« De la part d’un « fils de » qui pète dans la soie depuis sa naissance….«
Par Jean-Paul Brighelli.
Cet article est paru dans Causeur tout juste hier, 9 août. Il se suffit à lui-même. Il dit avec le talent que l’on connaît et reconnaît à Jean-Paul Brighelli, à peu près tout ce que nous pensons tous. Et une majorité de Français avec nous. Nous n’ajouterons rien.
La réflexion — un terme sans doute très exagéré, dans son cas — de Mathieu Slama sur le fait que le sport, c’est de droite, semble avoir amusé notre chroniqueur. Grand sportif lui-même, et réputé d’extrême-droite par tous les bien-pensants, il a décidé d’étendre la pensée (autre terme très exagéré) de l’icône du gauchisme sous-intellectuel à tous les domaines associés au sport — tous de droite. Mais que reste-t-il à la Gauche ?
Cretinus Maximus, connu sous le sobriquet de Mathieu Slama, vient d’accoucher de l’une de ces idées lumineuses qui font de lui un phare de la pensée entre le boulevard Saint-Germain et la rue Saint-Guillaume, ce territoire du VIe arrondissement où s’élabore désormais la pensée française ultime. Les valeurs sportives de base, performance, goût de la compétition, effort et dépassement de soi « peuvent être toxiques et abîmer profondément des vies », gazouille-t-il sur l’ex-Twitter. De même le mérite, qui « n’existe pas, c’est un mensonge qui sert à justifier les inégalités et les injustices. » De la part d’un « fils de » qui pète dans la soie depuis sa naissance, c’est une déclaration d’une humilité réjouissante. Comme disait Didier Desrimais en janvier sur Causeur, il est « la glorification du vide ».
On aura remarqué, bien sûr, que toutes les valeurs — qui ne sont pas strictement sportives — que décrie notre apologiste de la paresse sont justement celles que la Gauche, en quarante ans, a soigneusement effacées de l’Ecole, qu’il s’agisse des programmes, toujours plus simplifiés, ou des pratiques pédagogiques, toujours moins contraignantes. Le pompon, la palme, la médaille étant pour les décisions de Najat Vallaud-Belkacem, dernière architecte du désastre. Aux enseignants qui doutent de la valeur de l’effort, de la contrainte, de l’acharnement, je suggère de réviser les pratiques d’entraînement de Léon Marchand.
C’est que nous en sommes, rappelez-vous, à cette inversion de toutes les valeurs que George Orwell avait prédit dans 1984. La liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force, et Mathieu Slama pense. S’il a aimé la cérémonie d’ouverture des jeux (que l’extrême-droite, dit l’hurluberlu, a détesté « parce qu’elle hait la liberté plus que tout »), il n’apprécie pas les jeux eux-mêmes, exaltation nocive de tout ce qui est patriotique : « Le nationalisme dans le sport me dégoûte », précise notre athlète de l’intellect. « L’identité de l’Europe, c’est d’être sans identité ».
Ce qui permettra la destruction de l’Europe par n’importe quels gredins se réclamant d’une idéologie (ou d’une religion) à identité forte.
Le coût de la virilité
Jean Kast, sur Boulevard Voltaire, rappelle que Slama avait détesté la mise en scène de Macron en boxeur : pas parce que l’image était légèrement retouchée, ce qui était en soi assez drôle, mais parce que « la mise en scène autour de la boxe, sport à l’imaginaire hautement viriliste, n’est pas neutre » : « C’est une vision de la masculinité profondément réactionnaire ».
Les boxeuses XY qui affichent en ce moment leurs muscles de mecs dans une compétition réservée aux femmes, ce qui leur permet de flanquer légalement des tannées à leurs opposantes (mais que font les chiennes de garde ?) ne sauraient lui donner tort. Vite, organisons une confrontation !
Sans doute ces belles idées ont-elles émergé dans le crâne de notre minus habens en se regardant dans un miroir. Moi qui suis — prétendent nombre de détracteurs — d’une droite extrême et nauséabonde, j’ai un mépris d’avance, comme disait Albert Cohen, pour tous ces intellectuels bâtis comme des salades cuites. J’en reste à la formule classique, mens sana in corpore sano. Socrate avait combattu les Perses dans les rangs des hoplites, Montaigne avait été formé à tous les exercices du corps, à l’image des Anciens que son père vénérait, Giraudoux était champion universitaire en athlétisme, Montherlant a chanté les athlètes, Hemingway a relevé tous les défis, et Sylvain Tesson a contrarié de son mieux les destins en se livrant à nombre d’activités ultimes — lire par exemple Blanc (2022). Des types de droite, tous, sans doute — même si Giraudoux a milité ardemment pour l’entrée des femmes dans les compétitions olympiques, que refusait à l’origine Pierre de Coubertin.
Sérieusement, comment des médias français peuvent-ils encore donner la parole à ce résidu exsangue du socialisme français ? Les gauchistes que j’ai connus étaient de vrais sportifs, capables d’envoyer un cocktail Molotov à trente mètres — la pratique du handball, ça aide — et de détaler comme des zèbres devant une charge de CRS. Voire de les affronter en corps à corps.
Mais Slama ?
Notre époque est délétère, qui donne la parole à des individus qui n’existent que parce qu’ils ont des accointances sélectionnées, — un pedigree social faute d’avoir un pedigree physique ou intellectuel. Une époque de fausses valeurs, de petits bras et de petites burnes, qui devrait se souvenir qu’in fine, Athènes a perdu la Guerre du Péloponnèse face aux grosses brutes de Sparte. Si nous voulons gagner la guerre à bas bruit qui a déjà commencé ici, nous ferions bien de ressusciter les valeurs « virilistes » qui nous ont permis, jadis, de bouter les Anglais hors de France, de vaincre les souverains européens sur tous les champs de bataille, et de refouler les Germains au-delà du Rhin. ■ JEAN-PAUL BRIGHELLI
Agrégé de Lettres modernes, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Jean-Paul Brighelli est enseignant à Marseille, essayiste et spécialiste des questions d’éducation. Il est notamment l’auteur de La fabrique du crétin (éd. Jean-Claude Gawsewitch, 2005).
L’identité de l’Europe c’est d’être sans identité dit l’ectoplasme Slama. C’est la conviction typique de ceux qui haïssent la civilisation européenne, son histoire, sa richesse. Pour renvoyer cette idée très bête dans les poubelles de l’Histoire, je ne peux que recommander la lecture de deux magnifiques ouvrages de Jean François Mattéi, le regard vide et le procès de l’Europe, deux livres qui chantent la grandeur de notre civilisation. Il faut en finir avec l’injonction de repentance perpétuelle, le nihilisme qui est la marque de fabrique de la « pensée » de gauche et de la cancel culture, cette lointaine héritière de la volonté d’éradication du passé mise en oeuvre par les gardes rouges au moment de la révolution culturelle chinoise.
Certes, mais Jean-Paul Brighelli n’utilise pas un canon pour écraser un moucheron? . Le refus de toute identité, mais surtout de dépassement de soi, à ce niveau, c’est pathologique, c’est le refus de vouloir exister, de se couper des sources de la vie, triomphe absolu du nihilisme. Plaignons-le plutôt.
Autre formule pour caractériser le cretinus maximus, le minus habens : « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » (Michel Audiard)