Nous suivons depuis plusieurs années les travaux, les réflexions, les publications et les interventions médiatiques de Bérénice Levet avec toujours beaucoup d’intérêt et, si l’on peut dire, de profit, au meilleur sens du mot. Philosophe, Bérénice Levet l’est pleinement tout en étant très engagée – comme on le verra ici – dans l’étude et l’analyse des problèmes profonds, existentiels, qui minent, à vrai ire, notre société sous l’empire de la modernité décadente. Nous n’ajouterons rien d’autre à ce grand entretien en soi substantiel.
(Entretien paru dans le Figaro du 11 septembre).
GRAND ENTRETIEN – L’essayiste et professeur de philosophie Bérénice Levet publie ce mercredi Penser ce qui nous arrive avec Hannah Arendt (L’Observatoire), un essai qui montre combien la pensée de la philosophe peut nous guider aujourd’hui, face à l’aggravation de la crise de la modernité qu’elle avait su diagnostiquer.
Bérénice Levet est professeur à l’IPC, Facultés libres de philosophie.
« Les citoyens ne demandent rien d’autre que des politiques qui renouent avec le réel, des politiques rapatriés sur la terre des hommes, loin de toutes les constructions progressistes, fort inamicales, montre si bien Arendt, à l’homme de chair et de sang. »
LE FIGARO. – Pourquoi avoir choisi Hannah Arendt pour accompagner vos réflexions ?
BÉRÉNICE LEVET. – « On a rendez-vous avec peu de choses dans notre vie, avec peu de textes, peu de lieux… » Ces mots du romancier Pierre Michon, que j’ai placés en exergue de mon livre, résument bien ma rencontre avec Hannah Arendt, ce qu’elle a à la fois de fortuit et de décisif. Et puis, au risque de sembler tatillon, elle n’accompagne pas seulement mes réflexions, elle les fonde. Je lui dois la philosophie qui m’inspire, l’idée de l’homme qui me porte et que, au fil de mes livres et interventions, je tente de défendre : cette anthropologie de la transmission sans quoi il n’est pas d’humanité ni de civilisation possible.
Une phrase fit mouche dès mes premières lectures : « Avec la conception et la naissance, les parents n’ont pas seulement donné la vie à leurs enfants ; ils les ont en même temps introduits dans un monde. » En pensant la naissance comme entrée dans un monde, Arendt noue une magnifique intrigue, celle de la condition humaine. Elle articule d’emblée l’individu à une réalité plus vaste, plus haute que la sienne. Car le monde, au sens arendtien, ce sont les produits faits de mains d’homme, les concrétions historiques – langue, mœurs, codes, lois, paysages, monuments – qui donnent au corps social et politique sa consistance et sa durabilité. Il ne se conjugue pas au seul présent. Il est ce qui triomphe de l’épreuve du temps, ce qui dure.
Truisme, dira-t-on ! Assurément. Mais le monde moderne, et singulièrement le monde dans lequel nous sommes venus à vivre depuis les années 1960-1970, repose sur la fiction de l’homme-monade et s’est employé à nier, disqualifier, voire criminaliser ce qui était tenu pour des besoins fondamentaux de l’être humain. Hannah Arendt – mais aussi Simone Weil ou Péguy – ne propose rien d’extravagant. Elle vient simplement, mais salutairement, répliquer à l’orgueil du monde moderne et donner aux revendications toujours plus sonores des peuples leurs fondements anthropologiques. Le point aveugle de la modernité, son péché originel, est d’avoir prêté des vertus, toutes les vertus, à la déliaison, à la désaffiliation. Je suis frappée par le fanatisme de « l’émancipation » : à chaque nouveau lien rompu, nous plantons le drapeau de la victoire ! En janvier dernier, Guillaume Trichard, le grand maître du Grand Orient de France publiait une tribune dans Marianne en faveur de l’euthanasie : « La France est en retard, sermonnait-il, il nous faut désormais pouvoir émanciper notre mort ! »
Pourquoi parler de péché ? Parce que c’est une impasse pour la civilisation – dont la continuité est menacée – et pour l’individu – vidé de substance, vivant à la surface de lui-même et n’ayant plus d’autre horizon que sa personne, que son « identité ». Ce ne sont pas les droits qui font une vie humaine, ce sont les liens, les attachements, les fidélités, les devoirs. Le résultat est là, sous nos yeux, crucifiant. Une formule qui n’est pas qu’une formule, résume et éclaire lumineusement notre présent : « L’homme moderne a perdu le monde pour le moi. » Arendt n’avait encore rien vu !
