Par Pierre Builly.
« Il n’avait pas la tête politique mais les réflexes les plus sains. »
Ce qui demeurera dans l’extraordinaire présence d’Alain Delon dans le paysage du cinéma de la France et du Monde, ce n’est pas l’abondance des films tournés (une centaine) ni même des grands films qu’il a interprétés : c’est que ces grands, ses immenses films ont été tournés dans une brève période de temps : en gros de 1960 à 1975, une quinzaine d’années. Pour donner une idée, un de ceux dont il fut le plus semblable dans la gloire mythique, Jean Gabin, étend sa carrière importante de 1935 (La Bandera de Julien Duvivier à 1971 (Le chat de Pierre Granier-Deferre), plus de 35 ans.
Comme pour Gabin, il faut écarter, pour Delon, les débuts et les fins de carrière ; l’horrible Année sainte (1976) pour le premier, le ridicule Astérix aux Jeux olympiques pour le second.
Mais entretemps ! Qu’est-ce que je vais citer ? Pour ceux qui aiment le maniérisme de Visconti, évidemment Rocco et ses frères (1960) et Le guépard (1963) ; pour les autres, forcément Plein soleil (1960) de René Clément, Mélodie en sous-sol (1963) et Le clan des Siciliens d’Henri Verneuil (1969), Le samouraï (1967), Le cercle rouge et même Un flic (1972) de Jean-Pierre Melville, La piscine (1968), Borsalino (1970), Flic story (1975) de Jacques Deray, Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey… Évident, tout cela.
Mais en plus dans mon Panthéon personnel, je garde au cœur L’insoumis (1964) d’Alain Cavalier, La veuve Couderc (1971) de Pierre Granier-Deferre, Le professeur (1972) de Valerio Zurlini, Traitement de choc (1973) d’Alain Jessua… Pas toujours de grands films, mais des images qui marquent.
Il était d’une beauté extraordinaire, mais la denrée n’est pas rare, au cinéma ; et à l’époque de son éclosion, il y a même embouteillage : un peu plus âgés Jean-Claude Pascal ou Gil Vidal ; de son âge, Jacques Charrier ; il en reste peu.
Mais resteront ses amours, mortes depuis bon temps : Romy Schneider, Mireille Darc ; je ne crois pas que les autres aient eu la même importance.
Delon était d’une race folle : celle qui aime passionnément la France : il n’avait pas la tête politique mais les réflexes les plus sains ; voilà qui n’est pas si fréquent.
Les Jeux Olympiques en ont pour quatre ans à revivre à Los Angeles ; mais Delon nous pouvons le revoir chaque jour ; et avec la même émotion. ■ PIERRE BUILLY
Chroniques hebdomadaires en principe publiées le dimanche.