En quelques périphrases au ton de mystère, Geoffroy Lejeune avait annoncé la veille ou l’avant-veille, sur CNews, l’article paru dans le JDD le 18 août, que nous reprenons ce matin, deux ou trois jours ayant passé. On en lira le contenu, semi-révélateur, à la fois de l’imprévisibilité d’Emmanuel Macron, de son souci premier qui ne serait rien d’autre que son confort personnel, et, surtout, de la crise profonde qui affecte le régime, les institutions, la République… La Constitution de la Ve était sans-doute ce qui pouvait se faire de plus achevé dans le cadre républicain. On voit aujourd’hui combien cette excellence est relative. L’hypothèse du JDD est celle d’un Premier ministre issu, comme on dit, de la société civile, en l’occurrence du monde de la grande entreprise, de l’univers des gestionnaires des plus grands groupes français. Des piliers du Système aussi différents entre eux qu’Alain Minc, Luc Ferry, Nicolas Baverez, François Bayrou, Dominique Reynié, tous effrayés de la déliquescence politique, économique, sociétale et même spirituelle du Pays, lassés d’Emmanuel Macron, de la médiocrité de la classe politique et parlementaire, en sont, semble-t-il, partisans, voire artisans. Punir les « politiques » incompétents – qui le mériteraient bien pour sûr – tenter d’organiser autour d’un Premier Ministre de style sérieux et raisonnable une Assemblée qui ne le censurerait pas… telle serait l’ambition ultime des conseillers de l’ombre ou semi-ombre. Croit-on que la nature profonde du Régime en serait changée pour autant ? On l’a cru souvent. On l’a espéré. On s’est trompé toujours.
FUMÉE BLANCHE. Après avoir laissé les partis politiques phosphorer pendant sept semaines, le président nommera le nouveau Premier ministre avant le 28 août. Emmanuel Macron pourrait choisir un « non-politique » et garder sous son autorité les ministres démissionnaires le temps de constituer une nouvelle équipe.
La trêve olympique est terminée, le taulier reprend les choses en main. Après avoir laissé presque sept semaines aux partis pour avancer sur la constitution d’une majorité plus large, Emmanuel Macron va enfin accélérer. Ça tombe bien, l’interminable feuilleton du choix du prochain locataire de Matignon commençait à exaspérer jusque dans son camp.
« En fait, le meilleur candidat au poste de Premier ministre, c’est Emmanuel Macron lui-même », grinçait en fin de semaine auprès du JDD un poids lourd de l’ex-majorité. Mais ça, c’était avant que le chef de l’État ne convie les chefs de parti et des groupes parlementaires le 23 août, à l’Élysée, pour « une série d’échanges » préalables à la constitution d’un nouveau gouvernement. Au Nouveau Front populaire (NFP), on fait semblant de croire que Lucie Castets tient la corde ; Emmanuel Macron n’a-t-il pas fait savoir qu’il était prêt à la recevoir ? Et ce, alors qu’il avait enterré cette hypothèse le 23 juillet sur France 2.
Les soutiens sincères de la haut fonctionnaire veulent y voir un bougé du chef de l’État. Les autres interprètent cette invitation comme une marque de courtoisie qui n’engage à rien : « Soyons sérieux, c’est d’une personnalité rompue à l’exercice du pouvoir et aux rapports de force dont le pays a besoin, pas d’une techno, fort sympathique au demeurant, qui ne s’est jamais présentée à une élection », souffle un parlementaire socialiste. Un autre fait remarquer que la gauche coalisée est la seule formation à présenter un projet politique autour d’une personnalité. Au Château, on précise que Lucie Castets n’est pas invitée, mais tolérée : « C’est une façon de purger les choses. Le président va la recevoir et faire le constat qu’elle n’est pas en mesure de former une majorité. »
En réalité, ces consultations seront surtout l’occasion de tester les profils évoqués ces dernières semaines auprès des différentes formations politiques, de mesurer leur capacité à constituer une majorité et surmonter d’éventuels blocages.
En premier lieu, celui du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, dont les proches mènent une intense campagne médiatique. Sur le papier, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy coche de nombreuses cases : farouche opposant au RN, apte à dialoguer avec les forces de gauche et de droite dites « raisonnables », et doté d’une solide expérience politique nationale.
Oui, mais voilà, l’ancien maire de Saint-Quentin a eu des mots durs à l’endroit du président de la République ces dernières années. Leurs relations sont pour le moins compliquées. Xavier Bertrand anticipe d’ailleurs une éventuelle « non- nomination » et confie en privé avoir été sans doute trop loin dans la critique pour qu’Emmanuel Macron consente à passer l’éponge. Un conseiller élyséen qui a scanné le profil de l’ancien ministre a en outre repéré une ligne problématique sur son CV : « Il a pris fortement position contre le mariage pour tous… Ce sparadrap a failli tuer Catherine Vautrin. »
Autre profil que souhaite tester le chef de l’État : celui de Bernard Cazeneuve. L’ancien Premier ministre de François Hollande a l’avantage de ne pas être irritant pour la droite, mais a le handicap d’appartenir à l’ancien monde, « celui des gouvernements soutenus par une majorité claire à l’Assemblée », souligne un stratège de l’exécutif. Saurait-il manœuvrer un Parlement aussi compliqué ? Le même n’y croit guère : « Il a quitté le gouvernement il y a sept ans, une éternité en politique, surtout après la bascule dans l’ère Macron. » Dans l’entourage de Bernard Cazeneuve, on démine : le dernier contact avec le chef de l’État remonte à un dîner en mars.
