Voici donc Mathieu Bock-Côté de retour à Paris, au Figaro – où cette chronique est parue hier matin – sur CNEWS et ailleurs où de nouveau il remplit les écrans et les esprits, de son verbe évidemment intelligent et, semble-t-il, inépuisable. On raille souvent, ici et ailleurs, le libéralo-droitisme, bourgeois, conservateur (au sens où ce mot commence mal), congénitalement modéré, BCBG impénitent, du Figaro et de ses lecteurs. Ce fut de tous temps le cas et ça le reste en non négligeable partie. Mais, ne faudrait-il pas mettre les pendules à l’heure et savoir discerner, au sein du Figaro – rédaction et lectorat – les évolutions que l’époque, les situations, les générations nouvelles, la montée et les succès d’un populisme de type « Pays Réel », ont imprimé aux uns et autres, et les tendances qui s’y sont formées, dont l’une, jeune, talentueuse et désormais puissante, est en nette réaction face à la doxa dominante, en situation d’attachement et de retour, plus ou moins profond selon les cas, à la Tradition sous ses diverses formes ? Dialoguer plutôt que moquer ou exclure, c’est l’une des meilleures traditions, une des aptitudes les plus fécondes de l’école maurrassienne des bonnes époques et des esprits ouverts. Comment ne serait-ce pas le cas avec un Mathieu Bock-Côté et nombre d’autres engagés dans des combats qui, souvent, sont typiquement nôtres. Il faut lire et relire L’avenir de l’Intelligence. Cet immense petit livre, comme Pierre Boutang le désignait.
CHRONIQUE – Si les émeutes qui ont secoué le Royaume-Uni du 30 juillet au 5 août dernier ont été durement réprimées, c’est parce qu’elles remettaient en cause le récit officiel d’un multiculturalisme heureux, estime Mathieu Bock-Côté.
Il y a quelques semaines à peine, de puissantes émeutes anti-immigration secouaient le Royaume-Uni. À lire la presse internationale, il fallait y voir un soulèvement d’extrême droite, animé par une pulsion raciste. Elles furent assurément le théâtre de gestes absolument condamnables. Les choses étaient pourtant plus complexes. On connaît le point de départ des événements : le massacre de trois jeunes filles par le fils d’un immigré rwandais. Mais la simple mention de ce fait faisait déjà scandale dans le système médiatique britannique, qui préférait présenter le meurtrier comme un Gallois parmi d’autres, puisqu’il était né au pays de Galles. Il fallait y voir un fait divers. On a vite cessé de le mentionner, d’ailleurs, dans la mise en récit des événements.
Le commun des mortels y a pourtant vu, avec raison, une tentative délibérée d’occultation du réel, rappelant le scandale de Telford, en 2018. On avait alors découvert l’existence d’un système d’esclavage sexuel de jeunes filles de la classe ouvrière britannique organisé par un gang pakistanais. La chose était connue depuis longtemps, par la police et par les services sociaux, mais tue, de peur de susciter une accusation de racisme. Ce n’était pas la première fois. Le sort affreux réservé à ces fillettes dévoilait pour plusieurs le lien entre immigration et insécurité.
La violence condamnable
Ces émeutes ont donc jeté dans la rue des milliers de Britanniques. Le pouvoir travailliste, déstabilisé, même, a voulu les mater, par tous les moyens nécessaires, au point même de faire quasi officiellement alliance avec les milices islamistes rapidement mobilisées auxquelles la police multiplia les gestes de soumission, évoquant le fameux roman de Michel Houellebecq.
Naturellement, toute violence, qu’elle soit contre les biens ou les personnes, est condamnable. Mais le pouvoir ne s’est pas contenté de réprimer les violents, et a trouvé dans cette révolte l’occasion idéale pour renforcer les lois encadrant la liberté d’expression de manière particulièrement liberticide – on parlera sans exagérer de lois de censure. Elles se multiplient partout en Occident.
Le gouvernement de Keir Starmer a même libéré des places en prison pour faire de la place aux émeutiers et militants des réseaux sociaux qui les auraient soutenus. On peinera à ne pas y voir un retour du délit d’opinion.
Le prétexte est toujours le même : le régime diversitaire prétend sauver la démocratie en combattant la « désinformation » et les « propos haineux ». La désinformation est toutefois assimilée à toute remise en question du « narratif officiel » dans les sociétés occidentales contemporaines. Quant aux propos haineux, ils désignent toute critique un tant soit peu articulée du mythe de la diversité heureuse et des revendications formulées en son nom. Pour le faire, on amalgame à des propos authentiquement séditieux des critiques simplement musclées du multiculturalisme.