Vous évoquez l’attachement de la philosophe au réel, qu’il soit laid, repoussant ou superbe. En quoi est-ce primordial, selon vous ?
Je ne sais de cause plus impérieuse. Fut-il jamais à ce point maltraité ? Tout conspire contre la réalité factuelle. À l’arsenal traditionnel s’ajoute désormais le défi de l’intelligence artificielle, qu’Arendt nous aide aussi à penser. Péguy l’a dit : voir ce que l’on voit, il n’est rien de plus difficile. Arendt n’aura cessé de traquer toutes les ruses, toutes les stratégies destinées à s’éviter l’épreuve du réel, toutes les assurances prises contre l’âpre et rugueuse réalité. Cela va du sentimentalisme, de ce que Kundera appelle le lyrisme ou le kitsch, à toutes les constructions intellectuelles en passant – et c’est un point majeur – par les clichés, les formules toutes faites ou l’éloquence torrentielle dans laquelle excelle notre président.
Et voici désormais – mais Arendt avait magistralement anticipé la chose – le réel sacrifié sur l’autel du « ressenti ». Les apparences ont perdu toute autorité. Il appartient à chacun de définir son sexe, son « genre » sans aucun étayage dans un donné objectif, et nous sommes tous sommés d’entrer le jeu. La frontière qui sépare le réel du fictif est entièrement effacée. Que l’on refuse de voir une femme dans un homme, un homme dans une femme suffit à vous condamner, médiatiquement pour le moins. Observez avec quelle évidence, journalistes, commentateurs, directeurs et conservateurs de musée, commissaires d’exposition, nombre de professeurs, cinéastes, romanciers inscrivent le réel dans cette intrigue des plus indigentes : les femmes, les minorités, la diversité méprisée, dominés, troussés par le « mâle blanc hétérosexuel ». L’Occident, clef qui ouvre et ferme toutes les serrures ! On croyait les idéologies derrière nous, ces grands récits à la logique implacable, mais elles sont de retour, plus vaillantes que jamais.
« Ce que montre très bien Arendt, c’est que la perte du passé, la rupture de la transmission est une mutilation pour l’être humain. »
L’essai qu’Arendt consacre à la violence gagnerait à être médité par nos politiques et aspirants à des postes de responsabilité. Arendt n’a eu de cesse de dénoncer la passion politique d’instituer des « commissions d’experts » – ce « refuge habituel de l’homme moderne par rapport à la réalité », raillait-elle – chargées de spéculer sur les causes profondes de la montée de la violence, de la désobéissance aux lois, à produire un « tas d’hypothèses sur la mentalité du criminel » et qui ne servent qu’à une chose : « dissimuler ce fait éclatant que nul ne parvient à lui mettre la main au collet ». Les citoyens ne demandent rien d’autre que des politiques qui renouent avec le réel, des politiques rapatriés sur la terre des hommes, loin de toutes les constructions progressistes, fort inamicales, montre si bien Arendt, à l’homme de chair et de sang.
Arendt puise aussi dans le christianisme une anthropologie autre que celle de l’homme auto-engendré, cause de lui-même…
C’est un aspect par trop méconnu de son itinéraire et de son inspiration. Avant que la grande histoire, le nazisme et l’antisémitisme, ne frappe ses deux coups, Arendt se vouait à la philosophie et à la théologie. Sa thèse portait sur « saint Augustin et le concept d’amour », son « bon vieil Augustin », comme elle-même l’appelait, qui l’escortera jusqu’à la fin de sa vie. Ses premières incursions dans le journalisme, dans les années 1930, sont presque toujours liées au christianisme.
Sa philosophie entière en porte l’empreinte. À commencer par la notion de « naissance », qu’elle seule a conceptualisée. C’est en assistant à une représentation de l’oratorio de Haendel Le Messie qu’elle eut la « révélation du sens métaphysique de la naissance », comme elle l’écrira le soir même à son mari Heinrich Blücher, concluant : « Le christianisme c’est quelque chose. » Arendt doit ainsi au christianisme et à saint Augustin de penser l’homme comme commencement, comme porteur d’un élément de renouveau et donc capable d’infléchir le cours en apparence fatal des choses. Mais les notions de « cœur intelligent », sa définition de la liberté comme faculté d’accomplir des « miracles » sortent tout droit de la Bible et des Évangiles.
