Ce à quoi s’en prend ici Mathieu Bock-Côté ce n’est, nous semble-t-il, rien d’autre que l’idéologie, le projet révolutionnaire mis en route en France en 1789… Qui aboutit à la confiscation des libertés légitimes, puis à la Terreur.
Par Mathieu Bock-Côté.
Cette chronique que nous nous abstiendrons de commenter – la lire suffit – est parue dans Le Figaro de ce matin. Elle ne nous paraît pas vraiment dans la ligne politiquement correcte – républicainement correcte – qui a si longtemps été la marque de fabrique exclusive du grand quotidien, aujourd’hui moins sage.
CHRONIQUE – La suspension du directeur de l’Immaculée Conception (Pau) « pour atteinte à la laïcité » doit inquiéter. Par cette décision, l’État outrepasse son rôle et obéit à des idéologies qui cherchent à fonder une société nouvelle et sans passé.
On se souvient, il y a quelques mois à peine, de la campagne menée contre le collège Stanislas par la presse de gauche. Derrière un dossier mal étayé, pour ne pas dire trompeur, il s’agissait surtout de reprocher à cette institution d’enseignement catholique d’être catholique, et plus encore, de se dérober aux mécanismes d’endoctrinement souvent prescrits par l’Éducation nationale.
C’est une séquence semblable qui vient de s’ouvrir à Pau, avec la charge menée contre Christian Espeso, à la tête de l’établissement de l’Immaculée Conception, suspendu de ses fonctions pour une durée de trois ans – tout en conservant le droit, néanmoins, d’enseigner. On lui reproche des atteintes à la laïcité, ce qui revient encore une fois à s’indigner qu’une école catholique (Photo) ne soit pas complètement étrangère à la religion qu’elle professe, tout en le faisant dans les paramètres prescrits par la loi.
Ce qui se joue ici dépasse largement ce qu’on pourrait appeler la tolérance flageolante pour l’école catholique. On rappellera néanmoins que l’école catholique, en France, n’a jamais été exclusivement une école confessionnelle. Elle était, et demeure, même si nous en avons moins conscience aujourd’hui, le symbole d’une France ne consentant pas à se fondre intégralement dans les paramètres révolutionnaires. Car la Révolution, avant d’être politique, portait une nouvelle métaphysique, on aurait dit autrefois qu’elle était antichrétienne, même si cette vérité d’origine est aujourd’hui recouverte d’un voile idéologique, tissé par l’historiographie officielle. C’est à travers l’école catholique que cette autre France, cette France antérieure, survivait – ainsi qu’à travers l’armée, car ne disait-on pas qu’il était possible, en s’y engageant, de servir la France sans servir la République ? On comprend dès lors pourquoi il faut l’abattre.
Traduisons cela philosophiquement. La modernité ne tolère qu’elle-même – elle porte en elle son propre fondamentalisme – dans la mesure où elle décrète une nouvelle césure dans l’histoire, une nouvelle révélation. Avant elle, les hommes étaient aliénés, contemplant le ciel à la recherche des conditions de leur salut, sans comprendre qu’ainsi, ils gâchaient leur passage sur terre. Après elle, les hommes sont appelés à comprendre que leur salut est en ce monde, dans la construction d’une société idéale, délivrée du mal, autrefois question métaphysique, désormais traité comme un problème sociologique. Car si on croyait le mal autrefois logé dans le cœur de l’homme, on le décrète désormais enfermé dans une structure sociale (du capitalisme au patriarcat en passant par le racisme, elles ont changé), qu’il s’agirait d’abattre, pour faire naître une société nouvelle, un jour parfaite. La politique est alors investie d’une charge émancipatrice. Elle doit fabriquer un homme nouveau.
L’État se croit créateur de la société. Il veut ainsi substituer au peuple historique une population nouvelle, se définissant strictement dans un vivre-ensemble technocratique, et refonder sur une anthropologie nouvelleTraduisons cela politiquement. L’État n’est plus ici considéré comme l’organisateur d’une société lui préexistant. L’État doit plutôt arracher la société au monde d’hier, et en fabriquer une nouvelle. C’est le travail de l’ingénierie sociale. Évidemment, le travail d’arasement n’est jamais définitif, car des « préjugés » venus des siècles anciens demeurent actifs – on les nomme « intolérance ». Il faut sans cesse les éradiquer, dans un travail s’assimilant à un désherbage permanent. Cela exige une société toujours plus surveillée, toujours plus contrôlée, toujours plus rééduquée – et de moins en moins tolérante avec ses vieux restes. Cela exige un contrôle social toujours plus grand. D’ailleurs, le vieux monde ne reprend à peu près jamais le territoire perdu. Il cherche au mieux à défendre ses positions en évitant d’être balayé une fois pour toutes. Tel est le sort de l’école catholique aujourd’hui.
