ce soutien. La brouille n’était pas uniquement diplomatique, mais aussi personnelle, entre Emmanuel Macron et Mohammed VI. Ensuite, le président de la République a certainement eu le sentiment d’être allé au bout des possibilités de sa relation avec l’Algérie. Il revient alors à l’entente avec le Maroc.
D’autres éléments ont potentiellement été mis dans la balance, comme la grâce accordée aux quatre journalistes et intellectuels marocains – dont un Franco-Marocain – emprisonnés au Maroc. En effet, il a souvent été reproché à Emmanuel Macron d’oublier la question des droits de l’homme. Enfin, cette reconnaissance correspond aussi aux 25 ans de règne de Mohammed VI, anniversaire qui risquait d’être occulté par les Jeux olympiques. Ainsi, la France offre un cadeau officiel au monarque.
Dans l’histoire, quelle a été la position française sur le conflit au Sahara occidental ?
Sur cette question, la France a toujours été aux côtés du Maroc. Sur le plan diplomatique, membre du conseil de sécurité, elle y soutient le Maroc dans le cadre du conflit au Sahara occidental, sans jamais se départir de la légalité internationale. Ensuite, la France a soutenu officieusement le Maroc au plan militaire. À l’époque de la guerre froide, ce soutien a pu se concrétiser par un appui aérien en provenance de la base française de Dakar face au Polisario.
Enfin, la France a soutenu le plan marocain de large autonomie dès 2007, sous Nicolas Sarkozy qui en fut un inspirateur. À l’époque, il s’agissait d’une position avancée. Position que la France a mise de côté, au début de la brouille marocaine, en 2014, mais sans jamais la dénoncer. Entre-temps, d’autres pays, comme l’Angleterre ou l’Espagne – et surtout les Etats-Unis -, sont allés plus loin que la France.
Le Maroc a renforcé ses positions dans les années 2010, et la France en prend acte aujourd’hui, en reconnaissant le plan marocain de large autonomie comme la « seule base » de négociation dans le conflit au Sahara occidental. Il ne s’agit pas d’une rupture, mais d’une remise en ligne d’une position historique cohérente.
Quels risques cette lettre présidentielle représente-t-elle pour les relations franco-algériennes ? Peut-on s’attendre à des représailles du côté algérien ?
Depuis l’élection de François Hollande en 2012, les présidents français affirment leur souhait de renouer avec Alger et rêvent d’obtenir un traité de réconciliation, sur le modèle de celui signé avec l’Allemagne en 1963. Aujourd’hui, les relations avec Alger restent difficiles. L’État algérien a notamment choisi d’autres partenaires commerciaux et stratégiques que la France, comme la Russie, la Chine, voire l’Allemagne ou encore l’Italie. Alger s’intéresse à la France pour des questions liées à l’immigration et à la mémoire, mais combat avec vigueur la francophonie.
Cette décision causera-t-elle un durcissement sur la question des visas, ou un arrêt des discussions sur la question mémorielle ? Le premier signal est en tout cas le rappel de l’ambassadeur algérien. Les questions géopolitiques et militaires se posent aussi : l’Algérie a pris ses distances avec la France dans sa politique saharienne, ce qui a contribué au retrait de la France du Sahel, et Alger y est à son tour en difficulté.
Dès la semaine dernière, l’Algérie protestait contre la potentielle réaffirmation de la position française dans le conflit au Sahara occidental. Cette décision intervient aussi dans un contexte politique particulier : l’élection présidentielle algérienne au mois de septembre. La campagne électorale favorise les discours hostiles à la position française et, à n’en pas douter, au tournant d’Emmanuel Macron. Cependant, la rupture ne peut pas être totale, parce que les relations franco-algériennes sont très diverses. Par exemple, Alger ne peut pas abandonner la puissante communauté franco-algérienne présente en France, surtout en période électorale…
Finalement, la position présidentielle correspond au « en même temps » macronien : d’un côté, il souhaite se rapprocher d’Alger, et, de l’autre, il se réconcilie avec Rabat. ■
Enfin du bon sens et l’arrêt de l’humiliation continuelle de notre pays devant l’arrogance et l’hostilité de l4algèrie. Le premier devoir est le rétablissement de la vérité, sur l’œuvre de la France en Algérie, sur le fait que plus d’autochtones se battaient du coté de la France que contre Elle, que les accords d’Evian signés par le FLN n’ont jamais été respectés par lui, que nous avons abandonné les populations loyales, harki, moghaznis, soldats réguliers, anciens combattants tous fiers de brandir notre drapeau au péril de leur vie, que des civils européens ont été massacrés à Oran par des bandes du FLN, que certains ont disparus sans que quiconque n’essaie de les retrouver.
Alors oui à une réconciliation dans la vérité.