Les « Grands Textes » réunis sous ce titre par JSF ont, quelle que soit leur taille, quelque chose de fondamental sur quoi il nous paraît convenir de revenir souvent, qui nous parle dans les circonstances que nous vivons et qu’il est bon de « partager » largement !
Ô Paris, qui n’es plus Paris !
Henri IV n’a pas encore reconquis son royaume. La France est divisée. Elle est en guerre. Des Etats-Généraux chaotiques fracturent le pays. Pour sortir des querelles civiles, ce texte de 1594 soutient la cause du roi légitime, le futur Henri IV.
« Nous aurons un Roi qui donnera ordre à tout, et retiendra tous ces tyranneaux en crainte et en devoir, qui châtiera les violents, punira les réfractaires, exterminera les voleurs et pillards, retranchera les ailes aux ambitieux, fera rendre gorge à ces éponges et larrons des deniers publics, fera contenir un chacun aux limites de sa charge, et conservera tout le monde en repos et tranquillité.
Enfin, nous voulons un Roi pour avoir la paix, mais nous ne voulons pas faire comme les grenouilles, qui, s’ennuyant de leur Roi paisible élurent la cigogne qui les dévora toutes. Nous demandons un Roi et chef naturel, non artificiel; un Roi déjà fait, et non à faire; et n’en voulons point prendre le conseil des Espagnols, nos ennemis invétérés, qui veulent être nos tuteurs par force, et nous apprendre à croire en Dieu et en la foi chrétienne, en laquelle ils ne sont baptisés, et ne la connaissent que depuis trois jours. Nous ne voulons pour conseillers et médecins ceux de Lorraine, qui de longtemps béent après notre mort. Le Roi que nous demandons est déjà fait par la nature, né au vrai parterre des fleurs de lis de France, jeton droit et verdoyant du tige de Saint Louis. Ceux qui parlent d’en faire un autre se trompent, et ne sauraient en venir à bout. On peut faire des sceptres et des couronnes, mais non pas des Rois pour les porter; on peut faire une maison, mais non pas un arbre ou un rameau vert: il faut que la nature le produise, par espace de temps, du suc et de la moelle de la terre, qui entretient le tige en sa sève et vigueur. On peut faire une jambe de bois, un bras de fer et un nez d’argent, mais non pas une tête. Aussi pouvons-nous faire des Maréchaux à la douzaine, des Pairs, des Amiraux, et des Secrétaires et Conseillers d’État, mais de Roi point ; il faut que celui seul naisse de lui-même, pour avoir vie et valeur. Le borgne Boucher, pédant des plus méchants et scélérés, vous confessera que son œil, émaillé d’or d’Espagne, ne voit rien. Aussi un Roi électif et artificiel ne nous saurait jamais voir, et serait non seulement aveugle en nos affaires, mais sourd, insensible et immobile en nos plaintes…
En un mot, nous voulons que Monsieur le Lieutenant sache que nous reconnaissons pour notre vrai Roi légitime, naturel, et souverain seigneur, Henri de Bourbon, ci-devant Roi de Navarre. C’est lui seul, par mille bonnes raisons, que nous reconnaissons être capable de soutenir l’Etat de France et la grandeur de la réputation des Français, lui seul qui peut nous relever de notre chute qui peut remettre la Couronne en sa première splendeur et nous donner la paix. » ■
Relation burlesque des États Généraux de 1593 manipulés par la Ligue et les Espagnols. Le titre évoque le philosophe cynique grec Ménippe (III° siècle av. J.-C.). Cette œuvre collective est surtout rédigée par le juriste Pierre Pithou. Elle défend la paix, l’indépendance nationale et l’hérédité dynastique française.
Principal auteur, P. Pithou (1594).
L’extrait de la Satire Ménnippée que nous avons retenu pour ce Grand texte est repris de l’Anthologie de la prose française établie par les regrettés Philippe Legrand et Michel de Saint-Pierre, et publiée aux Éditions France Empire (1987).
Actualisé le 13 avril 2024
On peut actualiser! Il serait même urgent de le faire;;;