L’autre point fondamental est, comme vous le relevez, les profondes affinités qui la lient à l’anthropologie chrétienne, pensée de la finitude. Dans le texte qu’elle consacre à Péguy, à Bernanos et à Chesterton, elle a cette phrase magnifique : « Ce fut le christianisme qui leur apprit que rien d’humain ne peut exister au-delà des larmes et du rire. »
Parmi les raisons de ce que l’on pourrait appeler le « déclin de l’Occident », Arendt évoque le rapport problématique de nos sociétés aux traditions et donc au passé…
Ce n’est pas une raison parmi d’autres, c’est l’impasse, et la brutalité, du monde moderne, singulièrement du progressisme. La modernité s’est grisée de marche en avant et a passé par pertes et profits le besoin humain de stabilité, de continuité. « Le monde devient inhumain, impropre aux besoins humains – qui sont besoins de mortels – lorsqu’il est emporté dans un mouvement où ne subsiste aucune espèce de permanence. » Arendt est assurément le premier penseur de la cruauté de la « société liquide ». Son expérience de l’exil n’est sans doute pas étrangère à l’attention qu’elle porte à cet aspect de la condition de l’homme moderne. Elle sait la vulnérabilité d’une vie privée de la familiarité d’un foyer.
Ce que montre très bien Arendt, c’est que la perte du passé, la rupture de la transmission est une mutilation pour l’être humain. Qu’est-ce qu’un homme sans son histoire, sans l’histoire de la communauté historiquement constituée dans laquelle il entre en naissant ? « Un produit de la nature, rien de personnel. » Un être sans passé, sans mémoire, est un être amputé de la dimension de la profondeur « car la mémoire et la profondeur sont la même chose, ou plutôt la profondeur ne peut être atteinte par l’homme autrement que par le souvenir ».
Et qu’on ne vienne pas nous objecter que le passé n’est pas perdu, qu’il n’est en rien aboli, que la Comédie-Française continue d’inscrire à son répertoire les pièces de Molière, de Racine, de Corneille. Un passé vivant oblige, il nous donne « une leçon de maintien », on croit « l’entendre » et l’on se redresse, pour paraphraser Colette, tant il est grand, noble, digne. Un passé vivant, c’est un passé nourricier, un passé qui n’est pas un simple « ornement », mais un « fondement », selon la belle distinction de Montaigne.
Vous analysez, à l’aune de votre lecture d’Hannah Arendt, les sources de la crise de l’autorité que nos sociétés connaissent. Que pouvez-vous nous en dire ?
« Autorité » : le mot sonne latin. Aussi, pour penser la question, Arendt emprunte-t-elle la voie romaine. Et ce qu’elle rapporte de son exploration est remarquable. Il y a crise de l’autorité, montre-t-elle, dès lors que les hommes qui nous gouvernent ne s’autorisent guère que d’eux-mêmes, c’est-à-dire qu’à travers eux rien de l’œuvre des bâtisseurs, des fondateurs de notre civilisation ne rayonne. Seul fait autorité le pouvoir qui est comme augmenté par l’héritage des siècles et qui laisse percer le souci d’assurer un avenir à la civilisation dont il a la responsabilité – ce qu’incarnait éminemment le général de Gaulle. Ce qui fait l’homme politique, c’est précisément de s’inscrire dans une temporalité qui n’est pas celle de la pure actualité. Il a à répondre de ses décisions devant les vivants, ses contemporains, certes, mais non moins devant les morts et devant ceux qui naîtront après nous. Un présent indifférent aux fondations est comme condamné à la crise de l’autorité et donc à la fragilité et à l’instabilité.
Nos responsables politiques actuels ne sont guère plus épais qu’une carte à jouer. Ils ne sont lestés d’aucun passé. Quelle confiance pouvons-nous placer en eux, et, partant, comment pourraient-ils faire autorité ? Les gouvernants passent et le peuple demeure et veut demeurer. Gageons que si Michel Barnier rallie aujourd’hui le suffrage de l’opinion, il le doit en grande partie à sa prestance. Nous voulons croire qu’il y a en lui plus que sa seule personne et peut-être quelque chose de la France.