Le problème n’était-il pas qu’on puisse exprimer librement de tels propos ? Très rapidement, Elon Musk fut désigné comme le grand coupable des événements. Le réseau social X (anciennement Twitter) fut présenté comme le vecteur virtuel principal de cette révolte anti-immigration. X cause problème dans la mesure où il dégage un espace où un contre-récit peut prendre forme, délivré de l’idéologie dominante. Il permet autrement dit une forme de dissidence narrative à grande échelle, favorisant à sa suite une dissidence politique.
Un retour du délit d’opinion
La maîtrise des réseaux sociaux, au nom de leur « modération », est devenue grande obsession d’un pouvoir inquiet devant une possible révolte populaire. Le moindre écart de conduite sur les réseaux sociaux doit être sanctionné. On a ainsi vu des Britanniques condamnés pour avoir retweeté un « mème ». Le gouvernement de Keir Starmer a même libéré des places en prison pour faire de la place aux émeutiers et militants des réseaux sociaux qui les auraient soutenus. On peinera à ne pas y voir un retour du délit d’opinion.
Le régime diversitaire ne tolère pas qu’on le contredise. L’opposition à l’immigration massive est assimilée au racisme, et il faudrait se montrer intraitable avec elle, mais le racisme antiblanc, lui, n’existerait pas – on ne saurait donc le sanctionner. La délinquance conquérante n’existerait pas non plus : en parler relèverait de la désinformation et il faudrait censurer sans la moindre hésitation ceux qui prétendraient le contraire. Tout comme ceux parlant de la submersion migratoire : ne propageraient-ils pas à la fois une théorie conspirationniste et des propos haineux ? La censure devient ici l’expression achevée d’une démocratie nettoyée de ses scories.
C’est paradoxalement au nom de l’État de droit que se met en place un régime autoritaire résolu à mater une population en colère, que cette révolte soit électorale, comme on le voit avec la diabolisation des partis populistes, médiatique, comme elle s’exprime sur les réseaux sociaux, ou dans la rue. Partout, on voit ce basculement s’opérer, pour sauver la démocratie contre un peuple hanté, et même possédé, par le démon du populisme, et qu’il faut par tous les moyens neutraliser. ■
2 commentaires pour “Mathieu Bock-Côté pointe le « Le basculement autoritaire du Royaume-Uni ». Et, en réalité, de tout l’Occident, dont la France… Néo Terreur ?”
On savait depuis longtemps que la démocratie s’alimente exclusivement d’idées fausses. Mais jusqu’à ces dernières années, il était encore possible de demeurer en marge de l’imposture sans être acculé à l’héroïsme. La démocratie tolérait les hérétiques. Elle ne les jetait point dans les culs de basse-fosse. Elle ne parvenait pas non plus à les affamer complètement. On pouvait vivre – confortablement parfois – dans le refus affirmé des contrevérités officielles. Cette tolérance n’est plus de notre temps.
Oui : Mathieu Bock- Côté est une excellente recrue de Cniouz et semble se bonifier avec son séjour en France, tout en conservant un certain exotisme Québécois : ce n’est pas encore, et c’est tant mieux, le plus « parisien » des Canadiens.
Elle est très illustrative la photo où les deux jeunes anglais porteurs de tonneaux -et qui semblent donc être les meneurs- sont obligés de dissimuler leur visage avec foulard ou maillot relevé au dessus du menton, comme des terroristes alors qu’ils s’insurgent contre le meurtre de fillettes !
C’est donc bien qu’il est passé le temps où l’on pouvait « demeurer en marge de l’imposture sans être acculé à l’héroïsme ».
On en est donc arrivé là !
Plutôt minuit une que minuit moins cinq .
On savait depuis longtemps que la démocratie s’alimente exclusivement d’idées fausses. Mais jusqu’à ces dernières années, il était encore possible de demeurer en marge de l’imposture sans être acculé à l’héroïsme. La démocratie tolérait les hérétiques. Elle ne les jetait point dans les culs de basse-fosse. Elle ne parvenait pas non plus à les affamer complètement. On pouvait vivre – confortablement parfois – dans le refus affirmé des contrevérités officielles. Cette tolérance n’est plus de notre temps.
Oui : Mathieu Bock- Côté est une excellente recrue de Cniouz et semble se bonifier avec son séjour en France, tout en conservant un certain exotisme Québécois : ce n’est pas encore, et c’est tant mieux, le plus « parisien » des Canadiens.
Elle est très illustrative la photo où les deux jeunes anglais porteurs de tonneaux -et qui semblent donc être les meneurs- sont obligés de dissimuler leur visage avec foulard ou maillot relevé au dessus du menton, comme des terroristes alors qu’ils s’insurgent contre le meurtre de fillettes !
C’est donc bien qu’il est passé le temps où l’on pouvait « demeurer en marge de l’imposture sans être acculé à l’héroïsme ».
On en est donc arrivé là !
Plutôt minuit une que minuit moins cinq .