Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« … Clemenceau, qui veut pouvoir continuer à faire de l’opposition, à renverser des ministères. »
La confiance est générale. Les antimilitaristes d’hier sont les premiers à réclamer un fusil.
– En quoi cet enthousiasme là n’est il pas capable de se transformer ? demande sagement Lucien M…
On continue à faire confiance à tout ce qui effrayait hier. La bourgeoisie admire Gustave Hervé, que l’assassinat de Jaurès, disent les mauvaises langues, a rendu patriote. Albert de Mun pleure d’attendrissement devant le patriotisme de la Chambre. Il appelle la journée parlementaire de mardi, le « jour sacré ». Quand on connaît la coulisse, il faut en rabattre. Hier, Bernard de Vesins était à la réunion du syndicat de la presse parisienne. Clemenceau ne veut déjà plus admettre que l’autorité militaire contrôle les épreuves des journaux, établisse une censure de salut public.
– Mais c’est la loi que nous avons votée hier au Sénat, a objecté Henry Bérenger.
– Cette loi que j’ai votée, je jure d’être le premier à lui désobéir, a répondu Clemenceau, qui veut pouvoir continuer à faire de l’opposition, à renverser des ministères.
A-t-on cru sérieusement que la France guérirait en quarante-huit heures de son anarchie ? ■ JACQUES BAINVILLE
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Photo anachronique : Clemenceau fut président du Conseil de 1906 à 1909 puis de 1917 à 1920
Marc Vergier a raison. Stricto sensu, la photo présentée en titre est anachronique. En août 1914, Clemenceau siège au Sénat, non plus à la Chambre. (Il y avait siégé comme député de 1871 à 1893 !). Il n’était pas non plus ministre, car, ayant été président du Conseil aux dates qu’indique Marc Vergier, il refusait toute autre fonction. Ces précisions utiles ayant été données, il nous semble que la photo peut rester en place comme représentation du personnage.