La philosophe voit en l’enfant la possibilité d’un renouveau à chérir. Mais elle insiste aussi sur les vertus d’une école « conservatrice ». Comment expliquer cet apparent paradoxe ?
Ce texte a été publié en 1958 et nous refusons toujours de nous laisser instruire par ce qu’il contient. Et pourtant, je ne pense pas que l’on puisse refonder (et non réinventer) notre civilisation sans en tenir compte. Le paradoxe n’est qu’apparent, car ce que montre très bien Arendt, c’est qu’en élevant et en éduquant l’enfant selon la morale du jour ou plutôt selon les injonctions des maîtres de l’heure – car la morale, le bien et le mal, la loi naturelle ne varient pas au fil du temps, contrairement à ce qu’on ne cesse de nous dire -, on l’adapte au monde comme il est, comme il va. On étouffe cet élément de renouveau dont il est porteur par naissance. On le livre, et la démonstration n’est plus à faire, pieds et poings liés, à tous les conformismes. La liberté invoquée par les progressistes dès les années 1970 pour renoncer à la transmission s’est retournée en son exact contraire : elle a produit en masse des individus incarcérés dans la prison du présent. Le passé est l’instance critique par excellence, il est la condition du pas de côté.
Par ailleurs, cet élément de nouveauté dont nous sommes porteurs par naissance ne va pas sans ambivalence. Il peut être salvateur, empêcher le monde de sortir de ses gonds, comme dit Arendt avec Shakespeare, ou l’empêcher de se défaire, comme le disait Camus, mais il peut aussi être destructeur, « déconstructeur » – ce qui nous arrive précisément – s’il est abandonné à lui-même. C’est pourquoi il appartient à l’école d’apprendre au nouveau venu par la naissance mais aussi par les vicissitudes de l’histoire, à connaître, à comprendre et à aimer la patrie à laquelle il est appelé à prendre part. ■
Pour Arendt, la pluralité humaine – le fait que nous soyons tous à la fois égaux et différents – est au cœur de la vie politique. La politique n’existe que parce que les êtres humains vivent ensemble et doivent s’organiser pour agir ensemble dans le monde. La liberté, selon Arendt, ne se limite pas à l’absence de contrainte, mais s’incarne dans l’action collective et la participation au débat public.
Très beau texte, à lire au moins deux fois.
Les premières lignes m’ont arrêté ; »En pensant la naissance comme entrée dans un monde, Arendt noue une magnifique intrigue, celle de la condition humaine… » il y a aussi le choix et l’engagement des parents ; croissance des uns, déclin des seconds, le grain qui meurt… toute la condition humaine en effet.
Quel contraste avec la pauvre vision de la prétendue science économique et ses omniprésents « consommateurs ». Omniprésents, sans âge, sans culture, sans histoire, sans valeurs transcendantales… mais omnivores ! N’êtes-vous pas frappés par l’effacement progressif du « client » dans le baratin économiste, au profit de ce boulimique consommateur ? Des stupides « 5 fruits et légumes » (je ne connais qu’un fruit et légume à la fois : la tomate. Et encore , discutable!) jusqu’ aux pantalons, soutien-gorges, parapluies, téléphones, dictionnaires, piscines, voitures, carburant et technologie, il n’est question que de consommation et de consommaateurs ! Quel appétit, et quelles puissantes machoires ! Telle la condition humaine vue par la science économique et ses monomaniaques, très nombreux parmi nos énarques. Cette caricaturale « reductio ad homo œconomicus » ne mérite pas le nom de science.
Minuscule bémol : il me semble, comme je l’ai suggéré il y a peu sur ce blog, qu’il serait meilleur français d’écrire qu’Hannah Arendt avait prévu ou prédit ou pressenti… plutôt qu’anticipé, cet anglicisme chouchou des économistes, consommateurs et boursicoteurs.
