Nous souhaitons regrouper au fil des jours et semaines qui viennent quelques unes des interventions médiatiques les plus significatives de Patrick Buisson (1949-2023) dans les dernières années de sa vie (2016-2023). Il y expose les analyses, réflexions et thèses qui sont la trame des ouvrages fondamentaux qu’il a publiés alors. Et qui sont, de toute évidence, dans la ligne contre-révolutionnaire qui est en vérité la définition même de notre école de pensée, confrontée grâce à Buisson à la modernité. À partager ! JSF (À suivre)
Patrick Buisson chez Apolline de Malherbe (BFM) pour parler de « La fin d’un monde », livre-événement qui parie sur la fin du cycle révolutionnaire
Vidéo du samedi 8 mai 2021 – 45min.
Après sa Cause du peuple, qui constituait déjà une somme, voici qu’il publie La fin d’un monde qui s’annonce lui aussi comme un livre-événement.
Buisson en donne ici les grandes lignes. Malgré Apolline de Malherbe, dont la vision est courte et conformiste, écoutons cet entretien comme une introduction à la lecture de La fin d’un monde et à ses conséquences dans le débat public. Un livre réactionnaire, donc. Ne craignons pas de lui adjoindre cet adjectif puisque Buisson le revendique.
Un bel esprit mais qui, fut la dupe du Président Sarkozy.
Ne pourrait on parler de défaite de l’intelligence ?
Restent, heureusement, les écrits .
Mais, l’on pourrait étendre à bien d’autres exemples de causes perdues à cause de planches pourries ou savonnees sur lesquelles se sont avancés des bien intentionnés.
Cher Richard,
Je ne partage pas vraiment vos réserves.
Buisson me paraît plus qu’un « bel esprit ». Par ses livres, ses interventions des dernières années, justement après son expérience « Sarkozy » il nous laisse le formidable arsenal d’une pensée « réactionnaire » puissamment actualisée qui nous manquerait sans lui. C’est, je crois, être infidèles à Maurras que d’en rabâcher les formules.
Ce capital qu’il a constitué et légué, n’est-il pas, en fin de compte, plus important que d’avoir échoué avec Sarko ? Autre question : ne devait-il pas « tenter » ? Iln’a rien perdu ni renié de ses idées, en vérité maurrassiennes ? A rester dans son coin, que gagne-t-on ?
D’accord avec l’argumentaire de Di Guardia, cependant, Patrick Buisson ne m’a jamais paru très essentiel.
Il a été ce qu’il a été, il a fait ce qu’il a pu, comme il l’a pu, cependant, sa «pensée» tient en profondeur par le seul fait qu’il était mentalement brillant, comme un certain nombre d’autres, qu’il avait correctement su agencer des rapports dialectiques, les ayant solidement adapter à des aspects saillants de l’actualité politique, cependant… Il était par ailleurs certainement trop persuadé de l’excellence de ses qualités propres – ne serait-ce que par contraste avec ses faiblards de contemporains, à commencer par le Sarkozy que l’on sait et, pour finir, à un point de vue qui appelle à être nuancé (mais je le note tout de même en passant), par contraste avec Henri Guaino.
Sauf désaccord évidemment autorisé, sur tel ou tel autre «point de détail», on ne peut certes que se féliciter de la lecture des ouvrages de Buisson, mais il reste dans la courbure l’impression de quelque chose de trop bien «appris» (ce qui vaut autrement mieux que le malappris, cela ne se discute pas) ; seulement, l’huile universitaire de la meilleure qualité dans les rouages ne modifie en rien les rouages eux-mêmes, or, dans le domaine de la réflexion pure, il faut avoir su se débarrasser du carcan des rouages pour trouver une authentique «liberté de pensée».
Patrick Buisson, comme bien d’autres, du type Zemmour, s’imagine que le «bagage» se suffit à lui-même, a contrario, l’intellectualité commence à pouvoir se réaliser lorsque l’on a su se débarrasser des valises, des «attachés-cases» et, surtout, de l’attrait pour les portefeuilles ministériels ou leur ombre.
Faut-il pour autant, envisager, comme le fait Richard, une «défaite de l’intelligence»?… Je ne le crois pas ; pour cette raison que, avec Patrick Buisson et tout ce qui peut lui ressembler, il ne s’agit pas d’INTELLIGENCE au sens strict, mais du composé scolaire brillant que l’Occident est encore vaguement capable de produire, quelquefois – je pense à des Alain Finkielkraut, Michel Onfray, Régis Debray, Alain de Benoist, etc., etc. etc., qui, au fond, ne cessent de faire tourner en rond la surface de leur pensée, donnent à leur public l’illusion d’y pouvoir trouver de quoi alimenter une «saine critique», mais, au fond, restent inféodés au fait que, en l’absence de l’objet de la critique, il n’aurait plus grand-chose à agiter dans leur bocal.
Je vais passer pour je ne sais trop quel vaniteux, mais je prie chacun de bien vouloir établir des comparaisons «intellectuelles» entre les écrits de ces personnes et ceux d’une Simone Weil, d’un côté, ou d’un Ernst Jünger, sur un autre plan, afin de mesurer ce qui les rend, finalement, tout à fait étrangers à la sphère des IDÉES, au sens élevé du terme.
Pour finir ce bien trop long commentaire, pour l’illustrer au mieux, je vais rapporter une anecdote : voilà une dizaine d’années, je m’entretenais de René Guénon avec un garçon, et celui-ci tenait à ce que Martin Heidegger valût intellectuellement au moins tout autant, sinon, davantage… M’étant contenté de deux ou trois livres de Heidegger, vingt ou trente ans en arrière, je lui opposais que ceux-ci ne me semblaient certainement pas approcher ceux de Guénon. Il m’objecta qu’il me fallait lire «Acheminement de la parole», et que j’allais alors comprendre… Bon, je me fendis des trois sous nécessaires à l’acquisition du volume et mis mon nez dedans.
Je ne lis pas l’allemand, aussi, me voilà contraint de me satisfaire de traductions – néanmoins, André Préau était un intellectuel émérite et un germaniste impeccable (qui plus est guénonien, un temps durant), et les traductions de celui-ci m’ont laissé pantois autant que celles des autres –, pour le titre en question, j’ai oublié le nom du traducteur, mais le «style» ne différait guère de celui des autres.
Je lis le volume, m’arrache la comprenette avec les cheveux, reprend quarante-deux fois les mêmes paragraphes, parvient à en saisir le sens jusqu’à réaliser que, au bout du compte, la question traitée (la «parole» – soit dit en passant, il vaut autrement mieux se reporter aux travaux de Marcel Jousse) est tout juste évoquée, car, au fond, ce n’est pas la «parole» qui intéresse Heidegger, mais les torsions et contorsions psycho-philosophiques dont le «concept» est susceptible… Cela m’agace souverainement ; d’autant plus que, au fil de la lecture, il ne m’apparaît aucun argument pour réussir à engager un débat pied à pied avec mon interlocuteur… Seulement, je venais de relire j’ai oublié quel titre de Guénon et le hasard faisait qu’il m’était resté en mémoire un petit paragraphe que je sais où retrouver ; or, ce petit paragraphe (une seule phrase), pouvait correspondre à ce qu’une dizaine de pages absconses de Heidegger s’étaient révélées totalement incapables de formuler. Je pus donc livrer cette phrase de Guénon pour faire valoir le fait que dix pages de l’un ne réussissait pas à, ne serait-ce que, effleurer ce que Guénon rapportait de manière limpide.
Mon anecdote a encore rallongé la sauce, que l’on m’en excuse.