À la différence de Xavier Bertrand, l’ancien maire de Cherbourg ne laisse rien filtrer de ses intentions pour Matignon, ne parle pas, ne se répand pas en confidences. En a-t-il envie ? Si c’est le cas, il fait tout pour démontrer le contraire. Le 21 juillet, lors d’une réunion en visio de son mouvement, la Convention, il a très clairement affirmé son intention de peser dans le débat public à la rentrée et reprendre sa tournée des villes françaises. Comme si la seule échéance dans laquelle il se projetait était la présidentielle de 2027, enjambant l’étape Matignon.
En quête du mouton à cinq pattes, Emmanuel Macron, selon nos informations, étudie des profils hors politique. Bertrand, Cazeneuve ou même un Franck Louvrier seraient dès leur arrivée à Matignon perçus comme des concurrents crédibles dans la course à l’Élysée. D’où l’intérêt de recruter un profil issu de la société civile ou d’un grand patron, respecté, à la fois défenseur du dialogue social et Macron-compatible. Un homme réunit ces critères : Jean-Dominique Senard, président du conseil d’administration de Renault et ancien patron de Michelin. En janvier déjà, Emmanuel Macron avait failli le nommer à Bercy pour se débarrasser de Bruno Le Maire. Son nom résonne à nouveau dans les coulisses du pouvoir ces dernières semaines. Fils de diplomate et diplômé d’HEC, l’homme a bien des qualités… Un conseiller du président confirme qu’il s’agit d’une hypothèse crédible. Une option qui reviendrait à punir une classe politique qui, du point de vue du chef de l’État, n’aurait pas été à la hauteur des événements.
Quoi qu’il advienne, le nom du futur Premier ministre sera dévoilé par communiqué dans la foulée de cette consultation. L’Élysée n’exclut pas une prise de parole médiatique d’Emmanuel Macron pour expliquer son choix, le calendrier et le cadre général. Déjà compliquée en période de majorité relative, la constitution du gouvernement prendra « plusieurs semaines », indique le Palais.
« À la vérité, personne ne sait ce que va faire Emmanuel Macron. Lui-même le sait-il ? »
Mais c’est le scénario des jours suivant la nomination du nouveau Premier ministre qui suscite l’incrédulité à mesure qu’il se chuchote de ministère en ministère. Soucieux de ne pas laisser le pays sans gouvernement dans cette période de latence entre la nomination du nouveau Premier ministre et la constitution de son équipe, Emmanuel Macron envisage – à cette heure – de convoquer un conseil des ministres le 26 août, rassemblant les ministres démissionnaires autour du nouveau chef de gouvernement. Une situation inédite, voire carrément baroque, qui fait bondir Bruno Le Maire. Le locataire de Bercy serait « au bord de la crise de nerfs », témoigne un de ses amis. « J’ai accepté d’être ministre au sein d’un gouvernement nommé autour de Gabriel Attal, je n’ai pas l’intention d’être pris en otage au sein d’une équipe démissionnaire à laquelle on impose un nouveau Premier ministre ! » tonne-t-il en privé. « Un paquet de ministres vont péter un câble ! » prédit une source haut placée.
Il est comme ça, Emmanuel Macron, déroutant, imprévisible, exaspérant. « À la vérité, confie un ancien ami du président qui l’a longtemps fréquenté, personne ne sait ce que va faire Emmanuel Macron. Lui-même le sait-il ? La première certitude, c’est que son choix sera guidé par son confort personnel. Sa tranquillité pèse pour 90 % dans sa prise de décision. Seconde certitude : avec lui, c’est toujours le scénario le plus “what the fuck” qui finit par se réaliser. » ■
« Déroutant, imprévisible, exaspérant », le duo auteur de cet article l’est aussi. « What the fuck » ! Tel est le mot de la fin, la chute, la pointe, par lesquelles il pensent résumer, couronner leur tableau ? Une « punchline » dénuée de tout sens pour tout un chacun sauf en sa puante vulgarité. Mais pas pour ce petit monde au pouvoir, pétri de brutalité et d’ordure « yankee », à l’image, probablement, de son chef de file. Des nuls imbus de leur nullité !
C’est un vrai embrouillamini cet article en effet.
Seul le dernier paragraphe témoignage d’une juste observation, en remplaçant l’expression litigieuse par : le scénario le plus tordu .