Une magnifique analyse des tares de la modernité et des ravages du progressisme si pertinemment critiqué par le penseur américain Christopher Lasch dans tous ses ouvrages, de Un refuge dans un monde impitoyable jusqu’au Seul et vrai paradis en passant par la Culture du narcissisme et la Révolte des élites. Voici ce qu’il dit dans son ouvrage sur l’histoire de l’idéologie du progrès : » Envisager le monde moderne d’un point de vue d’un parent équivaut à le faire dans la pire lumière possible. Cette perspective révèle incontestablement le caractère malsain, pour ne pas dire cela plus fortement, de notre mode de vie ; notre obsession pour le sexe, la violence et la pornographie du « fais-le » ; notre dépendance maladive aux drogues, aux divertissements et aux informations du soir ; notre exaspération face à tout ce qui limite notre liberté souveraine de choix, spécialement les contraintes maritales et les liens familiaux ; notre préférence pour les engagements qui n’engagent à rien ; notre système scolaire de troisième ordre ; notre refus d’établir une distinction entre le bien et le mal de peur d' »imposer » notre moralité aux autres et de cette manière d’inviter les autres à nous « imposer » la leur ; notre répugnance à juger et à être jugé ; notre indifférence aux besoins des générations à venir, flagrante dans notre bonne volonté à les écraser sous une dette colossale, un arsenal de destruction toujours plus important, et un environnement détérioré ; notre attitude inhospitalière envers les nouveaux venus nés après nous ; notre conviction soigneusement tue que seuls les enfants nés pour la réussite devraient être autorisés à naître, qui sous-tend une grande partie de la propagande en faveur de l’avortement sans contrôle. »
La philosophe Chantal Delsol dans La haine du monde a magnifiquement décrit et analysé toutes les perversions de la modernité, la tendance de cette dernière à détruire le monde au sens d’Arendt, c’est-à-dire un monde de valeurs et de normes stables et décentes au sein desquelles seules une vie humaine sensée est possible. La tendance aussi à s’incliner servilement devant toute « avancée sociétale » fût-elle la plus aberrante comme le culte moderne de l’homosexualité, des transgenres et autres pathologies présentées comme des modèles de vie épanouie, tolérante et en phase avec l’époque, l’incapacité de nombreux parents à transmettre quoique ce soit à leurs enfants sous prétexte de les « respecter ». On n’en finirait plus de faire le portrait de ce monde moderne si prisé à la fois par les idéologues de l’individualisme libéral et les gauchistes culturels et progressistes de tous poils. Quant au philosophe anglais Roger Scruton, il a montré dans ses ouvrages les vertus du conservatisme et de la « common decency » et on ne peut que conseiller la lecture du magnifique ouvrage collectif publié sous la direction du juriste Frédéric Rouvillois consacré au conservatisme publié aux éditions du Cerf, une mine pour qui veut réfléchir sur les tares de la modernité.
Merci à Béatrice Levet pour sa réflexion si vigoureuse qui remet le pendules à l’heure. sa volonté de remettre la transmission sur le devant de la scène. Sa citation ‘Hannah Arendt » Avec la conception et la naissance, les parents n’ont pas seulement donné la vie à leurs enfants ; ils les ont en même temps introduits dans un monde. » est bienvenue. Elle nous rappelle que l’éducation prolonge la naissance, cette naissance, si malmenée aujourd’hui, au nom d’un progressisme échevelé (qui aujourd’hui prétend nous faire naître de nous- mêmes.) Cette école ne peut se remettre de son péché originel, avoir voulu être une école de combat au service d’un régime, et avoir voulu prétendre incarner le progrès . En cela quels que soient le mérite et dévouement de ses premiers serviteurs, décrits par Péguy avec gravité, et avec tendresse par Pagnol ( qui lui ne ferme pas les yeux sur ses illusions) elle portait en elle un germe de totalitarisme. . Il y a quarante ans j’envoyais, en ce sens, un billet publié par le « quotidien de Paris »; les retours furent bons , mais rien n’a changé, au contraire! .J’en redonne la conclusion:
» La profonde justification de l’école libre serait justement d’affirmer notre profonde vocation à conquérir notre liberté, à permettre le lent accouchement de nous-mêmes, et de répudier définitivement les moules fatigués, résidus d’idéologies fanées qui encombrent le paysage. Ordonner notre vie à ce qui paraît essentiel, existe-t-il d’autres moyens que la prière, et si nous ne pouvons plus prier, qu’au moins nous puissions bénéficier de celle des autres. Il n’est pas besoin d’être croyant pour épouser le rythme d’un monastère et des moines, mais eux au moins nous ont appris à travers les millénaires, que rien ne se fonde en dehors d’un temps de recueillement. Suivre en souplesse ce modèle est trop nous demander? Je pense à ces deux mots: « Ora et Labora »!