Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
« Il n’a pas pu supporter ça. Et ça, c’était de voir les Prussiens chez lui.»
D’une nouvelle conversation de X… avec Denys Cochin1, il résulte que celui-ci aurait pu être ministre dans le cabinet de réconciliation nationale s’il n’avait déclaré que cette guerre était inutile et pouvait être évitée. Denys Cochin affirme que le baron de Schoen a cherché à joindre toutes sortes d’hommes politiques français pour arriver à empêcher l’alliance franco-russe de jouer.
Paul Souday m’apprend la mort du musicien Albéric Magnard, survenue dans les circonstances suivantes. Magnard se trouvait à la campagne, dans le Valois, avec sa famille. On apprend que les Prussiens approchent. Il déclare qu’il veut rester seul pour empêcher le pillage de la maison. Un matin, deux uhlans se présentent : Magnard, qui avait un fusil, les vise et fait coup double. Quelques instants après, d’autres uhlans arrivent en force, s’emparent du musicien et le fusillent… Albéric Magnard – le fils du célèbre Magnard du Figaro – était un homme de grand talent, mais un méditatif, un doux. Pourtant il n’a pas pu supporter ça. Et ça, c’était de voir les Prussiens chez lui.
Le Temps quitte Bordeaux demain. Nous aussi. Mon ami Capus (Photo) est reparti déjà. Le gouvernement va rester seul dans sa capitale provisoire ayant l’air de ne pas avoir confiance dans les nouvelles favorables qu’il donne et qui, officieuses, sont encore meilleures qu’officielles. Il semble cependant que les Allemands, avec des forces accrues, et des troupes fraîches ou reposées, tentent un suprême effort pour revenir sur Paris. ■ JACQUES BAINVILLE
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