L’État se croit créateur de la société. Il veut ainsi substituer au peuple historique une population nouvelle, se définissant strictement dans un vivre-ensemble technocratique, et refonder sur une anthropologie nouvelle. Il veut moins préserver le patrimoine que favoriser un art nouveau qui le célébrera. Il entend même aujourd’hui modifier la définition de l’être humain, en le désexualisant, au nom de la fluidité identitaire – une société détraditionnalisée sera beaucoup plus malléable. Il accorde des libertés selon son bon vouloir, mais peut les retirer. L’État juge que la richesse produite sur le territoire lui appartient, s’en empare avec ses taxes, impôts et charges, et laisse ensuite aux individus qui la produisent la part qu’il juge légitime de leur revenir. L’État fixe sa vérité officielle et laisse ensuite une liberté d’expression résiduelle végéter.
Nous prenons encore le monde occidental pour le monde libre sans parvenir à comprendre que s’il se réclame de la démocratie libérale, il en propose aujourd’hui une vision contrefaite, falsifiée. La question de l’étatisme autoritaire renaît aujourd’hui sans qu’on ne s’en aperçoive. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
Ma seule réserve concernant cet excellent article de Mathieu Bock-Côté porte sur cette démocratie libérale à laquelle il continue d’adhérer sans réserve. Je ne suis pas sûr que ce soit « une vision contrefaite, falsifiée » de la démocratie libérale que nous avons sous les yeux. Il se pourrait plutôt que l’idéologie qui nous est imposée en soit le développement logique. Les fondements philosophiques de la démocratie libérale pouvaient-ils nous conduire à autre chose ? Que dirait aujourd’hui un Tocqueville dans le prolongement de ce qu’il avait déjà bien perçu à l’horizon?
En France, la « République » est moins une façon de désigner les dirigeants, qu’une religion de « l’émancipation » de l’individu et du « Progrès ».
Certes le « libéralisme » a fait des ravages dans le monde. Mais en France où on a le culte de l’Etat; il s’est fait jacobinisme totalitaire.
La modernité n’est pas un agent, ou protagoniste, identifiable. Pour les préhistoriens, elle a 40 000 ans environ. Les historiens de l’art, eux, ne qualifient de moderne que celui produit par 2 ou 3 générations, toutes disparues il y a un siècle environ. Quoiqu’il lui soit souvent associé, l’art contemporain , pourtant de tous les temps (chacun, pour ses contemporains) n’est plus, lui, moderne mais post-moderne.
Sérieusement : M. Bock-côté me semble donc se méprendre. Ce n’est pas l’école privée qui est visée par la « modernité » style 1789 à laquelle il se réfère. Des centaines d’écoles privées, de types divers, se développent, du jardin d’enfant à l’enseignement supérieur, à l’instar de ce qui se produit pour de nombreuses activités. Non sans relation avec l’apoplexie de l’État jacobin . La cible visée est bien le catholicisme, objet d’une vendetta dont on a totalement oublié les raisons. Cette vendetta ignorante, aveugle, à front de taureau, est d’autant plus facile à réanimer pour des agitateurs avides de revanche et de domination. Chaque génération leur offre un contingent de supplétifs, nervis ou sicaires faciles à enrager – sans risque – contre une institution de nature quasi-incompréhensible et, aubaine, totalement désarmée. De ces protagoniste, La bêtise, la méchanceté et la mauvaise foi sont, elles, aussi anciennes que la modernité des préhistoriens !
Je rejoins Yves Floucat qui met le doigt sur la société; issue de la démocratie LIBERALE . Cette société a pu perdurer-un temps- sur des valeurs traditionnelles qui la précédaient, ce que Schumpeter appelle les « couches protectrices de la société », Maintenant qu’elles sont mises à nues , puis éradiquées dans l’allégresse par la vague actuelle qui nous envahit , le wokisme par exemple, nous sommes aussi mis à nus au sens biblique, il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer , à moins que Mathieu Bock -Côté fasse appel aux résidus de ces anciennes valeurs enfouies chez nous, qui peuvent réapparaitre chez certains libéraux, ce qu’Orwell appelle » la common decency » qui témoignent « de la conscience indestructible de l’essence morale d el ‘homme » . On peut -être – jouer cette carte là , à condition bien sûr de savoir et de dire qu’on ne peut pas échapper à une conversion spirituelle pour permettre cette transmission. En ce ce sens on comprend la rage de ceux qui veulent éliminer tout effort ;ui nous rattache à ce qui nous fait vivre au delà de nous-mêmes: Rassurons -nous ils se démasquent avouant ainsi leur incapacité à fonder quoique ce soit de durable, à approfondir. le sens de notre destinée; .